Chapitre 15 - Ecrire pour voyager et voyager pour écrire

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J'ignore encore comment mon cerveau avait fait pour capter toutes ces informations. Je ne me souviens plus exactement ce que j'ai dit ou fait après cela. J'étais dans un état second, trop abasourdie par la nouvelle pour réussir à réfléchir.

Je me souviens avoir écrit à Amber, pour la prévenir que je partais environ une semaine. Je lui avais probablement expliqué la raison, je ne sais plus.

J'avais préparé ma valise lentement, sans trop savoir qu'emporter. Je ne connaissais pas grand-chose sur le pays de Nivesche, ni la langue nationale, ni la démographie, ni la culture, ni la géologie, ni la météo. Je savais que ce pays était réputé pour ses hivers froids et enneigés.

Ici, dans le sud de la Callambe, on ne voyait jamais de neige. San-Maria était une région au climat plutôt constant. L'été, il ne pleuvait pas assez. Il faisait suffisamment chaud pour que la mer soit agréable, même fraîche. L'hiver, il faisait frais, parfois froid. Mais on ne descendait jamais en-dessous des 10°C, même durant les nuits les plus « glaciales ».

Je pense que j'avais dû regarder la météo pour me décider à ne pas prendre que des pullovers. J'avais passé le trajet d'avion à regarder des films que j'avais déjà vus, incapable de me concentrer sur quoi que ce soit, mais trop tendue pour réussir à dormir. Je pense que j'avais quand même somnolé, mais pas assez pour me sentir reposée.

En arrivant en Nivesche, je fus rassurée de voir les panneaux de l'aéroport écrits dans ma langue natale. Nous prîmes une voiture de location jusqu'à un hôtel non loin de chez ma petite cousine. La chambre était spacieuse et agréable. Je pris une douche, me posai sur mon lit et activai le wifi, décidée à m'instruire sur ce pays mystérieux.

Au bout de deux heures, j'en savais déjà plus sur cet endroit. C'était un petit pays plutôt montagneux, doté de nombreux lacs et aux paysages splendides. L'été, il faisait chaud, voire très chaud, et l'hiver, il faisait froid, voire très froid. Le reste de l'année, la température était modérée.

La Nivesche était connue pour ses sports d'hiver, ses fromages d'alpage et ses villes aux architectures historiques. Un de ses plats typiques, la tourte niveschienne, se cuisinait à l'aide d'un fond de tarte garni de courgettes, poivrons, aubergines, tomates, échalotes, oignons nouveaux, sauce tomates, crème, noix de muscade, un fromage crémeux du nom de Rocher Noblado (à base de lait de vaches), le tout recouvert de pâte brisée, badigeonnée de jaune d'œuf et décorée par un losange également en pâte.

Un dernier élément sur ce pays était une légende que j'avais fréquemment retrouvée dans mes recherches. Je ne m'y étais pas intéressée jusqu'à ce que la curiosité m'eut gagnée. Elle disait que lors des nuits étoilées d'été, seul un œil avisé pouvait apercevoir une constellation en forme de soleil avec un losange parfait à l'intérieur. Les rares personnes à voir cette constellation ne la voyaient en général qu'une fois, et faisaient un rêve troublant la nuit-même.

Cette légende me fascinait. Lorsque la nuit tomba, je ne pus m'empêcher de scruter le ciel, curieuse de voir si cette mystérieuse constellation pouvait réellement exister. Nous n'avions pas encore revu la cousine à ma maman et ses enfants, mais celle-ci nous avait appeler pour nous transmettre les informations concernant les funérailles.

Nous étions réunis dans la chambre de mes parents, écoutant l'appel en haut-parleur, impassibles. Je m'étais assise près de la fenêtre et ne portais pas tant d'attention à ce qui se tramait juste à côté de moi.

Je pensais à Joshua qui n'était pas là avec nous, qui avait été prévenu de notre départ au milieu de notre trajet d'avion.

Je pensais à Amandine, avec qui je jouais à sauter en boule sur le trempoline lorsque nous avions dix ans.

Je pensais à Amber, qui avait enduré une fausse relation pour porter le fardeau d'une famille qui n'était pas la sienne. Et étonnement, toutes ces pensées me ramenaient à une chose : l'histoire racontée dans les lettres que je recevais.

L'exclusion, l'incompréhension, l'orage, l'écriture comme refuge, la femme qui s'est envolée et puis... le profond sentiment de solitude que cela avait provoqué.

Lorsque l'appel prit fin, je saluai ma famille et regagnai ma chambre. J'attrapai la lettre sur la solitude et entrepris de la relire. Je l'avais prise pour Amandine. J'avais la sensation que cette lettre pouvait peut-être l'aider.

Mais j'avais également pris la lettre sur le pardon. Je m'étais mis en tête d'écrire à l'auteur et de lui demander ce qui s'était passé avec la jeune femme. Peut-être était-ce stupide, peut-être que le côté marketing avait eu raison de moi. Mais une force me poussait à chercher la vérité. Cela ne ressemblait en rien à ce que je connaissais. C'était une obstination nouvelle, probablement liée aux derniers événements. Je voulais vivre pleinement, et mon instinct m'incitait à assouvir ma curiosité.

Je me réveillai aux aurores, perturbée par le décalage horaire, l'enterrement qui approchait et ma hâte d'écrire à l'auteur des lettres que je recevais. Incapable de me rendormir, je m'assis dans mon grand lit, jetai un œil à mon réveil -qui indiquait 6h47- et sortis une feuille et un crayon de ma valise juste à côté de mon lit.

"Madame, Monsieur,

Bonjour. J'ai quelques questions concernant les lettres que vous écrivez. Tout d'abord, je tiens à vous complimenter sur ce travail. En effet, je trouve ces lettres très bien écrites et intéressantes, car elles poussent à la réflexion.

Cependant, depuis la lettre sur le pardon où il est question d'une femme qui s'est envolée, l'histoire qui appuie la description de certains sentiments est restée en suspense. Que s'est-il passé avec cette femme? Pourquoi n'y a-t-il plus le côté personnel dans les lettres? Le saurai-je par la suite?

Dans l'attente de vos prochaines lettres, je vous prie d'agréer, Madame, Monsieur, mes salutations distinguées.

Sakura Valsky"

Je relus ma lettre, la pliai en deux, et la rangeai dans ma valise. C'était ridicule. Quelle idée m'était passée par la tête? Décidément, ces lettres me rendaient stupide. Il était temps que je revienne dans le monde réel... je décidai de me laver et m'habiller pour le petit-déjeuner.

Le ciel était déjà clair, et les rayons du soleil illuminaient ma chambre, à travers les rideaux que je venais d'ouvrir. Le paysage était splendide: la ville s'étendait en longueur, avec ses bâtiments à l'architecture ancienne. Une cathédrale était reconnaissable sur un des côtés, en se penchant légèrement par la fenêtre. Au loin, on apercevait un bout du lac, d'un bleu splendide. Une chaîne montagneuse dont certains monts étaient enneigés encadrait l'horizon. Les oiseaux chantaient gaiement.

Cette journée ne ressemblait pas du tout à un de ces jours pluvieux et gris durant lesquels ont lieu les funérailles dans les livres ou les films. C'était presque perturbant.

Le parfum de l'arc-en-cielOù les histoires vivent. Découvrez maintenant