Chapitre 2

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Le réveil fut compliqué. Mes paupières s'ouvrirent. Puis se fermèrent. Elles s'ouvrirent à nouveau. À la seconde ou mes pieds touchèrent le sol, mes yeux déversèrent toutes les larmes qu'ils peuvent jusqu'à ce qu'ils aient vidé tout le stock. C'est comme ça depuis le début, à chaque réveil je me rappelle ce qu'il passe au-dessus de ma tête et le chagrin s'empare de moi sans que je puisse arrêter mon corps. Ça ne dure pas plus de quelques minutes en général,j'essaie de faire abstraction de la douleur et de la tristesse et c'est sûrement mieux comme ça. Quand j'ai découvert ce qu'était devenu la terre et que ses habitants manquaient à l'appel, j'étais tellement malheureuse que j'ai pleuré pendant toute une semaine. J'étais devenue une larve, j'avais arrêté de manger et je refusais de bouger. Puis ma curiosité à reprit le dessus, à près tout peut-être que quelqu'un était dans le même cas que moi. Je ne perds pas espoir, un jour je trouverais des survivants, un jour je trouverais la raison de tout ce bazar.

Une fois prête – pantalon près du corps, débardeur marine, mes superbe chaussures – j'accrochai une machette à ma ceinture, mis mon sac sur le dos et je franchis la porte du bunker. Je ne veux pas rester longtemps près dehors, on dirait qu'il ne va pas tarder à pleuvoir. L'avantage d'être seule dans un nouvel environnement c'est qu'on apprend vite à décoder les signes extérieurs.

J'emprunte le même chemin que je faisais il y a deux ans avec un léger pincement au cœur. Je longe l'asphalte déformé par l'attaque, certaines barrières en bois – qui étaient là pour délimiter le chemin – sont encore droites.J'arrive bientôt sur le chemin fait de sable et je suis à demi surprise qu'il soit toujours intacte. Enfin, c'était avant d'arriver face à la plage : le lac est caché derrière de hautes dunes de sables. Cette fois la surprise est totale : comment autant de sable a pu atterrir ici ? Je tourne la tête à droite, puis à gauche.

- C'est une blague, soufflé-je.

Les dunes continuent à perte de vue et elles font au moins deux fois ma taille.

Bon, si je veux voir le lac il va falloir escalader. Je privilégie les endroits où les tas se croisent pour éviter d'aller tout en haut, je ne suis pas très partisane des hauteurs. Mes bottes s'enfoncent profondément dans le sable,quand une en est sortie, l'autre y plonge et il m'est difficile d'avancer rapidement. Plusieurs fois je perdis l'équilibre, laissant un creux là où ma chute avait eu lieu mais aussi remplissant mes chaussures d'un sable tiède. Quand j'aperçus enfin le lac, je pris mon élan et plongeai au-dessus de la dernière bosse qu'il me restait à franchir, cependant je ne pus empêcher mon corps de faire des roulades jusqu'en bas de la pente. La sensation du sable sur ma peau moite est assez désagréable,j'essayais de la frotter, mais ce fut comme si on me limait la peau. Me rincer dans le lac est tentant, mais je ne me risquerais pas à entrer dans une eau qui à subit une attaque nucléaire et qui reste tiède même en hiver.

Un bruit aiguë me sort de mes pensées. Cela ressemble presque à un grincement de porte mais il semble proche et il n'y a pas de porte sur la plage. J'avance à petit pas vers le bruit, les genoux fléchît, prête à bondir.Quand le bruit mes paraît assez proche, je me cache entre deux tas de sable et scrute les alentours. Le bruit m'en pourtant familier.Sans m'en rendre compte j'ai empoignée la manchette, la peur à prit le dessus sur ma conscience, je note dans un coin de ma tête qu'il faut que je travaille sur ça.

Soudain mes yeux perçurent un mouvement, une tâche blanche traversant le tapis marron-gris de la plage. C'est un chien.Il fait le tour des dunes en chouinant, tombe puis se secoue. Je crois que c'est un chiot, vu sa petite taille, mais je suis trop loin pour l'affirmer. Sans prévenir, le petit chien commence à courir vers le lac, sûrement assoiffé.

- Oh non...

