10 * Oublier ça

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Agathe

Manifestement, la chaleur et la fatigue ont eu raison de lui : Zachary s'est assoupi à peine sa tête a-t-elle touché l'oreiller. Son souffle soulève mes cheveux à une cadence régulière. En ce qui me concerne, je ne parviens pas à fermer l'œil. Cette soirée n'a aucun sens...

Escalader un grillage pour se baigner illégalement dans une piscine municipale. Courir à en perdre haleine avec la peur de se faire attraper. Puis, ce moment hors du temps dans cette ruelle. Inconsciemment, je porte mes doigts à mes lèvres. Un sourire idiot étire mes traits. Tout cela n'a aucun foutu sens, et je me surprends à aimer ça. Cet homme disparaîtra de ma vie dans peu de temps. Malgré tout, je l'ai laissé m'embrasser comme jamais, sans montrer le moindre signe de résistance parce que j'en mourrais d'envie.

Un regard vaut mille paroles. Preuve en est que ses iris bleus ont suffi à me transporter. Encore dégoulinants de notre baignade improvisée, j'aurais pu me moquer de sa coupe de cheveux. J'aurais pu lui reprocher de m'avoir laissée courir en sous-vêtements dans tout un village. Ou encore l'ignorer pour son inconscience. À la place, j'ai préféré lui donner toutes mes armes et tomber bêtement dans ses bras.

Le chemin du retour rimait avec spontanéité. Depuis que je le connais, il ne s'est jamais montré très bavard. Fidèle à lui-même, il a simplement entrelacé nos mains ensemble, participant passivement à notre discussion. Je l'ai senti ailleurs, comme s'il était physiquement là mais mentalement absent. Pour autant, au vu de l'intensité de son emprise sur moi, j'ai deviné qu'il ne regrettait pas son geste.

À présent, nos habits sèchent à l'extérieur et la température semble enfin nous faire grâce de quelques degrés. La fenêtre entrouverte m'offre une brise plus qu'agréable après cette journée estivale. Peu à peu, mes paupières deviennent lourdes et je finis par rejoindre Zachary dans le monde des songes.

* * *

J'avais peur qu'au réveil, mon compagnon de route montre des signes de regrets. Il n'en est rien : nous partageons notre petit déjeuner dehors, avec cette simplicité qui nous caractérise. Alors, même s'il n'a pas témoigné de signes d'affection, il n'a pas l'air d'avoir ressassé la soirée de la veille.

— Je n'ai pas le droit de te prendre un gâteau ? m'offusqué-je, le voyant refermer son paquet.

Un sourire vif étire ses lèvres et je l'attrape au vol pour l'enfermer dans mes souvenirs. Silencieusement, il sort un biscuit avant de me le tendre avec précaution.

— Ça se déguste, me prévient-il, haussant un sourcil.

Entrant dans son jeu, je prends le temps de le tremper dans mon thé sous son regard amusé.

Vas-tu m'embrasser aujourd'hui ? Ou bien hier ne représentait qu'une autre parenthèse pour toi ?

Perturbée par la situation, je me rends compte qu'il semble attendre une réponse de ma part.

— Désolée, je ne t'ai pas écouté, balbutié-je.

— Je sais qu'ils sont bons mais je ne pensais pas qu'ils étaient plus intéressants que moi. Tu m'en vois outré, marmonne-t-il en désignant mon petit déjeuner.

Lui montrant ma totale attention, je délaisse mon repas matinal et pose mon regard sur lui.

— Tu peux répéter ?

— C'était pas important, affirme-t-il un peu brusquement en débarrassant sa place et disparaissant dans le véhicule.

Zut... A-t-il mal interprété mon manque de réaction ? Sa question se rapportait probablement la veille. Rapidement, je le rejoins, abandonnant ma boisson chaude.

Fille de pluieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant