Chapitre 4 - Le rêve

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Le rêve

Elle

Nous entrons dans son appartement et soudainement je me sens mieux. Le sentiment oppressant qui enserre ma poitrine disparaît légèrement lorsque je franchis la porte. Je ne saurais en expliquer la raison, mais intérieurement, ça fait du bien.
Je n'ai quasiment pas touché à mon déjeuner et je suis désolée pour Adam. Il est gentil et je n'ai pas envie de me méfier de lui. Pourtant une petite voix intérieure me dit que je ne peux faire confiance à personne. J'ai toujours été ainsi, ne faisant confiance à personne et réduisant considérablement les échanges avec les autres, autant que je le pouvais. Comme mon père me l'a appris. Il était du genre casanier, à rester chez lui et il ne sortait que lorsque cela était nécessaire. Alors j'ai suivi ce mode de vie. J'allais à l'école lorsque j'étais enfant et je rentrais aussitôt après. Avec lui, je ne suis jamais allée ailleurs que chez moi, à l'école ou faire les courses.

Avec Adam, c'est impossible de ne pas lui faire confiance et j'ai l'impression qu'il n'a pas une vie toute rose, un peu comme la mienne finalement. Mais ça, je ne peux pas le savoir, enfin pas tout de suite.
Son monde a l'air totalement différent du mien, pourtant j'ai envie de le connaître, j'ai envie de savoir comment il vit, comparer nos vies et voir ce que j'ai pu rater. Est-ce qu'on peut dire que j'en ai vraiment eu une, de vie?
Je sors de mes pensées lorsque Adam me rejoint dans le salon. Il apporte une couette et un oreiller qu'il pose délicatement sur le canapé. Il tourne ensuite en rond dans le salon, il fait les cent pas et je le sens hésitant. Comme s'il avait quelque chose à me demander mais qu'il n'osait pas. Je le regarde et m'assoie dans un des fauteuils.

- Je...Je t'écoute, lançais-je délicatement.

- Oh ! Euh...

Adam s'arrête, visiblement étonné par ma prise de parole et me rejoint en s'installant dans le fauteuil adjacent.

- Écoute, reprend-t-il. Habituellement, je ne prends jamais de gants pour parler à quelqu'un. Mais je sens qu'avec toi, il le faut.

Je le coupe aussitôt.

- Je ne veux pas de ça... S'il te plaît.

Je m'arrête ne sachant pas quoi dire d'autre. Je n'ai pas envie qu'il soit différent et surtout, je ne veux pas non plus m'imposer ou profiter de sa gentillesse.

- Je... Je vais y aller. Dis-je doucement.
Adam se lève rapidement comme si le fauteuil l'avait brûlé.

- Quoi ? Non! Adèle, non. Tu ne peux pas partir, tu ne sais même pas où aller. Je préférerais garder un œil sur toi.

- Tu ne peux rien pour moi. Moi-même je ne peux rien faire pour moi, alors comment le pourrais-tu ?

- On va se laisser quelque temps, tu veux. Tu vas rester ici quelques jours et ensuite on avisera, d'accord?

Je hoche la tête de haut en bas en guise de confirmation. Je ne suis pas convaincue du fait que rester ici change quoi que ce soit pour moi mais une infime partie de moi a envie d'y croire. Après tout, qu'ai-je à perdre ?

Les jours passent, comme l'avait proposé Adam, et rien n'a changé. Je n'ai toujours pas mis un pied hors de cet appartement, sauf le premier jour, et rien ni personne n'arrive à me faire changer d'avis. Adam dort sur le canapé et j'ai le droit à sa chambre, ce qui ne me convenait pas du tout au début. Mais mon manque d'insistance a eu raison de moi et j'ai fini par capituler. Les jours qui ont suivis mon arrivée, Adam est revenu avec quelques vêtements et accessoires de toilette pour femme. Je n'ai pas posé de question à ce propos, je n'avais pas envie d'entendre qu'il achète ça pour moi et j'espère que ce n'est pas le cas, qu'il les a juste empruntés à quelqu'un ou quelque part. Je passe la journée dans le lit d'Adam ou dans le fauteuil à regarder par la baie vitrée, la vie qui s'agite autour de moi. Les gens qui vont au travail, ceux qui vont conduire leurs enfants à l'école, les enfants jouer dans le parc d'en face, leur joie et leur rire. Le monde extérieur a toujours été ainsi, en mouvement, agité, rempli d'individu, d'individu ayant un but dans la vie, et vivant leur vie comme bon leur semble. Ce monde extérieur n'a jamais été pour moi. Il n'a jamais voulu de moi. Même enfant, j'ai toujours été exclue et j'ai fini par vivre avec cette habitude qui ne me dérange plus aujourd'hui.

La dernière aventureOù les histoires vivent. Découvrez maintenant