Il faut que je l'arrête, qui sait ce qu'il se passe quand on entre en contact avec cette eau. Sans réfléchir, je range ma manchette et m'élance vers lui comme je le peux sur ce sol irrégulier. Je suis trop loin, il va toucher toucher l'eau avant que j'arrive à son niveau. Vite il faut que je fasse quelque chose !

Je porte mes mains à ma bouche pour faire un entonnoir et je m'écris :

- HÉÉÉ ! Le toutou, hé ho !

Il s'arrête et tourne la tête vers moi. Il la pencha comme s'il essayait de comprendre ce que je lui disais.

- Oui ! Allé, viens vers moi !

Je m'arrête aussi, histoire de ne pas l'effrayer, je m'accroupis– surtout pour reprendre mon souffle – et je continue à l'appeler. Je pousse un soupir de soulagement quand, après plusieurs secondes à me regarder, il s'avance enfin vers moi. Avec toute sa force il sauta dans mes bras. Je me retrouvais sur le dos, dans le sable, la boule de poil sur ma poitrine. Il me gratifia de tellement de bisous que j'en viens à penser que lui non plus n'a pas vu grand monde depuis longtemps. En fait il est tellement petit que je ne pense pas qu'il ait déjà vu un humain.

Une fois adossée au sable, je pris le temps de le détailler. Il n'avait pas l'air blessé mais ne sait-on jamais. Son pelage blanc est immaculé et il n'a pas l'air d'avoir mal quelque part. C'est même le contraire car il essaie vivement d'échapper à l'auscultation. Mes mains sont striées de griffures. Je ne peux m'empêcher de sourire en le regardant essayer d'attraper mes doigts la gueule ouverte. C'est un petit chien adorable, en fait c'est un petit garçon chien adorable. Je décidai de faire le tour des dunes, au cas où notre nouvel ami aurait laissé des frères et sœur derrière lui, ou même sa maman, mais je n'ai pas vu d'autres chiens sur la plage.

Je lève la tête. Les nuages arrivent, la pluie n'est pas loin. Il faut commencer à rentrer. J'ouvre mon sac vide, rabats le tissu en arrière pour qu'il soit ouvert constamment et je l'enfile à l'envers, la partie censé aller sur mon dos placé sur ma poitrine. Et enfin j'y glisse le mini-monstre qui s'amusait à faire le tour des dunes. Seule sa tête est dehors, c'est parfait. Avant de revenir à la maison,je fais un saut dans une petite surface qui, je sais, n'a pas brûlée,sûrement bien équipée contre les incendies. Dans un sac en toile je mets une gamelle en bois, un paquet de croquettes spéciales chiot et des friandises. J'ouvre un autre paquet de friandise et je lui en donne quelques-unes. Cela me confirme qu'il n'a pas mangé depuis longtemps.

- Où est passé ta maman, mon bonhomme ?

Pour toute réponse j'eus le droit à un aboiement clair qui résonna dans tout le magasin. Un sourire aux lèvres, je me tournais pour choisir des jouets : une corde bleue et une balle de tennis. Je ne voudrais pas qu'il s'ennuie non plus. Mes yeux se posèrent sur les colliers, puis sur le chiot qui est en train de manger dans mon sac. Est-ce que je cède à ce genre de fantaisie ? Après une petite hésitation je saisis un collier à motif bandana couleur marron et je lui attachais tout de suite autour du cou. Après tout, il n'y a que moi pour le voir.


Nous sommes rentrés avec la pluie, j'ai voulu marcher plus doucement par peur de le secouer et de lui faire peur. Après s'être désaltéré, mon invité essayait déjà de grimper sur le canapé. Je ne sais pas comment réagir avec un chien, je n'ai pas eu la chance d'en posséder un plus jeune, mais je l'aide à monter dessus.Après plusieurs tours sur lui-même il se coucha et ramena sa queue devant ses pattes, comme si elle allait l'envelopper et le protéger de tous les dangers. Ses yeux ne se détachent pas de moi depuis que je l'ai pris dans mes bras. Encore maintenant il a l'air de me questionner. Je lui fis des caresses sur le sommet du crane.

- Alors bonhomme, tu te plais ?

Un gémissement sortit de sa bouche.

- Bon, rigolé-je, on dirait bien. Il faut que je te trouve un nom, ça sera plus facile pour tous les deux. Je vais t'appeler Mallo.

Il me lécha les doigts avant de fermer les yeux et tomba dans un sommeil de plomb.

Le projet PhoenixOù les histoires vivent. Découvrez maintenant