Survivor

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"I'm a survivor (what), I'm not gon' give up (what)
I'm not gon' stop (what), I'm gon' work harder (what)
I'm a survivor (what), I'm gonna make it (what)
I will survive (what), keep on survivin' (what)"

-Destiny Child

La lune de miel avait duré des mois. Pas un nuage à l'horizon, juste un soleil parfait qui avait réchauffé leur peau en plein hiver, gonflé leur coeur pendant l'été. Même ce que Louisa Leclerc considérait comme un incident avec Lina n'avait pas eu de véritable incidence. Oui, ils s'étaient disputés, mais ils en avaient discuté avant de passer à autre chose. Ce n'était même pas un nuage dans leur horizon parce que le reste était à ses yeux parfait. Il était bien ensemble.

Et puis il y avait eu ce coup de fil et son regard. Louisa avait cru sentir son coeur sortir de son corps par sa gorge. La douleur avait été telle qu'elle en avait perdue le souffle alors que la porte d'entrée avait claqué avec délicatesse. Pourtant, il n'avait rien dit qui n'était pas vrai. Il avait besoin d'elle et elle n'était pas capable de lui apporter son soutien. Ces mots avaient sonné comme le glas de leur relation. Pourquoi se fatiguer, pourquoi poursuivre une relation avec une personne sur laquelle on ne pouvait pas compter ?

Oui Louisa avait fait des progrès, mais ils n'étaient pas dupe, se rendre dans le magasin en bas de leur immeuble ce n'était pas grand-chose. Ce n'était pas suffisant. Comment imaginer un avenir à deux dans ces circonstances. Cela faisait presque un an désormais, l'attrait de la nouveauté finirait par disparaitre, des nuages apparaîtraient dans le ciel, sonnant la fin de la lune de miel.

Quand Louisa Leclerc se reprit, elle était décidée à ne pas se laisser faire. Il avait besoin d'elle, elle serait là pour lui. Sans plus attendre, elle s'était dirigée dans son appartement et avait pris un billet de trait direction Toulon avant de faire son sac. Mais toute sa détermination ne suffit pas. Comme les fois d'avant la jeune femme fut dans l'incapacité de sortir de la berline qui l'avait conduite devant la gare.

De retour dans son appartement, la jeune femme était tellement agitée qu'elle dut se réfugier dans le placard de sa chambre pour tenter de contrôler les tremblements qui secouaient son corps. Ce n'était pas uniquement l'anxiété sociale, c'était aussi et surtout son échec qui la rendait fébrile. Et avec l'échec, la culpabilité. Mika avait besoin d'elle et ne pouvait pas l'aider. Elle n'en était pas capable. Il avait raison. Elle n'était pas là pour lui. Les mots tendres, les promesses, ça n'avaient aucun sens si quand il avait besoin d'elle ne répondit pas présente.

-Qu'est-ce qu'il t'arrive ? dit la voix tranchante du Colonnel Leclerc quand elle décrocha son téléphone.

Il n'avait pas eu besoin de lui dire que ça n'allait pas. Il l'avait senti. Ça avait toujours été ainsi entre eux. Elle n'avait jamais eu besoin de lui dire, il savait.

-Il est partie, elle dit d'une voix chevrotante.

-Qui ça ?

-Mika papa, il est partie.

À coup de questions, le Colonel fini par tirer de sa fille le contexte derrière ces quelques mots.

-J'ai essayé de prendre le train, mais j'ai pas réussi, elle termina en murmurant.

Le silence s'installa entre le père et sa fille. Sans doute que le père tentait de trouver les mots justes pour réparer le chagrin de sa petite princesse. Après un débat interne que Louisa pouvait aisément imaginer, c'est le militaire qui prit le pas sur le reste.

-Sèche tes larmes, il dit d'un ton bourru. Tu n'as jamais eu aucune raison de faire l'effort Lousia, aujourd'hui c'est le cas à toi de décider ce que tu veux.

