Nature

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Il m'a tendu ma jolie carte de bibliothèque plastifiée et j'ai souris. Enfin je pourrais emprunter des livres et sortir de ce lieu protégé où je m'isolais si souvent. J'avais envie d'ailleurs. J'avais envie d'air, d'espace. Le printemps était là et je pouvais sentir l'été arriver à grand pas. Je voulais pouvoir m'allonger dans l'herbe de la prairie derrière chez moi pour lire. Je voulais avoir le ciel au dessus de moi et la terre en dessous de moi, pour me sentir petite et insignifiante. Depuis six mois j'offrais mes fesses en sacrifice, la moitié d'une année. Et j'étais devenue claustrophobe. A force de pièces confinées dans lesquelles je mettais mon corps nu à la disposition d'hommes pervers, j'avais envie d'air pour ne pas suffoquer.

La prairie se trouvait au début d'une forêt. Et au milieu coulait une rivière. Je ne sais pas jusqu'où elle allait, souvent je suivais son cours en me disant qu'au bout peut être elle me montrerait le chemin. L'eau était claire, et ça me fascinait de pouvoir voir aussi nettement au fond. Je me disais que le jour où moi aussi je serais aussi claire, je pourrais enfin voir mon fond. Mais à la surface de moi c'était trouble, alors je n'imaginais même pas ce qui pouvait se cacher en mon fond. Je continuais à me gaver de roman. Parfois je lisais des autobiographies en me disant que j'y trouverais un secret pour sortir de toute cette merde qui salissait ma vie. Je tournais la dernière page déçue. Il n'y a aucun secret. On ne pouvait s'en sortir que si on le voulait et moi pour le moment je voulais continuer à punir en suçant des queues et en bougeant mes reins. La satisfaction cruelle de voir ces hommes devenir des loques après que nous nous soyons occupés d'eux était peut être plus forte que le dégoût de moi.

Allongée dans l'herbe je fis glisser la première page sous mon index et me plongeais avec curiosité dans ce nouveau roman. La Barbare. La barbare c'était moi et je me disais que peut être dans ces lignes il serait un peu question de mon histoire. En fait, il était question de l'histoire des femmes. Les autres. Les femmes qui veulent tout et ne concède rien. Celles que l'on appelait les capricieuses avec les copines. Une femme barbare attend d'un homme qu'il l'aime totalement, à corps perdu sans rien rendre. Elle considère cet amour comme un dû et prend tant qu'il y à a prendre. En fait les barbares se conduisent comme le pire des hommes. Peut être que si on leur offrait un pénis, elles deviendraient encore plus dangereuses que ceux auxquels je m'attaquais. Je n'étais pas une barbare. J'étais au-delà de ça. Mes actions avaient un sens. Le sens que je voulais bien leur donner. J'étais engagée dans une lutte ou le perdant est faible et où le vainqueur l'est plus encore.

Je sentais encore l'herbe fraiche, c'était l'heure de mon rendez-vous et j'ai rejoins les filles dans le centre ville. Sarah m'a maquillée, j'ai échangé dans un coin de rue sombre mon soutien gorge d'adolescente contre un soutien gorge de femme, j'ai remonté un peu les bretelles de mon débardeur et déboutonné mon gilet rose. J'étais dans la peau de mon personnage. Une gamine innocente un peu provocante. Léa a fait disparaitre l'odeur d'herbe fraiche en m'aspergeant avec mon parfum habituel et elle a hoché la tête. Je lui ais souris. Je n'aurais pas pu emmener cette odeur de nature avec moi. Une odeur qui m'aurait rappelé qu'en dehors de cette chambre d'hôtel, il y avait une forêt où je me sentais bien et en sécurité. Mon parfum était comme une seconde peau. Dès que mon odorat captait son odeur, tout le reste de mes sens suivait. Je devenais celle que je n'aimais pas être. 

Le ProcèsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant