Chapitre 16

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De retour dans sa cellule, Gina parut heureuse, de toute la conversation eue avec ses cousines, son esprit n'avait retenu qu'un détail: Paul était encore vivant.Cette nouvelle s'était mystérieusement loge dans une partie très choyée de son cœur alors elle se rendit compte malgré elle que ses sentiments n'avaient pas disparus. Ils étaient toujours là et cela en dépit de son forfait; elle avait secrètement passé ses premières semaines d'incarcération à prier pour qu'il s'en sorte.Probablement qu'une fois remis il lui pardonnerait cette attirance dévorante qu'elle éprouve pour lui. Qui sait ? peut être qu'il reviendra vers elle et qu'ils reprendront leur histoire et un miracle les mènerait au mariage... L'âme en peine, elle se tint devant les barreaux et se demanda si elle n'était pas folle. Folle d'espérer encore un quelconque dénouement heureux à tout ce chaos. Rien n'avait de sens autour d'elle, le visage de Paul lui revenait incessamment à l'esprit. Elle le voyait quelques fois debout derrière les barreaux lui suppliant de lui pardonner d'avoir été si égocentrique et insensible avec elle. Il lui demanderait de la plus belle des manières qu'ils oublient tout et repartent sur de bonnes bases. Avec un peu plus de chance il lui avouerait que sans elle sa vie n'a pas de sens, il lui ferait l'amour passionnément et ferait d'elle à jamais sienne. À ces pensées, Gina sourit et se berça d'illusions. Cette pensée utopique lui permettait de survivre aux tares de l'enfermement. Cet amour malsain qu'elle ressentait pour Paul l'entraîner dans une folie impressionnante. Ses cousines avaient raison; elle avait besoin d'aide, finit-elle par reconnaitre.~Dr: Ne restez pas debout, prenez placeGina fit un tour circulaire dans la pièce puis s'installa sur le divan que lui désignait l'homme à la cravate. Il était assez bel homme, d'un teint marron attrayant. Gina le dévisageait avec intérêt, cherchant désespérément un moyen de s'enfuir.Dr: Je suis le docteur Mouhamed Latouffe, psychologue en charge de votre dossier. Gina eut un haussement de tête en signe de réponse, le jeune docteur poursuivitDr: Je veux que vous vous relaxiez, tout ce que nous dirons ici restera entre ces quatre murs. Donc parlez moi avec franchise, je suis là pour vous aider. Dit-il les jambes croisées un bloc-notes et un stylo dans la main. Gina: Je crois que c'était une erreur d'avoir accepté cette thérapieMouhamed: Et pourquoi pensez-vous cela?Gina: Parce que ça ne changera pas le fait que j'ai tenté de tuer un homme. Je suis ici parce que la directrice et mon avocate m'y ont contrainte mais je n'ai vraiment pas besoin de votre aide.Dr: Je suis d'accord avec vous sur un point...Gina écarquilla les yeuxDr: Cette thérapie n'effacera pas ce que vous avez fait mais par contre elle vous aidera à comprendre comment vous en êtes arrivé à ces extrêmes. Gina: Je ne veux pas être votre amie.Dr: Et qui a parlé d'amitié? Vous êtes une patiente et vous serez traitée comme tel. et puisque vous êtes obligée d'être ici tachons de faire les choses dans les règles de l'art. Gina laissa planer un silence lourd. Cet homme était énigmatique et très direct. Après ce court silence, Mouhamed revint vite à la charge. Dr: Le cœur est un organe fort en apparence mais très fragile vue d'intérieur. Vous avez refoulez tellement de douleurs que je peux percevoir votre amertume de là où je suis. Saviez-vous que les yeux sont une porte d'entrée vers le cœur ? Gina: La séance termine à quelle heure ? Demanda-t-elle en esquivant la question du docteur. Dr: Dans votre