Under The Bridge

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"I don't ever wanna feel
Like I did that day
Take me to the place I love
Take me all the way"

-Red Hot Chili Peppers

Louisa Leclerc s'était toujours trouvée septique face au concept de jalousie. Elle en comprenait le principe. Un sentiment d'envie à l'égard de quelqu'un ou de quelque chose que l'on n'a pas. Ce avec quoi Louisa avait du mal, c'était surtout l'origine du sentiment, l'insécurité, l'anxiété qui en était la source. Pour elle, la jalousie n'était pas une preuve d'amour mais une preuve de faiblesse, l'expression autorisée d'une insécurité réprimée. Louisa n'avait pas pour habitude de se sentir en insécurité. Elle se savait plutôt jolie, plutôt intéressante, plus intelligente et pour trainer seule dans sa chambre, c'était amplement.

Alors, il avait fallu à Louisa plusieurs minutes pour comprendre que la boule qui menaça de l'étouffer quand la tatoueuse d'un mètre cinquante-sept fit son apparition dans son salon était de la jalousie et non pas une nouvelle forme de l'angoisse naturelle qui l'envahissait quand elle était en présent d'un peu trop de monde.

Louisa était jalouse.

Elle était jalouse de son aisance en société, de la manière décontractée dont elle faisait des blagues graveleuses, des millions d'anecdotes qu'elle pouvait raconter à la minute. Elle était jalouse de découvrir à quel point tout le monde l'aimait dans le groupe parce que « comment ne pas aimer sa petite tête ». Surtout, elle était jalouse de la complicité que la jeune femme avait avec son Mika. Ils se faisaient des blagues qu'eux seuls pouvaient comprendre et ne se gênaient pas pour les faire.

Le pire, c'était que Louisa avait parfaitement compris pourquoi Lina s'était attiré les faveurs de tous, elle avait effectivement cette manière de mettre les personnes autour d'elle à leur aise. Alors non malgré sa présence et celle de Max, Louisa ne s'était pas senti paralysée par son anxiété sociale. Pourtant, la petite voisine s'était vue soulagée quand la soirée tira sa révérence et qu'elle put se réfugier dans sa cuisine pour commencer à nettoyer les restes du dîner préparé par Mika.

-Alors ? J't'avais dit qu'elle était sympa.

-Pour la trouver sympa, j'ai bien vu que tu l'as trouvé sympa.

Louisa se mordit la langue en s'entendant parler de cette manière. Ce n'était tellement pas dans ses habitudes d'être dans l'agression qu'elle ne se reconnaissait pas. Et en même temps....

-Ça veut dire quoi ça ?

Le ton de Mika était automatique passé en mode défensif ce qui au lieu de permettre à sa compagne de retrouver un semblant de calme l'incita à attaquer plus encore.

-J'ai adoré te dépuceler haha, elle répondit dans une mauvaise imitation de son invité du soir.

-T'es sérieuse ?

-Toi t'es sérieux ?

-Elle m'a fait mon premier tatouage

-Et donc elle était obligée de tourner ça à l'insinuation sexuelle ? Et toi à rire comme un idiot, elle termina durement en balançant les couverts qu'elle tenait dans l'évier.

-Tu vrilles complet ma pauvre.

-Vous avez passé la soirée à flirter ensemble, mais c'est moi qui vrille ?

Dans une tentative d'empêcher la situation de dégénérer Mika prit une grande inspiration. Au regard qu'il lui adressa Louisa su qu'il n'aimait pas mais alors pas du tout la manière qu'elle avait de s'adresser à lui. Et elle non plus en réalité. Mais c'était plus fort qu'elle. Elle avait contenu la boule toute la soirée, il fallait qu'elle sorte et Mika était celui qui en ferait les frais.

-Si c'est pour dire de la merde, tu devrais la fermer.

-Je la fermerais quand j'aurais décidé. Tu comptais m'en parler quand de l'Argentine ?

Louisa s'était retrouvé idiote quand Lina, pour tenter de la lui faire la conversation, lui avait demandé si elle comptait accompagner Deen en Argentine. Ne sachant pas de quoi elle voulait parler, Louisa avant dû se tourner vers Mika, mais c'est Max qui était venu à son secours. L'une des cousines de Cheryl, la femme de 2zer fêtait sa quinceanera au moins d'août. Ils avaient donc décidé de profiter de l'occasion pour emmener leur fils Samuel rencontrer la branche maternelle de sa famille et avaient dans le même temps invité L'Entourage à visiter le pays pendant le mois d'août.

Le voyage était prévu depuis des mois et tout le monde autour de la table y participait sauf elle qui n'était même pas au courant. Elle ne comprenait pas pourquoi Mika ne lui avait rien dit et pourquoi c'était cette fille qui avait dû lui dire.

-J'avais l'intention de te le dire. J'ai pas trouvé l'opportunité.

-T'as pas trouvé l'opportunité ? Pourquoi hier soir quand j'te disais que je voulais aller chez mes parents ou ce matin quand on parlait de ta série de concerts de l'été ?

Série de concerts qui allait commencer dès le lendemain. Mika avait senti sa gorge se serrer, il avait vraiment voulu lui dire mais il n'avait pas pu. Il n'était pas fan de l'idée de la laisser seule pendant un mois entier et au moment où il le lui dirait se serait bien réel et il ne pourrait revenir dessus.

-Ou alors c'était juste l'occasion de trainé avec ta Lina, sans que je sois là pour le voir.

-Tu vas trop loin Louisa.

-Tu l'aurais sauté entre les carottes et les petits-pois, c'était pareil, donc non je crois pas que je vais trop loin. Tu vas faire quoi avec elle pendant un mois de l'autre côté du monde ?

-Je sais pas j'hésite.

Elle l'avait poussé à bout. Elle n'était plus la seule en colère et la colère de Mika était impressionnante tant elle semblait contenue. Il ne se mettrait pas à hurler, non, il allait sèchement lui dire d'aller se faire voir :

-C'est pas comme si t'étais capable de sortir d'ici pour vérifier.

Le tâcle avait du mal à passer parce qu'il était petit, mais au bon endroit. Ça faisait mal. Plus encore quand il ne chercha pas à améliorer la situation bien au contraire. Il traversa le salon puis le couloir jusqu'à claquer la porte d'entrée.

Louisa lutta de toutes ses forces pour ne pas se laisser bouffer. Ce n'était pas elle, ça ne lui ressemblait pas. Et puis ses forces arrivèrent à bout. Les larmes s'échappèrent de ses yeux, sa respiration se coupa et son corps s'effondra sur lui-même. Elle avait mal à hauteur qu'elle l'aimait.

Beaucoup trop.

Louisa Leclerc n'était plus septique face au concept de jalousie, c'était tout le contraire, parce qu'entre ses larmes qui s'écrasaient pathétiquement sur le sol de sa cuisine contre lequel elle se trouvait, la seule chose qu'elle parvenait à voir, c'était les sourires complices qu'ils avaient échangés, la seule chose qu'elle parvenait à imaginer c'était ceux qu'ils échangeraient quelque part en Argentine pendant qu'elle serait toujours ici, allongeait sur le sol de sa cuisine.

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