Un jour dans notre vie

Chapitre 17

-Jekyll.. dis-moi que c'est une blague..

Il soupira, encore une fois.

-Karma, c'était il y a longtemps et je ne pensais pas le retrouver un jour, depuis le temps... Alex n'est même plus sous mes ordres, sinon je lui aurais dis d'arrêter. Tu le connais, il a dû en faire une affaire personnelle.

Il marqua une pause tandis que je me décomposais.

-Il a tellement changé.. personnellement, je ne lui veut plus aucun mal. C'était un pauvre gosse, et il a bien changé. Il a beau m'avoir causé tout ces ennuis, avec le recul, je suis presque fière de lui à présent.

En temps normal, j'aurais été ému par ses paroles. Jekyll a toujours été intelligent et réfléchis. Mais là, tout ce que j'avais envie de faire, c'était détruire tout ce qui me passait sous la main.

-Je m'en tape, t'entend ? J'en ai rien à carrer de ce que tu me dis, tout ce que je veux c'est le protéger putain !

Il me fixa droit dans les yeux.

-Petit, je ne peux rien faire. Je ne sais pas ce qu'Alex a en tête, mais ça ne me concerne plus en rien, on a lâché l'affaire il y a bien longtemps, comme je te l'ai dit. Il va falloir que tu le protège seul. J'aimerais t'aider, mais moi aussi j'ai des choses importantes à faire, des gens à protéger et d'autres à tuer.

-Tu es... sans pitié.

Tout mon corps tremblait à présent. Je me levais brusquement et envoyais valser la chaise de toutes mes forces contre le mur. Je sortis, sans vraiment savoir où aller. Ou plutôt, j'étais totalement paniqué à l'idée de ne pas le trouver avant qu'il fasse du mal à Heaven. Soudain, mon téléphone sonna. C'était... Heaven.

-Heaven ? T'es où ?

-Salut Karma.

Je me glaçais en entendant la voix d'Alex à l'autre bout du fil. Mes tremblements de rage s'intensifièrent et le sentiment de peur s'y ajouta. Je hurlais :

-Où est Heaven ?!

Ce connard éclata de rire.

-Tu veux le sauver ? C'est mignon. Tu veux savoir où il est ? Il est avec moi, à l'entrepôt abandonné à la sortie de la ville.

-Qu'est-ce que tu lui as fait ? Qu'est-ce que tu lui veux putain ?

-T'as qu'à venir si tu veux le savoir.

Et il raccrocha. Les pensées se bousculaient dans ma tête, je n'arrivais plus à penser clairement. D'elles-mêmes, mes jambes se mirent à courir. Je courais du plus vite que je pouvais, bousculant les gens, hommes, femmes et enfants, faisant piler les voitures et les vélos.

-Il est fou ?!

-Qu'est-ce qu'il lui prend ? Il s'enfuit ?

-Un voleur ?

Je n'entendais pas leurs commentaires. Je n'entendais rien, je ne voyais plus rien, je ne pensais plus qu'à une chose : le sauver.

En moins de 10 minutes, j'étais devant le fameux entrepôt. J'entrais, tout était calme et silencieux. L'air était empli de poussière, l'endroit était plongé dans la pénombre. J'enjambais les divers objets jonchant le sol, parcourant tout le rez-de-chaussée et le premier étage, sans rien trouver. Je m'apprêtais déjà à sortir d'ici, étant quasiment persuadé que ça taré m'avait piégé. Mais au deuxième étage, je ressentis une présence. J'arrivais dans une pièce sombre, dont le seul éclairage provenait d'un énorme vitrail. Je tournais la tête, et ce que je vis me figea sur place.

Alex était là, tout sourire. Et devant lui, Heaven. L'homme que j'aimais.. était attaché à une chaise, la chemise ouverte et la tête penchée sur le côté. Ses cheveux recouvraient son visage. Et sur son torse... une marque sanguinolente, que je reconnu comme étant la marque de la mafia, une pieuvre.

-Tu as vu ? Pas mal hein ?

La rage envahit mon corps comme jamais auparavant et je me jetais sur lui, prêt à le tuer. Il m'arrêta, visant Heaven avec le couteau qui lui avait probablement servit à faire ces marques.

-Pas si vite. Recule ou il aura un autre petit tatouage. Ou peut-être que je le tuerais juste.

La colère affluait dans chaque partie de mon corps, la panique et l'angoisse serraient mon cœur, et mon cerveau était embrumé.

-Qu'.. qu'est-ce que tu veux.. sale enfoiré ?!

Il s'amusait de mon état. Heaven était la première personne à qui je tenais vraiment, et il avait fallu que sa vie soit en danger. Cette enflure se détourna de moi, sans cesser de pointer Heaven avec son arme.

-Karma, tu te souviens de l'époque, quand j'était le bras droit de Jekyll ? Tu étais juste en-dessous de moi, promis à être toi aussi bras droit un jour. Mais tu vois, je n'aurais pas pensé, en te rencontrant, que cela se ferait de cette manière.

Il marqua une pause et souleva la tête d'Heaven, à moitié inconscient, le visage en sueur et les yeux mi-clos.

-Tu devrais écouter... je suis sûr que ça t'intéressera. Et si tu t'évanouis, je te réveillerais... pourquoi pas avec un nouveau tatouage ?

Je tremblais, peinant à me contenir. Mais si je voulais sauver Heaven, il fallait être plus rusé que lui. Alex continua.

-A cette époque, j'avais un petit secret. Je sortais en cachette avec Lola, la sœur d'un des dealers de Jekyll. Pourquoi en cachette ? Parce que je ne voulais pas qu'elle soit en danger, si un jour quelqu'un voulait se venger de moi pour une quelconque raison. Un jour, le frère de Lola nous a arnaqués de plusieurs milliers d'euros. Il commençait à devenir un « gros », et il voulait monter rapidement au sommet. J'avoue que ce mec était plus que stupide, mais il avait cru bien calculer son coup.

Tu connais Jekyll, il n'attaque jamais de front. A l'époque, il était tout aussi réfléchis qu'aujourd'hui, mais encore plus cruel. Quand il l'a appris, il a demandé à ce qu'on ramène Lola, sa chère sœur. Le fait que Julien, son frère, tenait à elle plus que tout, n'était en revanche un secret pour personne. J'ai essayé de la cacher, de dissuader Jekyll sans qu'il se doute de rien pour ne pas aggraver la situation, et ça marchait plutôt bien. Mais toi, toi Karma, plus malin que tout le monde hein, tu as réussi à la retrouver. J'étais avec elle à ce moment-là, je t'ai supplié, je t'ai supplié à genoux putain, de ne pas lui faire de mal, de ne pas la livrer à Jekyll. Elle n'avait rien à voir dans toute cette histoire.

Sa voix tremblait à présent, elle aussi.

-Et toi, t'en avais rien à foutre ! J'étais sans défense, tu m'as assommé et t'es partis avec elle pour la livrer à la mafia et me dénoncer par la même occasion ! Je suis allé au QG aussi vite que j'ai pu, j'ai pleuré, j'ai supplié, et tout le monde se foutait de moi ! Vous tous, vous étiez si cruels, des enfoirés qui butent une fille innocente pour se venger d'un mec pour quoi ? Des histoires d'argent ? Jekyll l'a abattue sans pitié, la femme que j'aime tuée devant mes yeux ! Et tout ça à cause de toi, enfoiré !

Oui, je me rappelais très bien de cette époque. Je me souviens à quel point mon cœur, n'ayant jamais connu aucune sorte d'amour, pouvait être sans pitié, et sourd aux appels à l'aide de ceux qui aimaient.