Chapitre 4. La fille

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Rodrigue


Il est sept heures du soir et je me rends au QG, ça fait trois jours que je n'y suis pas allé, trois jours que la fille est avec nous, trois jours que la république du Katanga se déchire sous le poids de cette guerre. Je me gare dans la cours, non loin de l’allée. Les fards éclairent cette entrée chaleureuse au bout de cette allée bordée de fleurs de part et d'autres.

Je coupe le moteur, en même temps que ces source lumineuse arrondies. Je descends et longe ce parterre de gravier blanc encadré de fleurs rendant cet endroit encore plus agréable grâce à leurs couleurs. J'actionne la poignée, et pousse cette lourde porte en bois d'acacia, pénétrant ainsi ma demeure. Mes yeux tombent sur ceux d'Émilie,  l'une des femmes de ménage.


—Bonsoir monsieur, me dit-elle en exécutant une courbette.
—Bonsoir Emilie. Tout le monde est là ?
—Tous sauf madame Ingrid qui a dû s'en aller. Ils sont dans le petit salon.
—Bien merci.


Je quitte le vestibule pour le petit salon, où Boris et Gaspard s'excitent devant un match de football, et Mélanie, engouffrée dans un des fauteuil Louis XV, déguste une part de gâteau tout en se moquant des deux fervents supporters à sa droite.


—Bonsoir à tous !

—Bonsoir Rodrigue, répond Mélanie en rivant ses yeux noirs sur moi.

Boris et Gaspard se contentent d'hocher la tête, les yeux rivés sur l'écran.

—Comment se passent les choses ici ?

—Tout va bien, répond Mélanie.

—Et la fille ?

—Oh celle-là, je me retiens de lui mettre une balle dans la tête, ajoute Boris.

—Je t'interdis d'y penser, même si c’est pour plaisanter, lui réponds-je d'un ton menaçant.

—En attendant, si ce n’est pas l'arme de Boris qui la tue, ce sera la faim, me lance Gaspard.

—Qu'est-ce que tu dis ? Vous ne lui donnez pas à manger ?

—Si, mais «Miss Elisabeth ville» ne veut rien avaler, lance Mélanie.

—Depuis combien de temps ? demandé-je offusqué.

—Depuis son arrivée, ajoute-t-elle.


Je dépose ma mallette noire sur l'un des fauteuils, et monte rapidement les marches pour rejoindre sa chambre. Je tourne rageusement ma clé dans la serrure, avant de pousser cette porte. Elle est allongée sur le lit, dos à la porte. Ses cheveux noirs bouclés, mi- longs, descendent en cascade sur ses épaules. Elle a une nuisette jaune, je le vois à son buste. Le reste de son corps est sous un drap, et à la rage avec laquelle je claque cette porte, elle se retourne haletante.


—Alors comme ça tu ne veux pas manger ?


Elle ne répond rien, sa respiration est toujours saccadée, ses yeux miel s'encrent dans les miens. Elle semble très faible. Elle a peur et je peux voir ses mains trembler. Bon sang ! Pourquoi j'ai fais tout ce raffut ? Elle est effrayée et des larmes naissent dans ses yeux. Ses larmes coulent, elle est crispée. Au fur et à mesure que j’avance vers elle, elle recule en se glissant faiblement sur le lit.

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