dossier il est mentionné que votre ex époux en l'occurrence Salim Sall a été victime d'une agression et qu'il s'est ensuite suicidé. Dites moi Gina qu'avez-vous ressenti à l'annonce de cette nouvelle ? Gina: J'étais heureuse. Admit-elle en lançant un regard foudroyant à l'homme face à elle. Dr: Croyez-vous qu'il ait mérité son sort ? Gina: Oui amplement. C'était un lâche et un monstre. Dr: Et vous Gina ? Comment vous vous décrivez? Gina: Comme la reine des idiotes. Dr: êtes-vous en colère contre vous-même? Gina garda à nouveau le silence. Dr: Dites moi Paul aussi méritait il ce que vous lui avez fait ? Gina: Bien sûr. L'un était un soulard l'autre un menteur et ils se valent parfaitement. Dr: Donc si je comprends bien le problème c'est eux et pas vous ? Vous vous êtes constituée en justicière pour leur faire payer toutes les offenses et maintenant que vous l'avez fait en êtes vous fière Gina?Gina: À vous de me le dire, vous êtes payé pour ça non? Dr: Pour quoi suis-je payé?Gina: Pour me psychanalyser alors à vous de me dire si je suis lucide ou s'il faut m'enfermer dans un asile. Dr: Je ne peux encore donner de diagnostic. Mais au cours des séances à venir je pourrai cerner votre personnalité. Alors on se dit à demain Gina. Elle décolla du divan, ouvrit la porte et rejoignit la gardienne dehors pour qu'elle la ramène dans sa cellule. Le psychologue Mouhamed Latouffe prit le temps d'étudier minutieusement le dossier de cette patiente qui sortait du commun. Et il se jura de la percer à jour. ---Lors de leur huitième séance, ils en étaient au tutoiement, Gina avait narré son histoire ''d'amour'' avec Paul et le psychologue avait pris des notes.Mouhamed changea de stratégie, il savait que pour amener Gina à extérioriser son mal il fallait qu'il soit plus subtile et plus patient.Donc il décida d'ouvrir la conversation par un rappel de conscience qui avait pour but exact de contrer la colère de sa patiente.Mouhamed : L'amour n'emprisonne pas l'âme. Ce que tu croyais ressentir pour Paul n'était pas de l'amour. Il s'est servi de toi pour se convaincre d'une chose et tu dois libérer ton âme à présent . Ce n'était pas de l'amour mais une attirance obscène. Personne ne devrait avoir à quémander de l'amour, on ne peut pas être aimé de tous comme on ne peut être détesté de tous. Tu ne te libérera de tes chaînes que lorsque tu comprendras que ton bonheur ne dépend pas des autres. Aimes toi d'abord telle que tu es avec tes qualités et tes défauts. Cesses de te mentir et d'ériger ce mur glacial entre les autres et toi. Dans la vie on ne perd jamais, les expériences sont un gain. En définitif Gina ces séances me font comprendre que ton problème principal ce n'est pas les autres mais toi-même. Si tu ne t'accepte pas jamais tu ne pourras vivre convenablement.Le psychologue termina son long monologue en ancrant son regard dans celui de sa patiente. Chaque rencontre accentuait son intérêt pour cette détenue au regard ténébreux.Gina: Comment s'accepter Mouhamed?Mouhamed : Commence par faire le bilan de ta vie. Je vais te remettre un formulaire à remplir et tu devras y répondre avec sincérité. Sois franche avec toi-même et tu verra qu'à travers tes écrits tu identifiera ton mal-être.Gina: Le bilan de ma vie se résume à un seul mot : désastre. Je courais derrière l'amour sans me rendre compte que je perdais en route ma fierté, ma dignité et ma personnalité. Le hic ce n'est pas que je ne m'accepte pas c'est bien au-delà de ça.Mouhamed : Expliques moi alors, ouvres ton cœur et dis tout ce qui te traverse l'esprit.Gina: Je me suis éteins en quémandant un amour vrai, loyal et