Chapitre 3

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Après cette conversation assez embarrassante, durant laquelle j'avais laissé paraître beaucoup trop de choses, avec mon élève, je descendais en salle des professeurs espérant y trouver ma meilleure amie pour qu'elle me change les idées. Cependant avant même que je ne puisse mettre un pied à l'intérieur de la pièce, quelqu'un m'attrapa le bras, me fit rentrer dans les toilettes et ferma la porte à clefs derrière nous. Quelle ne fut pas ma surprise de découvrir un visage entouré de boucles blondes.

- Salut Mathilde.

Mathilde Savary était ma meilleure amie au collège puis nous nous étions perdues de vu pendant longtemps jusqu'à cette année où j'ai eu le plaisir de découvrir qu'elle était professeure d'histoire-géographie dans le même lycée dans lequel je venais d'être mutée en tant que professeure d'anglais. Après les quelques moments de gène passés, notre amitié avait repris là où elle s'était arrêtée.

- Enlève ce sourire de ton visage tout de suite Charlotte. Je t'ai vu avec Elsa. J'espère que ce n'est pas elle la fille dont tu m'as parlé.

Je restais interdite et me remmemorais la conversation que l'on avait eu quelques jours plus tôt.

***

- Alors toi tu quittes ton fiancé et tu ne penses même pas à prévenir ta meilleure amie avant de passer à l'acte. Tu es bien sûre que je suis ta meilleure amie ?

Je ris devant l'attitude enfantile de Mathilde. Au moins sur ça elle n'a vraiment pas changé.

- Je suis désolée. Tu sais ce n'était pas vraiment prévue...

- De mieux en mieux jeune fille, tu as quitté l'homme avec qui tu allais te marier sur un coup de tête.

- Non, pas sur un coup de tête. Tu me prends pour qui ?

- A toi de me le dire.

J'avais oublié à quel point elle pouvait se comporter comme une vraie mère poule quand elle désapprouvait mes actes.

- Mathilde écoute, ça faisait longtemps que ça n'allait plus avec Mathieu. Je restais avec lui par habitude, parce que j'avais peur de le quitter. La semaine dernière j'ai juste eu le courage de passer à l'action.

- Et qui te l'as donnée ce courage ?

Je me mis à rougir violemment et lui demande de ma voix la plus innocente possible ce qu'elle entend par là. Elle souffle et me regarde en secouant la tête.

- Charlotte, je ne suis pas stupide. Tu sais à quel point je t'adore mais tu n'es pas une personne très courageuse. Quelque chose ou quelqu'un t'as poussé à agir. Donc je réitère ma question ; Quel est le nom de l'homme qui t'as fait réagir ?

J'émets un petit rire nerveux. Elle me connait décidemment trop bien. Effectivement quelqu'un m'a poussé, sans même le savoir, à agir ainsi. Cependant comment lui dire que ce n'est pas un homme mais une femme qui est à l'origine de ce changement ? C'est vrai, je n'ai jamais laissé paraître que les femmes pouvaient m'interresser. En même temps quand on grandit dans une famille où l'on vous répète que l'homoséxualité est une maladie, c'est difficile d'assumer sa bisexualité. Au fur et à mesure des années, j'ai juste appris à me taire et à enfouir mon attirance pour les femmes tout au fond de moi. Enfin jusqu'à elle. Maintenant comment vais-je réussir à expliquer à Mathilde que je ne suis pas hétérosexuelle comme elle le pense, comme tout le monde le pense ?

- Je... Mathilde, je ne t'aie peut être pas tout dit...

- Ne me dis pas que tu le trompais depuis longtemps ?! Parce que je t'aime mais j'approuverais pas ça pour autant.

- Quoi ? Non ! Pas du tout, tu me prends pour qui ? Je n'ai jamais trompé Mathieu. Ni personne d'ailleurs.

- Désolée, tu as pris un ton comme si il y avait quelque chose de grave et c'est la première chose à laquelle j'ai pensé. Maintenant, même si je sais que tu aimes bien faire durer le suspense, dis moi.

Je ne peux m'empêcher de pouffer face à sa réaction mais je reprends vite un air sérieux et probablement angoissée en pensant à ca que j'ai à lui dire.

- Ce n'est pas un garçon qui m'a fait prendre cette décision...

- J'étais pourtant persuadée que c'était quelqu'un qui était à l'origine de ce soudain changement.

Elle n'a pas compris qu'il y avait bien quelqu'un mais que ce quelqu'un était une femme.

- Si Mathilde, tu ne t'es pas trompée, il y a bien quelqu'un, ce n'est juste pas un homme.

- Ne me dit pas que c'est ta mère qui voulait que tu le quittes ! Je me rappelle très bien quand on était petites, elle choisissait toujours avec qui tu pouvais être amie ou pas. Je suis la seule pour laquelle tu n'as jamais laissé ta mère décider. Charlotte, je pensais vraiment que l'époque où tu écoutais ta mère sur tes fréquentations, était révolue.

Elle le fait exprès c'est pas possible !

- Ne t'inquiète pas, j'ai arrêté de laisser ma mère choisir qui je pouvais voir ou non lorsque je suis passée en terminale.

- Tu me rassures. Mais ça ne répond toujours pas à ma question. Si ce n'est pas un homme c'est donc une femme. Mais si ce n'est pas ta mère, je ne sais pas pourquoi tu quitterai Mathieu à moins que... Oh je vois.

La panique me gagne et en même temps je ressens un grand soulagement. Elle a enfin compris. La voix de Mathilde retentit, toute hésitante, comme si elle avait peur de me briser.

- Donc tu aimes les femmes ?

- Oui, enfin je crois. Tu connais ma famille, c'est pas facile pour moi d'assumer ça.

- J'imagine très bien. Mais parle moi de cette femme, je veux tout savoir. Comment elle s'appelle ? Quel âge elle a ? Depuis combien de temps vous vous voyez ? Quand est ce que vous allez sortir ensemble ? Le métier qu'elle fait ?

Je la coupe dans son élan avant qu'elle ne continue à me poser des questions auxquelles je ne pourrais pas répondre.

- C'est bien ça mon problème, elle est bien plus jeune que moi et puis je ne suis pas sûre que je l'interresse vraiment.

- Tu rigoles, une si jolie femme que toi ? C'est évident qu'elle est interressée. Qui ne voudrait pas de toi ?

***

Je baissais la tête honteuse devant le regard froid de ma meilleure amie. Je ne voulais pas qu'elle voit mes yeux se remplir de larmes.

- Si c'est elle. Tu comprends maintenant pourquoi c'est impossible.

- Bien, au moins tu sais que c'est une relation interdite.

Elle me fait relever la tête et m'attire dans ses bras.

- Mais tu es avant tout ma meilleure amie et je te soutiendrai quoi que tu décides surtout si tu es amoureuse. Sache juste que tu joues un jeu dangereux, très dangereux même.

Sur ces mots, j'enfouis ma tête dans son cou et je fonds en larmes.








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