26 * J'en ai besoin

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Zachary

Peu à peu, je prends mes marques dans cet appartement. Agathe a su me laisser l'espace nécessaire et ne porte pas de jugements sur mes fréquentes maladresses. Alors, progressivement, je me sens plus à l'aise. J'ai posé mes bagages ici depuis quelques semaines déjà et il n'y a pas l'ombre d'un nuage au-dessus de nous. Seule l'absence de nos proches pèsent sur nos âmes. Le père d'Agathe continue de prendre de ses nouvelles, ils se voient fréquemment. Cela semble aller sur la bonne direction. Mais ses deux frères restent distants. Même si elle est toujours heureuse de voir Achille et Auguste, sa tristesse demeure palpable.

En ce qui me concerne, Ezequiel a arrêté de m'appeler incessamment. Et je n'ai plus aucun contact avec mon père, il rejette tous mes appels. En ce moment, je ne sais pas si je dois tirer un trait sur eux et avancer avec ce que la vie m'offre. Ou bien si je dois retourner vers eux. Dans tous les cas, si je souhaite retrouver mon paternel, je suis obligé de pardonner à mon frère. Mais, connaît-il simplement le quart de l'histoire ? Dois-je à nouveau m'oublier pour ne pas décevoir mon entourage ? Qu'est-ce qui est prioritaire pour moi aujourd'hui ?

Pour nous aérer l'esprit, Agathe et moi partons dans mon van ce week-end, sur la côte. Un sourire étire son visage tandis qu'elle enfile une veste et sors sa valise de l'appartement. Ses baskets martèlent le couloir. J'ai besoin de changer d'air, d'arrêter de penser à cette famille catastrophique. J'ai trouvé un travail dans un magasin non loin de là. Je m'entends bien avec mes collègues, qui deviennent peu à peu de amis. À la fin de la journée, nous allons parfois boire un verre ensemble. Et je ne me suis jamais senti aussi bien de ce côté-là. En réalité, j'ai la plus belle femme à mon bras, un toit, un job, une vie sociale. Sur le papier, tout roule. Seulement, je ne peux pas m'empêcher de ressentir ce manque, vis-à-vis de mon frère et mon père. Après toutes ces années, je suis parvenu à faire le deuil du départ de ma mère. Mais, ces absences-là sont plus compliquées à gérer.

Une voix douce m'interpelle, me sortant de mes pensées. Mes yeux rencontrent les siens, emplis de surprise.

— Quelqu'un te demande en bas de l'immeuble. Un de tes collègues peut-être ? m'apprend-elle.

Mes sourcils se froncent tandis que les rouages de mon cerveau fonctionnent à vive allure. De qui peut-il s'agir ? S'ils avaient besoin de moi au magasin, ils m'auraient appelé directement.

— Grand, brun, yeux marron, barbu, énumère-t-elle. Il porte une veste verte et il a un tatouage dans le cou.

Merde. Mon sang ne fait qu'un tour. Malgré moi, je me tends, contractant ma mâchoire. Mais qu'est-ce qu'il fout là ? Face à ma réaction, ma petite amie m'observe avec curiosité.

— Tu le connais ? s'enquiert-elle, subitement inquiète.

— Oui, soufflé-je. Reste là, je reviens.

Sans lui donner plus d'explications, je descends les marches de l'escalier deux par deux, atteignant le hall, essoufflé. Et je le vois, mains dans les poches, l'air nonchalant et sûr de lui. De dos, sa carrure en effraierait plus d'un. Mais pas moi. Plus moi.

— Qu'est-ce que tu veux ? je questionne sèchement.

L'homme pivote dans ma direction, visiblement étonné. Sa barbe parfaitement taillée et son allure en viendraient presque à me complexer. Encore.

— Salut grand frère, déclare-t-il calmement.

Mes poils se hérissent en l'entendant me nommer de la sorte. À cet instant, je me rends compte que ma colère ne s'est pas dissipée, loin de là. Et ce, malgré les mois qui ont passé depuis notre dernière entrevue. J'imaginais que le temps et la distance suffiraient à calmer les choses. Je m'étais fourvoyée.

Fille de pluieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant