Chapitre 6 - La fuite

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La fuite

Elle

Aujourd'hui, j'ai décidé de sortir, de quitter cet appartement dans lequel j'y ai mis ma vie sur pause. C'est une grande décision et j'y ai passé beaucoup de temps avant de la prendre. Ça a été difficile, ça m'a remué et en y réfléchissant, je me suis rendue compte que je n'étais pas sortie depuis presque 2 mois. La routine a pris place et j'ai laissé tout ça arriver. Adam ne me dit rien à ce propos, il ne me pousse pas à sortir cela dit, nous n'en avons tout simplement jamais parlé. Cela me convient très bien, surtout que je ne suis pas du genre bavarde. J'ai aussi pris conscience que je ne pouvais pas rester ici et enfermée. Je dois avancer, je dois réagir, prendre mes affaires et mes cauchemars et m'en aller.
Adam est une personne qui ne mérite pas ça. Il est bien trop gentil pour avoir une personne telle que moi dans son quotidien. Je ne fais rien pour arranger sa vie qui n'a pas l'air facile et la tension pesante qui règne dans l'appartement n'arrange rien également. Je sais qu'il réfléchit à chaque mot qu'il emploie, à chaque geste qu'il fait et je vois bien que cela le perturbe, je ne suis pas dupe.
Je crois également qu'il a vécu certaines choses pas très jolies mais ça je sais qu'il n'en parlera jamais. D'ailleurs nous ne sommes même pas amis et je ne suis même pas sûre que nous soyons quelque chose. Je ne sais rien de lui, il ne connaît rien de moi. Nos échanges s'arrêtent là.

Je profite qu'Adam soit parti pour essayer de franchir la porte, celle qui me mènera à l'extérieur. J'ai envie d'essayer, j'ai envie d'y arriver, il faut que ça fonctionne.

J'enfile donc mon manteau et je laisse la porte se claquer. J'entends le loquet se verrouiller, signe qu'elle est bien fermée. Je me dis qu'il pourra entrer avec ses clés et moi, plus jamais. J'atteins l'ascenseur qui m'emmène au rez-de-chaussée. Une boule commence à se former dans mon ventre. Une petite boule que j'essaie de contrôler en inspirant et expirant profondément. Je fais un pas après l'autre, lentement mais sûrement. J'y crois. Je peux le faire. Je franchis la grande et lourde porte vitrée de l'immeuble et je sens immédiatement le froid. L'hiver est arrivé. J'avance sur le trottoir et lève la tête vers le ciel parsemé de nuages gris.
Le vent souffle, la brise fraîche me fouette les joues, mes cheveux s'envolent et suivent chaque mouvement du vent. Le froid de ce début d'hiver est rude, je n'y suis pas habituée et je n'ai d'ailleurs jamais vraiment été attirée par le froid. Je n'y suis pas préparée, ni gants, ni écharpe, ni bonnet, juste mon manteau.

Le soleil commence à disparaître derrière les grands immeubles qui surplombent la ville, la faible chaleur qu'il laisse sur mes joues va elle aussi disparaître et la brise fraîche va continuer de me glacer le visage.
Je marche lentement sans vraiment savoir où je vais, ne connaissant pas le quartier, je m'aventure dans le centre-ville où tout le monde semble savoir où aller.

Plus j'avance et plus je sens cette boule grandir. Le mal de ventre s'intensifie à mesure que j'avance. Je regarde derrière moi, l'immeuble est loin. Je décide de presser un peu le pas et je me dis que peut-être, ça va passer. J'inspire et expire lentement, essayant de contenir cette boule, l'air chaud qui sort de ma bouche provoque une fumée qui disparaît peu de temps après. J'avance toujours à la même allure, regardant droit devant moi. Dans mes poches, je sens mes mains devenir moites , ça ne passe pas et j'ai de plus en plus mal au ventre. J'essaie d'observer autour de moi afin de penser à autre chose, mais le monde alentour ne me plaît pas. Je ne suis pas particulièrement fan de la ville, des klaxons de voiture, de la pollution, de la foule, enfin surtout la foule. À vrai dire que je n'y ai jamais été habituée non plus. Je vivais plutôt éloignée de la ville, à quelques kilomètres d'ici. D'ailleurs, lorsque je me suis retrouvée dans le métro, il y a quelques semaines, j'avais dû emprunter deux transports en communs différents et marcher un peu. J'aime bien marcher, mais pas en ville.
Je me concentre de nouveau sur l'instant présent, j'observe les panneaux et les magasins qui se trouvent sur mon chemin, je cherche. Peut-être un endroit où me poser, un endroit où rester mais je ne peux plus retourner là-bas. J'y étais bien, là n'est pas la question, mais ce n'est plus possible.
Je traverse la rue après avoir vu un petit endroit calme où on y sert de quoi manger. Il est un peu à l'écart, peu fréquenté et sûrement chauffé, ça me plaît. Je regarde le soleil se coucher pour de bon, avant d'attraper la poignée de porte. Je tire dessus avec force, mais rien ne se passe. Quand je m'aperçois que la difficulté que j'ai rencontrée à l'instant est une main gantée en cuir qui maintient la porte fermée, je lâche immédiatement cette poignée comme si elle venait de me brûler. Je recule de quelques pas, prononce un rapide "désolée" et baisse les yeux sur mes pieds. Cette main m'attrape par le bras et je lève aussitôt la tête, elle appartient à un homme. Grand, costaud, un bonnet noir sur la tête et une barbe épaisse, son regard déterminé me force à me poser des questions. Des questions classiques du genre : Que me veut-il ? Qui est-il ?
Par réflexe, j'essaie de dégager mon bras de sa main qui me tient avec poigne, en vain et ça le fait même me serrer davantage.

La dernière aventureOù les histoires vivent. Découvrez maintenant