23 - Isolement

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Quand elle avait ouvert la lettre, le lendemain, l'esprit encore embrumé par l'alcool de la veille, Hécate ne se doutait de rien. Pourtant, cette lettre, aussi bégnine lui avait-elle parut, s'était révéler être le début de l'enfer pour la sorcière. Un enfer qui l'avait conduit ici, à la fenêtre d'une misérable chaumière au fin fond d'une forêt française, où elle s'était exilée pour échapper aux griffes des Mangemorts.

Ils pensent que vous êtes morte, Miss Gaunt, lui avait déclaré le professeur Dumbledore, aussi serein que d'habitude. Il est tout dans votre intérêt de le rester.

La cruauté du vieil homme avait ébahi Hécate. La facilité avec laquelle il avait énoncé son plan et annoncé sa stratégie avec une apathie irritante la révoltait. Face au fatalisme défaitiste de Léopold, elle avait abdiqué, laissant derrière elle deux familles entières pour toujours dans l'ignorance de la vérité

Depuis cinq ans maintenant, elle avait quitté l'Angleterre et suivait de loin l'actualité du monde sorcier. La jeune femme avait même brisé sa baguette. Incapable de produire le moindre ridicule sortilège depuis des mois, elle avait cédé à la colère et rompu le bois d'ébène en espérant couper de la même manière avec le monde magique qui l'avait détruite.

La mort de Regulus l'avait déchirée. Après des mois de silence, d'angoisse, et de doutes, elle aurait dû se douter que sa prise de contact n'était pas anodine. Mais non. Elle avait continué à boire ses bières et rire avec le reste du groupe, sans se préoccuper du serpentard qui agonisait, seul, dans une caverne glacée. Hécate ne se le pardonnerai jamais. Si elle avait été plus attentive, elle aurait deviné que quelque chose n'allait pas. Il était mort par sa faute.

« Maître Regulus ne voulait pas vous voir triste », n'avait cessé de répéter Kreattur à lorsqu'elle l'avait trouvé cette après-midi-là. Plein de bonne volonté, l'elfe lui avait tendu avec bonté l'anneau d'or qu'Hécate avait céder à son ami deux ans auparavant. La bague n'avait depuis jamais quitté son doigt, vestige d'un amour qu'elle n'aurait su décrire, et d'une jeunesse intrépide à l'abris du château.

La culpabilité n'avait jamais cessé de la ronger. Contrainte au silence par les dernières volontés du serpentard, elle n'avait pu qu'imaginer la désolation de ses parents, et par-dessus tous les regrets de Sirius, qui n'avait jamais pu dire au revoir au frère qu'il aimait tant. Rien n'avait jamais pu faire fuir la honte qui la démangeait à chaque fois qu'elle imaginait le gryffondor se recueillir sur une tombe vide, délaissé par sa famille et isolé dans un deuil d'une mort qu'il ne comprendrait jamais. Le serpent lui avait interdit de révéler quelconques informations sur les circonstances de sa chute. Noble jusqu'au bout, il craignait trop pour leur vie et avait préféré inventer une altercation avec Voldemort plutôt que risquer la fureur de ce dernier quand il apprendrait la trahison du jeune homme.

« C'est injuste », avait murmuré la sorcière, les joues baignées de larmes, alors qu'elle parcourait les mots maladroits que Regulus avait placé sur son sacrifice. Il était contraint à rester un héros de l'ombre, un enfant victime d'une guerre qui le prit trop tôt. Des utopies plein la tête, et pourtant faisant le choix de mourir en défiant le plus grand mage noir que le monde sorcier avait connu, dans l'espoir qu'un jour, quelqu'un serait capable de trouver le moyen de le vaincre.

Hécate l'admirait. Si elle avait eu son courage, elle serait certainement partie à la recherche d'un moyen de détruire le précieux horcruxe, ou au moins restée à Londres pour lutter aux côtés des siens.

Il n'en était rien. Elle avait fui comme une lâche, laissant en Angleterre les derniers souvenirs de son enfance qu'elle aurait tout fait pour oublier, et recommençant loin de la guerre une vie qu'on lui avait dérobé.

HÉCATE [HP FICTION]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant