11. Coup pour coup

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Installés à l'arrière de Blue Jeans, Simon et moi restons mutiques ; on n'entend que le bruit du sucre des churros qui craque sous nos dents. On dirait le jeu du roi du silence, sauf que c'est bien moins drôle qu'un jeu et que chacun attend que l'autre craque. C'est finalement lui qui prend la parole :

« La prochaine fois ça serait cool de laisser un mot pour dire où tu vas. Histoire que je ne me mette pas à flipper.

- Ils ne m'ont pas vraiment laissé le choix...

- Ils ? C'est qui ça ?

- Tu ne devineras jamais.

- J'ai une tête à aimer les devinettes et autres blagues de Toto ?

- Les grands-parents maternels de Peace. »

Sous le coup de la surprise, Simon commence à s'étouffer avec un churros. Je lui tape bêtement dans le dos, parce que je n'ai aucune idée des gestes à faire, mais cela semble marcher puisque Simon recrache violemment le bout de churros dégoulinant de bave, qui arrive sur le levier de vitesse. C'est presque aussi drôle que dégoûtant ; de toute façon je m'en tape, ce n'est pas moi qui conduis.

Simon se tourne vers moi, choqué.

«  Les parents de Lina ? Mais... comment ? »

Il semble réellement étonné. Mais ce qu'il ignore c'est que pendant le trajet de la maison d'Annie et Helmut jusqu'au camion j'ai eu le temps de réfléchir et de me poser les bonnes questions. Déjà, qui que soit la personne qui m'envoie des messages anonymes, je n'ai aucune raison de la détester. Je n'apprécie guère d'être un pantin à qui on dit quoi faire et quoi penser, mais pour le moment mon mystérieux correspondant m'a pas mal aidé en me guidant à travers les ruelles de Trouille-sur-Mer. Je sais que de toute façon je dois toujours me méfier par rapport à Simon, je n'ai pas besoin qu'on me mette en garde.

En parlant de Simon, je sais qu'il m'a été d'un grand soutien, que je devrais lui faire plus confiance, mais je ne suis pas le seul à avoir des secrets. Et sur le moment, avant de lui parler de quoi que ce soit, c'est à lui de me dévoiler certaines vérités.

« Eh oh ! Il s'est passé quoi avec les vieux schnocks ? »

Je me tourne vers lui, le regard brillant d'une détermination nouvelle.

« T'es sûr que ça va mec ? T'as l'air bizarre...

- Je me porte à merveille. Et toi ? Tu n'as rien à me dire ?

- Rien que tu ne saches pas déjà. »

Il ment. Pour un ancien-Roi de la Zone, il ment très mal. Il est incapable de me regarder dans les yeux, et ses mains tremblent. J'ai limite de la peine de le voir dans cet état ; il a l'air vraiment fatigué.

« J'attends.

- T'attends quoi ?

- Tu sais très bien de quoi je parle.

- Je t'ai dit que je détestais les devinettes...

- Et moi je déteste les menteurs. Tu me caches beaucoup de choses, j'ai conscience que certaines doivent rester privées et je le respecte, mais tu me dois la vérité sur plusieurs sujets.

- Et lesquels sont-ils ? me répond-il d'une voix doucereuse. »

Il essaie de garder un air moqueur mais je le sens vaciller.

« Déjà, avec quel argent as-tu payé les churros ?

- C'est ça ta grande question ?

- Réponds.

Peace and LoveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant