Rien se changera si ...

503 44 40
                                    

Chapitre 1

Aujourd'hui encore, je dois me rendre à la prison dans laquelle est enfermée ma sœur pour l'écouter jouer du violon avec Sherlock. Mes parents veulent que je sois là. J'avoue ne pas comprendre pourquoi, après tout, c'est moi qui l'ai enfermée ici et ils sont en colère contre moi pour le leur avoir caché.

Après ce qu'il s'est passé, ils m'ont clairement fait comprendre que ce que j'ai fait depuis tout ce temps pour les protéger, eux et Sherlock, était parfaitement inutile. En effet, elle a bien failli tuer le Dr Watson et mon frère aurait été anéanti. J'ai été un parfait incapable, un fils indigne et un pitoyable grand frère.

J'aurais préféré qu'il tire ce jour là. Que Sherlock me tire dessus. Au moins je n'aurais pas assisté à ce désastre et, même si l'on m'avait tenu pour responsable, je ne serais pas là pour le voir.

Me voila donc assis, à gauche de ma mère sur un petit banc blanc dans une salle avec une immense vitre de verre, mon frère est là, ma sœur est de l'autre côté et elle le regarde. Ils ont sorti leurs violons.

Ils commencent à jouer. La musique est lente et triste. Je ne l'aime pas. J'ai l'impression qu'à travers ces quelques sons, je me reprend chacun des reproches que l'on m'a fait ces derniers temps. Sherlock a l'air d'avoir un peu de mal à garder le tempo, comme lorsqu'il avait essayé de me défendre en disant que j'avais fait de mon mieux. Ma mère avait immédiatement riposté en disant que ce "mieux" était limité. Il s'était tu ensuite, il n'avait rien trouvé à répondre.

Je les regarde jouer, mon masque d'homme de glace habituel collé sur le visage alors qu'au fond, cette musique m'anéanti lentement. Chaque note est un clou de plus enfoncé dans mon cœur déjà meurtri. Moi qui pensait qu'il n'existait pas il y a quelques temps, je me met à y avoir si mal et si souvent. Je me lève, je ne supporte plus cette musique. Je me dirige vers la porte avec un espoir que quelqu'un me retiendrais, comme un enfant qui veut juste se faire remarquer. Mon père, qui est assis de l'autre côté de ma mère, entrouvre la bouche comme pour dire quelque chose. Pendant une petite seconde, je lui jette un regard du coin de l'œil. Il ne bouge pas. La porte s'ouvre. Je pars. Tout le long du couloir, je marche sans me presser, espérant encore que quelqu'un vienne me retenir. Mais personne ne vient. Je suis désespérément seul.

Je prend l'hélicoptère et j'arrive à Londres. Mon téléphone est déchargé, ce n'est pourtant pas dans mes habitudes d'oublier de le brancher. Je ne peux pas appeler de voiture. Je vais rentrer à pied, après tout, je ne suis pas très loin. Il pleut sur Londres. Il pleut d'une petite pluie fine mais je n'ai pas le courage d'ouvrir mon éternel parapluie noir. Alors je marche jusque chez moi, les minuscules gouttes d'eau me transpercent le visage comme des lames de rasoir.

J'arrive enfin chez moi. Je dépose ma veste trempée sur le porte-manteau à l'entrée et je monte les escaliers. Je met mon costume mouillé avec le reste du linge sale, celui qui s'est entassé depuis quelques jours et que je n'ai pas fait mettre au pressing, encore une chose qui n'est pas dans mes habitudes. Je prend le trois pièces que je préfère et je le revêt, laissant la veste sur mon lit. Je vais dans la salle de bain. Je remonte ma manche gauche. Aujourd'hui encore, je vais le faire. Rester là à regarder mon bras tendu nu devant moi, à me dire qu'il ne faudrait pas grand chose. Aujourd'hui encore ... Non, j'en ai bien trop marre.

Je fais donc couler de l'eau dans la baignoire. De l'eau chaude mais pas assez pour être brûlante, une température idéale pour un bain. Je me répète que personne ne me regrettera. Après tout, je suis un parfait incapable, un fils indigne et un pitoyable grand frère. Sherlock risque tout de même de s'en vouloir. Je vais lui laisser un message alors, juste pour lui. Je prends mon téléphone mais il n'est pas chargé. De toute façon, si je lui envoie trop tôt, il va débarquer et m'empêcher de faire ce que j'ai à faire. Je met donc à charger mon téléphone. Les réseaux ne se réactiveront que lorsque la batterie ne sera plus considérée comme faible. J'ai donc une dizaine de minutes plus les trente qu'il mettra à traverser tout Londres pour arriver jusque chez moi. Je tape donc le message et me met en besogne.

J'avale, tout d'abord, trois cachets d'aspirine. Je prend ensuite mon parapluie et tire sur le manche, une épée se retrouve dans ma main. Je place mon bras au dessus de la baignoire à moitié pleine. Je donne un premier coup d'épée sur mon avant bras. La douleur est vive mais je ne la sens vite plus. Je regarde quelques secondes mon sang couler dans l'eau qui se teinte légèrement de rouge. J'en donne un deuxième, un troisième ... En tout, j'en donne plus d'une dizaine avant de sentir mes forces s'amenuiser. Je commence à avoir froid. Je laisse mes bras tomber dans l'eau chaude. Elle me brûle la peau. Elle brûle ma peau froide d'homme de glace. Je sent alors que mes jambes brûlent également. L'eau a débordé de la baignoire, une eau teintée de rouge qui tâche mon costume préféré.

Je tourne la tête pour voir si l'eau a atteint la porte et je vois mon téléphone. Le message doit s'être envoyé.

Je pars à l'abordage seul.
Surtout, ne m'attend pas.
Surtout, rappelle-toi que ce n'est pas de ta faute.
Je suis désolé, brother mine.

MH

Une allusion à la piraterie, j'espère au moins que ça lui fera plaisir. Un petit mot, rien que pour lui, car je n'en enverrai à personne d'autre qu'à lui, il est le seul. Le seul.

Je sens ma tête tomber. J'ai l'impression qu'elle tombe au ralenti mais apparemment pas car je m'ouvre l'arcade sourcilière droite sur le bord de la baignoire. Cela fera encore plus de rouge dans l'eau. Mon front glisse et se retrouve dans l'eau. Je perd connaissance.

Je ne m'étais jamais demandé ce qu'il pouvait y avoir après la mort, cela me semblait si inutile. Après tout, quand on est vivant, on n'y est pas et quand on est mort, on y est déjà. Peut-être qu'il n'y a rien. Peut-être juste qu'on n'existe plus. J'aimerais bien ...

~~

Et voila le 1er chapitre ! Je suis contente de le publier. Avant de commencer à écrire, j'avais déjà une idée précise de ce que je voulais écrire sur les 4 premiers.

J'espère que cette entrée en matière vous a plu. À dimanche pour la suite 😄

IcemanOù les histoires vivent. Découvrez maintenant