Montagnes russes [ɴᴏʀᴇɴᴍɪɴ]

Partie 1.12

J'entre dans la classe juste avant que la porte ne se ferme et m'assoie à la première place, celle tout en avant juste à côté de la porte. La place de ceux qui arrive en dernier et parte en premier. Cette technique, elle est parfaite pour ne pas croiser Jeno et Renjun qui, je le sens, me regarde à ce moment même se demandant qu'est-ce que je fais assis là. J'entend déjà Jeno me dire que j'ai une sale tête et Renjun me demander si tout va bien. Je n'ai pas envie de leur mentir, donc pour ça je dois les éviter le plus possible.

Dormir n'était même pas une option la nuit passée. À la seconde où je fermais les yeux, j'avais des images dans ma tête et des sensations partout. C'était comme si mon père était toujours en train de me faire ces choses horribles.

Je ne suis présent que de corps tout au long du cours. Je commence à me dire que j'aurais mieux fait de ne pas venir du tout, mais ça n'aurait qu'augmenter les questionnements de mes amis. Je fais bien attention de tourner les pages de mon manuel lorsque la personne assis à me gauche en fait de même. Je pris en silence que l'enseignant ne me pose pas une question surprise pour vérifier si je suis bien son cours.

À la seconde où la cloche sonne, je suis déjà bien loin dans le couloir. Je n'ai aucune intention de rester dans les parages, le plus loin de Jeno et Renjun je suis, le mieux la journée se passera. Je me cache dans les toilettes, mais pas n'importe lesquelles, les toilettes de filles. Impossible qu'il me trouve ici.

Je passe près de deux heures, recroquevillé sur la cuvette en attendant le temps minimum pour me rendre à mon prochain cours. Deux minutes avant le début de celui-ci, je sors des toilettes pour me rendre à mon cours.

- Tu pense aller où comme ça? Dit une voix au loin que je connais très bien.

Comment ont-ils fait pour savoir que j'étais là? M'auraient-ils vu entrer?

- Pourquoi tu te sauves de nous? Dit Renjun alors que je me retourne vers eux.

Je les regarde un à un, ne sachant pas quoi répondre. La vérité serait l'option la plus facile, mais je ne peux pas, c'est impossible de leur dire.

Ils s'approchent et je reste immobile. Une fois devant moi, Renjun prend ma main dans la sienne. Je ne sais pas pourquoi, mais lorsqu'il me touche, je me sens bien, tellement bien que j'ai envie de pleurer.

- Je suis désolé, que je dis les larmes aux yeux alors que la cloche sonne.

- Tu n'as pas à t'excuser, me dit Renjun, nous souhaitons seulement comprendre ce qui se passe.

- C'est...

Vite Jaemin, tu n'as plus le temps de réfléchir, tu dois trouver quelque chose à leur dire.

- Le divorce.

Parfait.

- Ce n'est pas facile pour mon père, je vois qu'il ne va pas bien et ça me rend triste de le voir comme ça... J'aimerais qu'il arrête de se faire du souci avec ça et que nous soyons enfin heureux ensemble.

Je ne sais pas s'ils vont croire ce que je leur raconte, parce que même moi j'ai du mal à y croire. Pourquoi est-ce que je n'arrive pas à détester mon père après tout ce qu'il m'a fait? Pourquoi est-ce que j'ai encore envie de vivre avec lui, de passer du temps avec lui, de le voir heureux?

- Tu sais, commence Jeno en prenant mon autre main, mes parents aussi ont divorcé il y a deux ans, je pensais que c'était la fin du monde, que jamais nous ne serions heureux comme nous l'avions été, mais je me trompais. Ma mère s'est remariée, j'ai eu un nouveau frère, un nouveau père... Il faut laisser le temps faire les choses.

Mon cœur se brise d'entendre Jeno me consoler après la façon dont je l'ai traité vendredi dernier, mais il se brise encore plus de voir deux personnes qui me sont chères se faire du souci pour moi, qui n'est même pas capable de leur dire la vérité.

- Ton père travaille beaucoup, non? Me demande Renjun.

- Oui, on ne se voit pas énormément...

Heureusement, ou pas. Je n'arrive pas à choisir.

- Tu devrais lui proposer une activité père-fils. Un week-end juste vous deux, loin d'ici. Je pense que ça vous ferait un bien fou.

C'est vrai que de se changer les idées pourraient nous aider. Sortir de la routine à la maison, ne plus penser au divorce, à maman, au travail.

- Qu'est-ce que vous faites là? Nous demande un surveillant qui passait pour faire la tourner.

- Jaemin avait mal au cœur, que Jeno réponds du tac au tac. Mais il va mieux maintenant.

- Aller en cours dans ce cas.

- Oui monsieur.

Nous nous dirigeons tous les trois vers notre cours.

J'ai beau sourire, il n'y a rien de vrai qui s'affiche sur mon visage.

Ni dans mes paroles.