Peace and Love

2. Virgo

« Peace. »

Elle s'était redressée tant bien que mal pour se retrouver assise dans la neige, tandis que je m'étais accroupi à ses côtés.

« Salut, Hercule.

- Ne m'appelle pas... oh et merde. Qu'est-ce que tu fais là, Peace ? Tu joues à la clocharde ? Tu fais la manche ?

- Pourquoi ? m'avait-elle répondu avec un sourire narquois. Je te donne envie de me donner une petite pièce ?

- Putain Peace... Je... Tu te rends compte que je t'ai crue morte ? Tu étais avachie par terre, comme un vieux chiffon ! Comme... comme un cadavre ! Et dans la neige... à quoi tu joues, Peace ?

- Mais tout va bien, tu vois. Aucune raison de s'inquiéter. »

J'avais alors profondément respiré. J'étais hors de moi et furieux contre elle, mais d'une certaine manière j'étais soulagé. Nous avions alors gardé le silence quelques secondes ; rassuré, je l'avais observée reprendre son souffle et se réchauffer : elle était pourtant bien couverte, avec sa doudoune et son pull ; ça changeait du soir de Noël où elle était partout juste vêtue de sa robe en soie rouge...

Le rouge. Les taches. Ma macabre découverte m'était violemment revenue à l'esprit ; j'avais alors recommencé à la détailler, mais plus attentivement cette fois : les cordons de son sweat pendouillaient lamentablement, et ses mains étaient posées sur...

Rapide comme l'éclair, j'avais attrapé ses poignets et les avais écartés de son ventre. Une tache sombre s'étendait au niveau de son abdomen ; ses mains étaient également écarlates, à force d'avoir tenu la plaie.

« Virgo... dans quoi t'es-tu encore embarquée ? »

Virgo était son Hercule, son surnom détesté ; basé sur son deuxième prénom Virginia, il était utilisé par ceux qui la taquinaient ; en tout cas ceux qui osaient la taquiner. Mais c'était surtout la manière dont je l'appelais chaque fois qu'elle dépassait les bornes et qu'elle allait trop loin ; le nombre de moments où je l'ai appelée ainsi se compte sur les doigts d'une main. Et ce soir-là en fait partie.

Grelottant à cause du froid, de la peur et du choc, j'avais tant bien que mal attrapé mon portable pour composer le numéro du SAMU. C'est à ce moment-là que Peace, beaucoup trop vive alors pour quelqu'un qui se vidait de son sang, m'avait arraché mon portable des mains.

« Virgo, à quoi tu joues ?

- Ne m'appelle pas Virgo...

- Tu te fous de moi ? T'es en train de crever dans la neige et tu t'inquiètes de la manière dont je t'appelle...

- Ne les appelle pas s'il te plaît... Ils voudront des... explications...

- Oui, et c'est tout à fait normal, et j'espère que moi aussi j'y aurais droit. Tu es en train de faire une hémorragie, et si je n'étais pas passé par là tu serais morte de froid avant même de mourir de ta blessure. Je...

- Tonino... »

L'entendre prononcer mon vrai prénom m'avait fait l'effet d'un coup de fouet. Tout le monde m'appelait Tonino, mes parents, mes amis, mes professeurs... Mais Peace, c'était autre chose. Peace n'était pas tout le monde. D'aussi loin que je me souvienne, elle ne m'avait jamais appelé par mon prénom, seulement par ce surnom ridicule qu'elle avait décidé de m'attribuer.

Mais alors que je cherchais quelque chose à répondre, elle m'avait devancée en plantant ses yeux dans les miens, la voix légèrement tremblante :

« Toni... Hercule... les... ils m'ont... ils m'ont...