désintéressé. Je voulais moi aussi connaître l'amour fou, celui que vit mes cousines. Je croyais fermement que Paul était l'homme qui me donnerait tout ce dont mon pauvre cœur avait besoin. Je sais, je sais que j'ai voulu jouer et je me suis brûlée. Et je dois me rendre à l'évidence, il existe des gens qui ne sont pas fait pour l'amour.Mouhamed : Détrompes toi, nous y avons tous droit. C'est notre droit le plus strict. Les êtres humains sont appelés à s'aimer entre eux sinon l'humanité périrait.Gina: Demain aura lieu mon procès, dit-elle la voix mélancolique.Mouhamed: Et tu l'appréhende ? Souhaiterai tu bénéficier du pardon?Gina: Le pardon de qui? Paul ou les jurés? Et puis ces jurés qui sont ils pour me diaboliser? Que savent-ils de mon vécu ? Leurs péchés sont sûrement pires que les miens et ce sont eux qui font décider de mon sort, ironisa-t-elle en étouffant un rire mesquin.Mouhamed: Donc si ce n'est pas eux qui a ce droit ? Gina: Celui qui a le droit absolu sur nous tous. Mouhamed : Dieu ? Tu es croyante ? Gina: Ai-je le front d'une mécréante Mouhamed ? Mouhamed: Content de voir que nous en sommes aux sarcasmes. Ça signifie que tu commences à me faire confiance ? Gina: Confiance ? Je ne sais même plus ce que signifie ce mot. La séance est terminée je crois. Mouhamed : Je voudrai prolonger encore une vingtaine de minutes. Gina: N'abusez pas de ma générosité docteur. Nous avons fini. Ils se levèrent tous les deux en même temps. Mouhamed tendit lentement sa main à hauteur du visage de la jeune femme. Mais Gina le stoppa en serrant très fort son bras comme si elle voulait le briser en deux. Gina: Ne refais plus jamais ça. Ordonna-t-elle en relâchant sa prise. Le psychologue la suivit du regard jusqu'à ce que la porte se referme derrière elle. Il se caressa le bras pour dissiper la légère douleur.~Garde: Fall, ton avocate est ici.Gina: À cette heure-ci ? Je croyais que les visites nocturnes n'étaient autorisées? Garde: Je ne suis pas là pour t'écouter déblatérer sur le fonctionnement de la prison. Lèves toi et allons y. Profites bien de tes privilèges ça ne durera pas éternellement. Gina: Je peux savoir ce que je t'ai fait pour que tu me détestes autant ? Garde: Les femmes comme toi ne méritent que ma haine. Gina: Les femmes comme moi tu dis ? Et comment suis-je ? Garde: Une sournoise, une tueuse de sang froid. Tu es une honte pour la gente féminine. Gina: Je vois. Fit elle avec désinvolte. Gina savait que cette gardienne ne l'avait pas en estime et ça lui était égale. Au point où elle en était, tout lui était égale. Le monde entier pouvait bien l'étiqueter de femme monstrueuse... Fatou Siga: Bonsoir. Comment vas-tu ? Tu tiens le coup ? Questionna-t-elle en la prenant dans ses bras. Gina: J'ai connu pire. Bonsoir. Et Néné ? Siga: Elle va bien, elle te salue. Elle n'a pas pu venir à cause des nausées. Gina: Je comprend et puis cet endroit n'est pas fait pour elle.Siga: Ni pour toi d'ailleurs. Bon je suis là parce-que j'ai reçu une lettre que tu dois absolument lire. Gina: Quelle lettre ? Siga: L'infirmière qui était au chevet de Salim me la rapporter ce matin, il m'a expliqué que Salim lui a dicté ce qu'elle devait écrire. Elle m'a aussi dit que Salim l'avait supplié de te la faire parvenir quoi qu'il arrive. Gina: Je ne veux pas la lire. Remporte la s'il te plaît. Siga: Gina lis la je t'en prie, elle contient des réponses à tes questions. Et n'oublies pas ce que nous nous sommes dit pour ton procès. Gina: Et...et, balbutia-t-elleSiga: Paul? La coupa-t-elle, toujours aux soins intensifs. Gina: D'accord. Siga: Et tes séances, elles se passent toujours