Chapitre 1

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Il est tard déjà et ma journée de travail n'est pas encore finie. Dans les cuisines d'Asgard, le rythme est toujours soutenu, mais les jours de banquet, les soirées sont interminables.

Aujourd'hui, je crois que la cour a fêté l'anniversaire de notre roi Odin. Mais qu'importe... Pour moi, cela ne change rien. D'aussi loin que je me souvienne, je n'ai connu que les cuisines et la monotonie de ce labeur répétitif. Je m'appelle Marie et j'aurai bientôt seize ans. Je suis une esclave étrangère à Asgard, on m'a raconté que je venais d'une lointaine planète nommée Midgard. Mes parents m'ont sans doute abandonnée après ma naissance car j'ai été trouvée près d'une église, âgée de seulement quelques jours, par un soldat en mission dans mon royaume. Cette prise constitue un cas exceptionnel, les asgardiens n'aimant généralement pas s'embarrasser d'enfants très jeunes. Ce sont des servantes plus âgées qui ont pris soin de moi et je veux dire par là ont satisfait à mes besoins les plus basiques : me nourrir, me laver, me vêtir. Je n'ai reçu d'elles aucune affection mais je les comprends et ne leur en veux pas, elles étaient sans doute trop occupées à gérer leur propre souffrance... Il n'existe pratiquement aucun lien solidaire entre les esclaves, chacun de nous tente seulement de survivre le mieux possible à l'aliénation que nous font subir nos maîtres.

A l'âge de cinq ans, j'ai été affectée aux cuisines, en compagnie d'une trentaine d'autres femmes. Mon univers se limite à l'enceinte du palais royal dont je n'ai pas le droit de sortir. Il m'est même interdit de m'arrêter devant une fenêtre pour contempler les paysages qui s'étirent au pied de la citadelle. Presque tout ce que je sais de ce monde provient de brèves conversations échangées à voix basse avec mes compagnes d'infortune.

Sur Asgard, les individus ont la chance d'avoir une espérance de vie de presque cinq mille ans, ce qui les fait se qualifier « d'immortels ». La plupart d'entre eux sont libres mais il s'agit d'une société fortement inégalitaire. La famille royale et les nobles résident au palais. Certains d'entre eux détiennent des pouvoirs exceptionnels et pensent être des dieux ! A proximité du château vivent des ménages de commerçants ou artisans relativement aisés alors que, dans les contrées plus lointaines, le peuple de paysans a du mal à survivre...

Malgré ses connaissances scientifiques et son raffinement culturel, la civilisation asgardienne admet l'esclavage comme un état naturel. La plupart des asservis sont originaires de planètes étrangères où ils ont été trouvés ou capturés, mais certains citoyens criminels peuvent également rejoindre cet état infâmant en guise de punition. Les esclaves sont généralement employés aux travaux afférents au quotidien et à l'entretien du palais, cuisine, ménage, jardinage..., mais certains sont affectés au service particulier d'un membre de la famille royale ou de la noblesse, ce qui peut s'avérer, selon le maître concerné, une chance ou un calvaire...

Mes journées s'organisent, depuis de longues années, selon un rituel toujours identique. Je me lève très tôt le matin pour prendre mon service, m'active près de douze heures par jour au nettoyage de la vaisselle et à la préparation des repas, puis pars retrouver la solitude de mon lugubre refuge. Comme les autres esclaves, je suis ignorante de presque tout. Les serviteurs ne reçoivent aucune instruction, jugée inutile et trop dangereuse par nos maîtres. Connaître, c'est apprendre à réfléchir et peut-être aussi commencer à rêver de liberté...

Je suis brutalement arrachée à mes pensées car Hans, le surveillant des esclaves, vient de faire son entrée et nous annonce que nous pouvons enfin aller nous reposer. Je n'aime pas cet homme, ni la façon dont il me dévisage. Il est cruel et abuse de la plupart d'entre nous. C'est un soldat raté qui n'a pas donné satisfaction dans les armées d'Odin et s'est retrouvé affecté à ce poste peu glorieux. Il se venge de cet échec sur les esclaves dont il est le maître. Je pense pourtant avoir de la chance car, si j'ai parfois été battue, il n'a jamais posé la main sur moi et j'ai pu conserver ma virginité.

ANGE ET DÉMON, UNE LEGENDE D'ASGARDOù les histoires vivent. Découvrez maintenant