-C'est pas si simple.

-Si justement, tu vas prendre un nouveau billet et monter dans ce train. C'est un ordre, sa voix claqua durement. On ne laisse personne derrière, il ajouta pour apaiser cette dureté.

Louisa n'en dormit pas de la nuit. L'ordre donné par le Colonel tournait et se retournait dans son esprit. Pire encore, Mika ne lui avait donné aucun signe de vie.

Et si, il était vraiment fâché contre elle ? Et si, comme elle l'avait senti ces mots qu'il lui avait dits avant de partir étaient réellement le marqueur de la fin de leur relation ? Ça ne pouvait pas être ça, pas comme ça. Elle allait faire des efforts, elle allait le prendre ce train. Comme le Colonel lui avait ordonné.

Oui, elle allait le prendre ce train. Sortant de son lit, Louisa guetta distraitement son téléphone. Il n'était pas encore huit heure. C'était peut-être cela-là la solution, partir avant qu'il n'y ait trop de monde dans les rues ? En tout cas, Louisa s'attacha à cette idée. Cette fois, elle le prendrait ce train.

Entre nous, elle en avait un peu marre de dépenser plein d'argent dans des billets de train, dont elle ne se servait jamais. Son sac déjà fait lui fait gagner du temps, en revanche pour se rassurer, elle se fit couler un long café, qu'elle accompagna d'un jolie joint finement roulé. Comme Mika lui avait montré. Ce n'était pas terrible, elle en avait conscience, mais elle voulait vraiment le prendre ce train. Quand le uber arriva, le THC avait déployé ses effets, elle n'en avait pas mis beaucoup, juste assez pour sourire sans trop savoir pourquoi.

En montant dans le uber Louisa comprit que cette fois, elle allait le faire. C'était bien trop important, elle ne pouvait pas prendre le risque de prendre son Mika. Au-delà ça, il avait besoin d'elle, il le lui avait dit. Elle devait répondre à ce besoin, leur relation était un partenariat, ils devaient s'aider mutuelle, pas lui plus qu'elle, à égalité.

Entrant dans la gare, la petite voisine sentit sa respiration se couper, son coeur battre plus vite, ses mains devenir moites. Contrairement à ses espoirs, il y avait beaucoup de monde. Trop de monde. Chaque regard, chaque soupire, chaque murmure, semblaient dirigés vers elle.

Elle était comme mise à nue au centre de l'attention.

Des bouffés de chaleur commencèrent à la saisir, il fallait qu'elle sorte d'ici. Il fallait qu'elle sorte d'ici. Mais les pieds fixaient au sol, son corps refusait de lui obéir, obligeant les voyageurs insouciants à s'écarter d'elle pour pouvoir passer, renforçant dans même temps la sensation d'observation de la jeune femme.

Non ! Elle ne céderait pas à la panique. C'était important non pas uniquement pour Mika mais pour elle aussi qu'elle parvienne à monter dans ce train. Elle avait déjà laissé passer trop de temps, elle ne le ferait plus. Elle ne le laisserait pas partir lui, même s'il était agaçant la plupart du temps, envahissant en permanence. Non elle ne le laisserait pas partir.

Finalement Louisa parvint à faire bouger ses pieds, d'un coup d'oeil rapide aux écrans bleus accrochés un peu partout, elle trouva son quai et se dirigea vers celui-ci d'un pas rapide.

La pression était bien présente, sa respiration sifflante, elle avait peur pour ne pas dire qu'elle était effrayée, mais elle savait aussi que ce ne serait pas toujours le cas, il fallait simplement qu'elle se concentre sur une chose à la fois. Monter dans le train, trouver sa place, fermer les yeux, monter le son dans ses écouteurs, contrôler sa respiration.

Elle pouvait le faire, elle allait le faire. 

AGORAOù les histoires vivent. Découvrez maintenant