aussi bien comme tu me l'as dit l'autre fois?Gina: Oui Mouhamed est un psychologue impressionnant, rétorqua-t-elle en se massant le poignet de la main pour détourner son regard de sa cousineSiga: Mouhamed? Impressionnant?Gina: je t'arrête tout de suite Fatou Siga Fall.Siga: ok bon je te laisse la lettre ici, je vais demander à la garde qu'elle t'accorde quelques minutes. Ça va aller ? Gina: Oui et merci pour tout ce que tu fais pour moi Siga. Siga: Ne me remercie pas de faire mon devoir. À demain ma chérie et quoi qu'ils disent demain dans la salle d'audience ne te laisse pas abattre. L'avocate referma la porte derrière elle. Gina prit la lettre, hésita un bon moment avant de se résoudre à l'ouvrir. Son cœur battait aux rythmes des tambours. D'une main tremblante, elle déplia la feuille, retint son souffle et commença la lecture. '' Gina ces mots sont ceux d'un mourant, d'un repenti, ils ne peuvent effacer la douleur qu'abrite ton cœur mais je me dois de te les adresser sinon je ne serai jamais quitte avec ma conscience. Je ne cherche pas la délivrance car je sais que ma place en enfer m'attend chaudement et je l'accepte. J'ai été odieux avec toi et j'ai poussé l'horreur jusqu'aux extrêmes. Je suis un lâche qui s'est retranché dans l'alcool pour éviter de faire face à ses problèmes. En perdant mon travail, j'ai aussi perdu ma motivation. Au début je buvais pour oublier ensuite c'est très vite devenu une habitude, je devenais invivable et violent; je passais mes nerfs et mes frustrations sur toi. En dépit de tout ça, tu étais prête à sauver notre couple même si je ne le méritais pas. J'ai sombré dans la déchéance le jour où j'ai tué mon propre enfant, j'espère que tu trouvera au fond de toi la force de me pardonner. Et même si cela venait à se produire, moi je ne pourrai jamais me pardonner de t'avoir détruit. Aujourd'hui, je suis condamné à rester dans un lit, jamais je ne pourrai redevenir l'homme que je fus et je refuse cette sentence. Je ne l'accepte pas et ne l'approuve pas, je n'ai plus de raison de rester ici-bas, je décide de mon sort final en souhaitant que Dieu ait pitié de mon pauvre âme..."Gina interrompit sa lecture, les yeux imbus, elle lutta violemment pour éviter que ses larmes ne coulent. Elle se l'était jurée, elle ne devait plus jamais pleurer. Elle déplia à nouveau la lettre et continua sa lecture."Gina ne laisse pas mon souvenir tuer ce qu'il y'a de bon en toi. Tu peux encore reconstruire ta vie, rebondir sur tes jambes et transformer ce mauvais souvenir en une détermination pour rejaillir. Vis Gina, vis intensément et saches que tu mérites le bonheur plus que quiconque. Tu mérites des éclats de rires joyeux, tu mérites un épanouissement inégalé. Cherches toi et retrouves toi parmi les décombres de ma lâcheté, je n'ai pas su te dire combien je t'aimais et ça reste mon échec le plus cuisant. Pardonnes moi si tu le peux. À jamais Salim Sall. '' La jeune femme plia la lettre et la porta à sa poitrine. Les yeux mouillés du liquide salé, elle succombait à l'émoi et pleurait tout son soûl. Deux vies gâchées alors que cela pouvait être éviter. Deux âmes perdues dans l'atmosphère parce que l'incompréhension avait instauré un climat néfaste. Si le destin avait été clément avec les uns, il a bien été impitoyable avec Gina. Après avoir pleuré tout son mal, son cœur s'allégea remarquablement. Comme si les paroles de Salim avait dissipé une partie de la douleur lancinante qui la menait à la dérive. Et pour la première fois, elle laissa ses larmes couler à leur guise.

Attirance dévoranteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant