ANGE ET DÉMON, UNE LEGENDE D'ASGARD

Chapitre 21

Son visage, aux traits pourtant si parfaits, ne m'inspire plus aujourd'hui que terreur. Depuis l'annonce de ma grossesse, que je n'ai pu éviter, mon maître est revenu dormir dans notre chambre. J'ai terriblement peur de lui depuis le soir d'horreur où il a apposé son signe dans ma chair. Je ne l'aurais jamais cru capable d'une telle violence. Je sais à présent qu'il n'a aucun amour pour moi et peut me tuer à tout moment ! Par chance, il n'a souhaité me posséder qu'une seule fois depuis son retour. Il s'est montré doux et attentif envers moi sans pour autant me parler. Pour ma part, j'ai été totalement soumise afin de ne pas risquer de provoquer une nouvelle fois sa colère...

Je ne sais même pas si je suis heureuse d'être enceinte. Bien sûr, j'ai très envie d'avoir un enfant, un petit ange tout à moi que je pourrai dorloter à ma guise, un être qui m'aimera de tout son cœur. Mais je suis si jeune, je me sens tellement seule et encore plus fragile à présent. Mon époux, censé être mon protecteur, est devenu mon bourreau. Il a fait de moi une simple propriété, un objet asservi et sans âme. Le pire est cet affreux dessin qui brûle encore ma chair, ces maudits reptiles incrustés dans ma peau. La plaie commence à être physiquement moins douloureuse mais continue à consumer lentement le fond de mon cœur. Je ne sais si je pourrai un jour pardonner à mon maître et si nous parviendrons à nous retrouver. Mes sentiments n'ont d'ailleurs guère d'importance puisque je n'ai aucun droit de me refuser à lui ou de me défendre... Je n'envisage pas non plus de sortir de ma chambre tant j'ai honte que les nobles asgardiens puissent rire de ma mutilation. Loki a gagné.

Mon seigneur vient justement d'ouvrir la porte et déjà je sens mes jambes trembler. Je me prosterne le plus bas possible. Il entre sans mot dire et cherche en vain une occupation. Je sens qu'il aimerait me parler. Il laisse passer quelques minutes puis m'appelle enfin :

- « Approche, Marie, n'aie pas peur. Nous ne pouvons continuer ainsi alors que tu attends un enfant. Dis-moi si tu m'aimes encore. »

- « Pourquoi me poser une telle question, monseigneur, puisque vous pouvez lire dans mes pensées ? »

- « Tes pensées sont troubles. Je n'arrive pas à les lire. »

- « Vous avez donc votre réponse, monseigneur. Mes pensées sont troubles car je ne sais pas si je vous aime encore. »

Mon maître semble attristé par ces mots, mais il insiste pourtant :

- « Marie, pourquoi ne m'appelles-tu plus par mon nom ? Nous sommes en privé ! »

- « J'appelais l'homme que je croyais être mon époux Loki. J'appelle aujourd'hui mon maître monseigneur. »

Le prince me saisit aux épaules :

- « Je suis ton maître et ton époux. Si tu le veux, je peux faire disparaître cette marque qui blesse ta peau. Mais tu devras alors porter un nouveau collier. C'est indispensable et il s'agit plus d'un rempart que d'une chaîne. Aucun homme au monde n'oserait lever la main sur toi en sachant que tu es la femme de Loki d'Asgard. »

J'ai très envie de voir cette horrible gravure disparaître mais répond pourtant, après une courte hésitation :

- « Je ne porterai jamais ce collier. Laissez-moi comme je suis. »

Mon maître est désappointé mais feint l'indifférence :

- « Comme tu voudras. Je dois également te parler de ta grossesse. Le médecin m'a fait part de ses inquiétudes, tu es très petite et porte en toi l'enfant d'un jotun. Tu dois donc rester au repos total et je ne devrai plus te toucher jusqu'à l'accouchement. »

Surprise par cette nouvelle, je demande aussitôt :

- « Je suppose, monseigneur, que durant tout ce temps vous prendrez une concubine ou irez retrouver une servante, ainsi que la loi vous y autorise ? »