13 * Zut alors

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Agathe

De toute ma vie, personne ne m'avait jamais fait l'amour ainsi. Et encore moins quelqu'un que je connais si peu. Parce qu'il s'agit de cela : Zachary m'a fait l'amour. Le regard qu'il posait sur moi s'avérait porteur de sens.

Assise sur un rocher humide à l'extérieur, j'observe le soleil se lever timidement. Peu à peu, le rose l'emporte sur le noir. Quelques étoiles persistent au-dessus de ma tête. Emmitouflée dans un pull, j'admire le reflet de la voûte céleste dans l'eau calme.

De mon côté, je ne peux pas nier les sentiments qui naissent en moi. Seulement, sont-ils dus à lui ou bien à la situation particulière ? Je ne saurais l'expliquer. Cet homme me chamboule...

D'ailleurs, il sort de la tente, l'air hagard. Les sourcils froncés, il paraît me chercher. Dès qu'il pose les yeux sur moi, il semble s'apaiser, bien qu'une ride d'inquiétude persiste sur son front. En ce qui me concerne, mon cœur paraît reprendre du service et palpite dans ma poitrine. Un sourire furtif étire mes lèvres. Malgré tout, je reste perturbée par ce que nous avons échangé cette nuit.

— Salut, murmure-t-il, s'installant à mes côtés.

Pour simple réponse, j'acquiesce avant de retourner à ma contemplation matinale.

Je ne comprends pas. Nous nous entendons très bien et nous sommes attirés l'un par l'autre. Mais, comment a-t-il pu me transmettre autant d'émotions ? Même si j'ai tendance à m'attacher très vite, je suis loin de son état d'esprit. Je dois connaître le fond de sa pensée.

— Tu te souviens de toutes les personnes qui étaient au lycée ? m'enquiers-je prudemment.

Il sursaute, pivotant dans ma direction. Visiblement, il ne s'attendait pas à ce genre de questionnements de bon matin.

— Non, confesse-t-il finalement, observant ses mains.

Ces paumes qui ont découvert mon corps et qui n'ont montré aucun signe de dégoût face à ma peau abîmée.

— Nous ne nous sommes jamais parlé, alors pourquoi moi ? insisté-je.

Du coin de l'œil, je le vois hausser les épaules. Étrangement, le soleil paraît ne pas vouloir sortir de sa tanière aujourd'hui. Comme s'il attendait que nous terminions cette discussion. Ainsi, l'obscurité continue de nous englober, nous protégeant d'une vérité aussi dure que nécessaire.

— Je n'en sais rien, souffle-t-il. Je ne suis jamais parvenu à t'oublier.

Le souffle me manque tant la douleur se ressent dans ses dires. Que dois-je comprendre de son discours ?

— Le jour de la rentrée, tu portais un foulard et une robe bleus. Tu es entrée dans le hall et je n'ai vu que toi, continue-t-il sans oser me regarder.

Silencieusement, je retiens mon souffle. Il se souvient de ce genre de détail ? Cette période de ma vie reste très floue dans ma tête. J'étais tellement terrassée par la perte de ma maman que je survivais, à défaut de vivre. À la maison, cela empirait. Mon père n'était plus que l'ombre de lui-même et il fallait que je m'occupe de mes frères. Alors, mes journées au lycée s'avéraient vides de sens.

Soudainement, ses prunelles bleues se posent sur moi. Intense. Presque violent. Des larmes se forment aux coins de ses yeux, sans jamais couler sur ses joues. Mon cœur se comprime tandis que les rouages fonctionnent à vive allure dans mon cerveau. Est-ce qu'il...

— Je n'ai jamais aimé qu'une seule femme dans ma vie, et c'est toi, annonce-t-il, la voix brisée.

Zut alors...

Fille de pluieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant