21 * Peur de le casser

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Agathe

Cette rencontre est primordiale pour moi : Margot et Zachary. Nos retrouvailles remontent à quelques semaines. En réalité, un doute s'empare de moi peu à peu. Mon amie, installée face à moi sur mon petit bar, m'observe avec inquiétude.

— Mais tu comprends, durant ces dix ans, il a toujours agi pour protéger son frère et ... moi. Alors que je ne connaissais même pas son existence.

— T'a-t-il déjà fait ressentir de la rancœur ? s'enquiert-elle, concernée.

Je secoue négativement la tête, nerveuse. Zach est trop bon pour moi, voilà ce que je me dis. Je me sens si petite à ses côtés. Aujourd'hui, il ne me reproche rien. Mais, qu'en sera-t-il dans dix ans ? Sommes-nous réellement assez forts pour surpasser cet obstacle immense ? Qu'en est-il de moi ? Connaissant ce qu'il a traversé, j'ai peur de ne pas être à la hauteur pour lui. M'aurait-il idéalisée ? Il n'attend rien de moi, seulement je me sens redevable et je donne tout ce qui est possible. En réalité, je suis terrifiée à l'idée de le perdre d'une manière ou d'une autre.

— Il s'est sacrifié pour sa famille et toi. Tu as fait exactement la même chose pour ton père et tes frères. Alors oui, tu n'as pas agi pour lui. Mais ça n'empêche que vous avez le même fond altruiste. Qu'importe s'il était tourné vers lui ou quelqu'un d'autre, m'affirme-t-elle sérieusement.

Je hausse tristement les épaules, déroutée. Chaque fois que j'essaye d'aborder le sujet avec lui, il le détourne comme s'il s'agissait d'une futilité. Mon regard se pose sur le paquet de gâteaux qui traîne sur le comptoir. Le sien. Je veille à ce qu'il y en ait toujours ici lorsqu'il vient. Ils lui servaient de petit déjeuner au lycée. Depuis qu'il est sorti de prison, il en achète tout le temps.

— Tu l'aimes.

La voix de ma meilleure amie me sort de mes pensées. Ce n'était pas une question mais une affirmation. Elle a annoncé ça d'un ton tranquille. Pourtant, cela a l'effet d'un uppercut dans mon estomac. Je ne lui ai toujours pas avoué, même si cela paraît clair pour moi.

Évidemment que je l'aime. Et après ? Cela suffit-il ? Mes sentiments sont-ils assez forts pour lui ?

— Et il t'aime. À partir de là, le reste n'est que détails.

— Tu crois ? m'entends-je demander d'une voix sourde.

Elle acquiesce en souriant tandis que la sonnette retentit dans mon appartement.

— Chouette, le voilà, s'exclame-t-elle, enthousiaste.

Fébrile, je lui ouvre en bas puis patiente sur le pallier qu'il me rejoigne. Sa tête brune apparaît entre les rampes en fer de l'escalier. Instantanément, mon cœur s'emballe et mes doutes pullulent.

— Salut, sourit-il, posant sa main sur ma hanche.

En guise de réponse, je l'embrasse furtivement avant de le laisser entrer. Immédiatement, Margot apparaît, curieuse.

— Zachary, qui l'aurait cru ? s'amuse-t-elle. Enchantée, Margot.

— Salut, je me souviens de toi, assure-t-il avec son flegme habituel.

— Moi aussi, rit-elle.

Ils donnent l'impression de vieux amis se retrouvant après plusieurs années. Je ferme la porte derrière nous, les entraînant dans le salon. Tandis que je prépare le plateau dans la cuisine, je les entends discuter avec simplicité. Pourquoi faut-il que je sois aussi anxieuse ? Tout se passe à merveille, mon amie ne semble pas déchanter. Il faut que je me calme.

— A', tu viens ? m'appelle cette dernière.

— J'arrive.

Alors que je regagne la pièce à vivre, je croise le regard bleu de Zach, qui comprend sans mal que quelque chose cloche. Ses sourcils se froncent, formant une ride sur son front. Je m'installe à ses côtés, ne parvenant pas à sourire.

Fille de pluieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant