15 * Tu n'aurais rien pu faire

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Agathe

Au loin, j'aperçois le van. Nous devrions l'atteindre d'ici un petit quart d'heure. Sacs sur le dos, nous avons finalement décidé de descendre de notre petit coin de paradis.

Progressivement, Zachary s'ouvre à moi. Chacune de ses révélations me touche en plein cœur. Lorsqu'il m'a raconté son histoire, je n'ai eu qu'une envie : le serrer dans mes bras. Par pudeur, je n'ai pas osé. En réalité, je ne sais plus comment agir avec lui. Cette ascension dans la montagne s'est révélée riche en émotions et en informations. J'ai l'impression de mieux le connaître à chaque minute qui passe. Depuis qu'il m'a parlé de sa relation avec son père, je trouve un écho dans sa façon d'être au monde. Le mien n'a jamais eu conscience du poids qui pesait sur mes épaules à l'âge de quinze ans. D'un autre côté, je ne peux pas lui en vouloir, il n'agissait pas consciemment. Aujourd'hui, nous sommes un peu comme deux étrangers. J'ai besoin de découvrir cette liberté sauf qu'il ne le comprend pas ainsi. Il pense que je les abandonne alors que je leur ai tout donné pendant dix ans. Est-ce égoïste de vouloir voler de mes propres ailes ?

Zach, quant à lui, s'est résigné à donner une mauvaise image à son paternel. Pourquoi ? Lorsqu'il a évoqué le sujet, j'ai bien senti que cela le touchait profondément, qu'il s'était battu et qu'il n'en avait plus la force. Qu'est-ce qui a bien pu les pousser à se déchirer de la sorte ?

Et puis, cette histoire de « parenthèses » qui n'en sont plus. Peu à peu, elles disparaissent entre nous et ça me fout la trouille. Je n'étais pas censée m'attacher ainsi à lui. Seulement, c'était inévitable dans le fond. Il le savait mieux que moi. Avec le recul, je comprends qu'il a lutté contre ses sentiments. Plusieurs fois, il a fui nos conversations lorsqu'elles dérivaient trop. Comme si cela le blessait. À présent, je saisis mieux son comportement. J'ai conscience que j'ai encore tout à apprendre de cet homme. Mais j'en ai terriblement envie alors au diable la raison.

Atteignant enfin notre maison roulante, je me laisse tomber sur l'herber fraîche, éreintée. Imperturbable, il ouvre la portière et les fenêtres pour aérer l'intérieur.

— Rassure-moi, on dort ici ce soir ? m'enquiers-je, à bout de souffle.

Amusé, il acquiesce simplement. En silence, il me laisse reprendre mon souffle et défait nos sacs à dos, mettant le linge sale dans un cabas. Je l'observe en silence, regardant ses mains se mouvoir et ses yeux concentrés. Il dégage un charme fou.

— Je te laisse prendre une douche, on ira à la laverie après.

Hypnotisée par ses iris, je ne réagis pas. Il hausse un sourcil, un sourire commençant à étirer ses lèvres. Revenant à moi, j'acquiesce avant de m'exécuter. Au loin, je l'entends ricaner alors mon rictus s'agrandit.

* * *

Propre et rafraîchie, je talonne Zach jusqu'à la laverie du village. Poussant la porte, nous découvrons une dizaine de machines et personne à l'horizon. Un effluve de lessive m'embaume pour mon plus grand bonheur. Afin de patienter, je feuillette un magazine qui traîne là. La date : février 2001. Bon, pour les scoops on repassera.

— Il y en a pour trente minutes, m'apprend-il.

— Chouette, j'ai le temps de charger un peu mon téléphone.

Sa peau pâlit brusquement tandis qu'il détourne le regard. Mettant cela sur le compte de la fatigue, je branche mon cellulaire. Il n'a plus de batterie depuis deux jours, Margot doit s'inquiéter. Même si je l'ai prévenue de notre escapade dans la nature. Je l'abandonne là, rejoignant Zachary sur les chaises en plastique.

— Alors, quel est le programme de demain ? m'informé-je, enthousiaste.

Seulement, je vois bien qu'il semble ailleurs. Le dos courbé, les sourcils froncés, la mine sombre.

Fille de pluieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant