LEA - DAVID

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Ce n'était pas assez. Pas assez puissant, pas assez sanglant. J'étais frustrée. Notre minable petite vengeance consistait uniquement à détruire des couples et ça n'avait plus aucune saveur pour moi. Ce n'était plus assez fort. Nous n'étions pas rassasiées. Nous avions envie de détruire vraiment. Il fallait que le sacrifice de nos corps en vaille la peine. Nous le devions à nous même. Je voulais donner sens à cette folle bataille. Je ruminais mon impuissance auprès des filles, et mes plaintes trouvaient écho. Je devenais violente à force d'impuissance. J'avais si mal à l'intérieur de moi, je n'avais jamais été colérique, je le devenais. Était-ce la conséquence de l'immonde train de vie que je menais ? Ou simplement le manque de sens, le défaut de résultat de notre entreprise malsaine. Je vomissais de douleur parfois. Ces hauts le cœur me faisaient mal à la poitrine. Je me sentais déjà si vide et vider mes entrailles ne laissait aucun répit à la douleur qui en plus d'être émotionnelle devenait physique. Je n'avais rien du tout, aucun espoir auquel me raccrocher. Je rejetais ma famille d'accueil, je n'avais quasiment pas d'amis. J'errai seule la plupart du temps. Quand je rejoignais les filles, j'étais comme un morceau de puzzle qui était là pour constituer un tout. Elles étaient un autre morceau de cette vie. Elles ne rendaient pas ma vie plus belle, elles m'aidaient simplement à tenir debout. J'étais moins seule, mais leurs douleurs résonnaient avec la mienne. Parfois j'aurais aimé ne pas sentir cet attachement se créer, ce lien devenir plus fort. Je ne voulais pas les aimer, mais aussi froide que je pouvais être, elles ne me laissaient jamais tomber. Elles ne me regardaient pas à travers une lentille, elles me voyaient avec leurs yeux. Et combien même je me protégeais de leur tendresse, je faisais toujours partie du puzzle, et je m'imbriquais de plus en plus solidement. Et pourtant j'avais ce besoin immoral mais vital de faire mal.

Il y eut ce David une fois. Un homme mal dans sa peau. Marié à une tortionnaire. Il lui était entièrement soumis et je crois qu'il ne concevait pas l'amour autrement. Je l'ai ferré sur un banc. Seul, perdu, il regardait dans le vide. Je l'avais capté de loin. Je crois que son air misérable me faisait pitié. Ce côté chien battu sans défense. Je sentais que le briser ne serait qu'une question de temps. Il était à l'affut de la moindre marque d'attention, cela se voyait. Il ressemblait à un des types qui venait chez mon père regarder des superproductions faites maison...cela me donna encore plus envie d'en faire ma victime. Il était grand, pas trop mal, de beaux yeux clairs mais terne et des épaules en dedans, comme s'il voulait disparaitre dans sa carapace. Quand je me suis approché pour lui demander l'heure, j'ai cru qu'il allait s'enfuir en courant. En dedans cela me fit rire. Il était vraiment minable, toute attitude masculine l'avait déserté. Cet homme n'avait rien de désirable et pourtant il fallait le lui faire croire. Avec mes grands yeux bleus je n'eus aucun mal à feindre l'intérêt dont il avait besoin. Je me suis assise à côté de lui sur le banc. Et je lui ais fais la conversation. Nous avons parlé du temps d'abord, puis de la solitude, puis de nos rêves...et il parlait, parlait...heureux enfin d'avoir quelqu'un qui prenait la peine de l'écouter. Au bout de deux heures, il était conquis. Pendant trois semaines, ma relation avec lui ne consistait qu'à l'écouter parler. Il m'offrait des cadeaux de temps en temps que je jetais à la poubelle. Des fleurs, des livres, un bracelet...Je n'étais pas matérialiste et surtout recevoir des cadeaux ne m'intéressait pas. Ce qui m'intéressait c'était de le voir quémander mon attention encore et encore. Lentement, il devenait accro. Comme les autres, il commençait à mentir à sa femme que j'entendais parfois aboyer de l'autre côté du téléphone. Penaud, il s'excusait en m'observant. Je jubilais intérieurement. J'étais sure que sa femme était à cent lieues de s'imaginer que ce grand dadais était en train de tisser une relation adultère avec une adolescente. Je voyais qu'il tentait de résister aux pulsions qui lui venaient. Je me faisais donc de plus en plus aguicheuse. Je me collais contre lui, je plantais mon regard dans le sien. Et au bout de trois longues semaines de patience, il craqua. Il était gauche, mais avais envie d'explorer mon corps. Il prit son temps pour me couvrir de baisers. Il essayait d'être tendre, mais sa bouche gluante et maladroite me donnait envie de couper court. Je me contrôlais et le laisser prendre possession de mon corps. Il s'arrêta de temps en temps pour observer mon corps juvénile. Une lueur inquiète passa dans son regard, mais je vis à son membre qui se dressait fièrement qu'il n'écouterait pas sa raison. Il était fébrile. Je l'encourageais en bougeant mes hanches. Et quand il finit par me pénétrer ça ne dura pas. Au bout de 30 secondes il se délivra en laissant un râle lui échapper. Puis il me serra si fort dans ses bras que j'avais l'impression qu'il avait peur que je lui échappe. C'était vrai. Car après cela je ne donnais aucune nouvelle pendant trois jours.

Quand enfin je le rappelais, il était soulagé. Je lui donnais une excuse bidon d'examen à réviser. Il avait hâte de me revoir. Il n'oublia pas de me dire combien je lui avais manqué. Je suis certaine qu'il parlait surtout de mon corps qu'il n'avait pu explorer que pendant quelques secondes.

Les semaines suivantes je continuais à souffler le chaud et le froid. Il me suppliait souvent. Son attitude m'agaçait. Pire, il aggravait la violence en moi. Parfois, je l'insultais pour évacuer ma rage. Je n'arrivais pas toujours à jouer la comédie. Je le méprisais d'être aussi pathétique. Tous les autres hommes que j'avais connus savaient garder contenance. Aucun encore ne se jetai à mes pieds avec autant de servitude. Je lui offrais mon corps parfois comme on lance un os à un chien. Même si ses assauts duraient un peu plus longtemps c'était loin d'être interminable. Je subissais en feignant d'aimer ça. Et dès qu'il avait fini je m'éclipsais sans lui laisser le temps de me dire au revoir.

Au bout de quelques temps de ce traitement sans ménagement. Je décidais de mettre un terme à cette relation qui m'intoxiquait. Il faisait naitre en moi des envies de meurtre. J'en arrivais à m'imaginer le dépecer vivant. J'avais besoin de le faire souffrir. Alors je lui laissais le message le plus ordurier possible. Le rabaissant. L'humiliant. Je touchais à sa virilité que je trainais dans la boue. Pour finir j'envoyais des photos à sa femme par courrier. Pendant une semaine il m'a envoyé des messages désespérés. Au bout de quelques semaines de silences, j'essayais de le rappeler, on m'apprit qu'il s'était donné la mort. Cette nouvelle fit naitre en moi un sentiment étrange qui n'était ni la tristesse, ni la culpabilité. 

Le ProcèsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant