Chapitre 2 - Lire, c'est découvrir le monde par les yeux d'un passionné.

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Je me réveillai dans un lit inconnu aux draps blancs. Les stores à demi-clos filtraient la lumière du jour. Une odeur de désinfectant flottait dans la pièce. On m'avait amenée à l'hôpital, posé une perfusion à la main gauche et laissée seule dans une chambre plus petite que la mienne.

Je refermai les yeux et eus un flash. Je me voyais allongée sous un appareil de ma taille ayant la forme d'un tunnel - un scanner, m'apprit-on plus tard. Je me sentais engourdie et garder les yeux ouverts était un effort. Je me rendormis presque aussitôt.

Vers dix-sept heures, une infirmière entra dans ma chambre et pris ma tension. Elle m'injecta ensuite un produit par la perfusion, j'en déduis qu'il s'agissait certainement de calmants. Je ne me sentais pas encore de m'asseoir mais j'eus la force de demander si mes parents étaient là. L'infirmière me sourit, j'ignorais comment je devais interpréter ce sourire, mais elle du apercevoir mon regard implorant, car elle me répondit que le médecin allait passer et que mes parents pourraient peut-être me voir ensuite. Elle me laissa alors, dans ma solitude, ma faiblesse, mon insécurité. Je ne voulais pas savoir comment j'avais atterri là. Je ne voulais pas me souvenir de mes piteux exploits. Je voulais seulement un peu de soutien. Je sentis deux perles salées couler le long de mes joues.

Le médecin fit son entrée, un homme grand, vêtu d'un jean et d'un T-shirt, et affublé d'une blouse blanche ouverte dans toute sa longueur. Il me regarda et pas seulement sa bouche, mais tout son visage souriait. Il se voulait encourageant et rassurant. S'approchant de moi, il me serra la main en me saluant, une poignée virile et réchauffée, surtout en comparaison à ma petite main glacée.

Après un bref entretien visant à tester ma mémoire et comprendre ce qu'il s'était passé, bien que je n'avais aucune envie d'y penser, et encore moins de le raconter, le médecin fit entrer mes parents et expliqua que j'avais une petite commotion cérébrale, et bien que je sois miraculeusement hors de danger, il faudrait compter une quinzaine de jours de repos au minimum. Sur ce, il sortit, me laissant bien entourée.

Dès que le médecin eut quitté la pièce, ma mère s'approcha de mon lit et s'y assit, puis me serra dans ses bras. Son étreinte était si forte que je manquai d'étouffer.

Quand elle s'écarta, je décidai de m'asseoir, et alors qu'elle aurait pu m'en empêcher pour respecter l'ordre de repos qui m'était imposé, elle m'aida à me redresser. Se tournant vers son mari et ma petite sœur, elle leur fit un bref hochement de tête et ils quittèrent la pièce, me laissant en tête à tête avec elle. Me prenant les mains, elle me regarda avec une telle intensité que je crus presque qu'elle pouvait voir jusqu'au fond de mon cœur.

-Tu es une femme forte, me dit-elle. Je m'attendais à une remarque comme "tu m'as fait une telle frayeur !" ou "je ne m'attendais pas à ça venant de toi !". Mais elle semblait avoir réfléchi à ce qu'elle me dirait pendant longtemps.

-Depuis ta naissance, tu as toujours montré une curiosité et une détermination rares. J'ai découvert qu'être maman pouvait être vraiment épuisant ! Mais je n'ai jamais douté de tes capacités. Ton père ne me croyait pas quand je lui disais que tu étais sûrement retournée à cette fameuse petite baie, pour lui, tu n'aurais pas pu aller si loin.

Elle se tut un instant, soupirant, puis reprit :

-Hier soir j'ai appelé ton oncle, tu n'étais pas chez lui, j'ai appelé Arson, qui me répondit, étonné, que tu l'avais quitté et qu'il n'avait donc aucune idée d'où tu pouvais être. J'ai finalement appelé Amber, elle a fondu en larmes au téléphone quand je lui ai expliqué que tu étais partie en colère de la maison et qu'à vingt-trois heures tu n'étais toujours pas rentrée. Elle m'a raconté en sanglotant que tu avais voulu lui parler et qu'elle était partie sans même t'écouter. Elle se culpabilisait vraiment. On a même appelé ton frère, en pensant que tu l'aurais peut-être contacté. C'est lui qui nous a conseillé d'aller voir à la plage.

Elle me toisait, même si je fuyais son regard, en luttant pour ne pas céder au besoin de me questionner sur ce qu'il s'était passé. Je relevai le menton et prononçai un discret "je t'aime maman" avant de fondre en larmes. Elle me prit dans ses bras et me caressa les cheveux. Sentant la pesanteur insupportable du silence, elle commença à fredonner un air, celui qu'elle me chantait petite quand je faisais des cauchemars la nuit. Quand je me calmai, je lui racontai toute l'histoire, en commençant par les raisons de ma rupture. J'omis cependant les étranges sensations de chaleur, de force et de thym citronné qui m'avaient permis d'avancer. Je ne voulais pas qu'elle pense que j'avais encore l'esprit brouillé.

Vers dix-neuf heures, après un dernier contrôle, je repartis avec ma famille, en direction de notre maison.

Après trois jours à passer de mon lit aux toilettes, des toilettes aux canapé et du canapé à mon lit, j'étais de nouveau disposée à sortir. J'avais besoin de bouger et je devais réparer mes erreurs. Ce jour-là, mon frère aîné, Joshua, âgé de vingt-quatre ans, devais nous rendre visite. Après m'être préparée, j'entrepris de confectionner un cheesecake, et pour un premier essai, j'étais plutôt satisfaite. J'avais pris la décision de faire chaque jour quelque chose pour moi, car mon alitement m'avait rappelé qu'il était important de profiter de la vie. La visite fut animée et me changea les idées. Mais lorsque le départ fut annoncé, mon frère évoqua avoir une annonce importante à faire avant de repartir. Il se tourna vers ma petite sœur et moi, car nos parents étaient visiblement déjà au courant :

-J'ai décidé de voyager autour du monde pendant une année, pour découvrir les cultures et les étudier. Je logerai chez ceux qui voudront bien m'accueillir, ou alors dans des auberges de jeunesse. Je travaillerai comme coursier, boulanger, assistant ou peu importe, je demanderai juste le couvert en échange, pour me mêler aux gens au maximum. Après ça, je pense faire une thèse sur cette expérience, ce sera peut-être une base intéressante pour travailler dans le tourisme. Ah, et je pars après-demain, mon avion décolle à quatre heures.

Mon estomac se retourna, ma tête bourdonna et mes yeux le fixèrent avec une intensité acharnée. Joshua, se sentant dévisagé, baissa les yeux. Ma petite sœur, elle, réagit avec simplicité et charme :

- C'est super long une année ! Tu nous enverras des photos ? Et tu nous appelleras par Skype ? Tu vas visiter quels pays ? C'est trop bien !!

- Doucement avec les questions Kethleen ! Oui je vous enverrai des photos et oui on pourra s'appeler par Skype. Je vais visiter beaucoup de pays, je te montrerai sur ton globe avant de repartir. Mais d'abord, j'aimerais parler avec Sakura ok ?

- D'accord !

Mon frère m'invita à le suivre et m'embarqua dans sa voiture, refusant de me révéler où il m'emmènerait.

Le parfum de l'arc-en-cielOù les histoires vivent. Découvrez maintenant