L'île aux Gemmes

Chapitre 8

          J'étais épuisée. Cette journée avait été bien éprouvante. J'avais du chercher toute la journée dans des textes de lois avec Mélodie afin de trouver une raison valable de me faire sortir. Ce travail s'était montré d'autant plus pénible car la Loi de l'île n'avait rien à voir avec la Loi française ou même italienne et était rédigée dans un vieux dialecte entre le français et l'italien difficile à comprendre. Quant à Lana, elle était venue nous rejoindre vers quatorze heures après être sortie de l'entraînement et avait passé son après-midi à réfléchir sur les éléments qui pouvaient prouver que je n'avais rien à voir avec cette histoire. Il n'y avait plus qu'à espérer que cela suffise à faire face à Maria Juggy, la mère de Mélodie. Car oui, Maria était la seule avocate de l'île et elle n'avait pas pris mon parti. De plus, malgré le fait que ce soit une Zelanne et qu'elle ne soit pas née dans ce monde, elle excellait apparemment dans son métier et il allait être très dure de la vaincre. Mais je gardais espoir : Fanilo serait quoi qu'il en soit de notre coté et il ne resterait plus qu'un Raion à convaincre. J'espérais que Constance ressemblait plus à sa fille qu'à son fils.

              À dix-huit heures, Mélodie et Fanilo vinrent me chercher dans ma cellule pour m'amener au tribunal. On entra dans le Centre et Mélodie profita des quelques mètres d'avance du Raion pour me chuchoter à l'oreille : « Changement de plan : j'ai trouvé l'élément auquel même ma mère ne pourra pas faire face ». Elle m'effraya un peu. N'était-ce pas trop risqué de tout changer au dernier moment ? Je n'espérais pas. Nous entrâmes finalement dans une petite salle au rez-de-chaussée : la salle du procès. Tout était en bois. Un sol en bois, des murs en bois, des bancs en bois, des sièges en bois. Tout ce bois donnait une atmosphère plutôt sombre et inquiétante à la salle. Je ne pus m'empêcher de me servir de mon pouvoir pour l'illuminer un peu plus. Je m'attendais à ce que Fanilo me dirige vers le banc principal, devant, mais à la place, il me conduisit dans les gradins, places normalement réservées au spectateurs.

« On n'organise pas les tribunaux de la même façon ici, m'expliqua mon oncle. Même si tu es la principale concernée, tu n'es ni Raion, ni conseiller, ni avocat et par conséquent ta place et dans le public. Ça doit te paraître étrange mais c'est comme ça qu'on fonctionne.

- Bizarre en effet, mais ça ne me dérange pas plus que ça finalement. Ça m'arrange même : je n'aime pas être au centre de l'attention.

- Alors, tant mieux, conclut-il, je vais te laisser je dois rejoindre Constance et Maxime dans la salle d'à coté. »

Je fus étonné qu'il me laisse seule avec Mélodie juste avant mon procès mais c'est alors que je remarquais un petit homme aux cheveux gris d'une soixantaine d'années qui nous observais depuis une estrade. Il avait de grandes lunettes rondes qui lui grossissaient les yeux et lui donnait un air un peu trop observateur. Je me sentis gênée quand Mélodie me quitta pour aller s'installer sur le premier banc à gauche, face aux trois fauteuils des Raions. Heureusement, la salle ne tarda pas à se remplir par l'arrivée d'une quinzaine de conseillers qui s'assirent sur les bancs situés derrière Mélodie. Lana arriva aussi et vint s'asseoir à coté de moi mais ni elle ni moi n'osa prononcer un mot. La tension était trop forte. Par contre les conseiller paraissaient s'en foutre royalement. Il bavardaient comme de vieux amis dans un café, lisaient leur journal, se montraient des photos de leurs vacances... Une nouvelle arrivée fit pourtant régner le silence. Une grande femme élancée aux cheveux noirs frisés entra fermement dans la pièce. Malgré la couleur sombre de sa peau, son visage était illuminé. C'était le portait de Mélodie. Maria. Elle alla s'installer sur le banc à droite de celui de sa fille et lui donna tout de même un sourire d'encouragement malgré le fait qu'elle soit son adversaire. C'est à ce moment là que je me rendit comte de l'étrangeté de la situation : ma nouvelle amie avait osé prendre mon parti et faire face à sa mère pour moi et maintenant, elle devait affronter sa mère, juridiquement. Je ne pus m'empêcher de réaliser la sacrifice que cette fille de quatorze ans avait fait pour moi et le courage qu'elle devait avoir. Dix minutes plus tard, les trois Raions entrèrent enfin dans la salle et mon procès débuta. Ce fut long. Très long. Maria arrivait à contrer tous les arguments de Mélodie avec facilité mais elle n'arrivait pas à en fournir d'assez bons pour que je reste enfermée. Les Raions intervenaient de temps en temps mais attendaient toujours que le débat avance un peu plus et les conseillers ne faisait que relever légèrement la tête de leurs journal par moments. Ce procès me rappela un peu le dernier combat entre Moana et Lucien mais j'attendais toujours de voir la boule de feu surgir. La question était d'où elle surgirait. J'espérais que ce soit de la bouche de Mélodie. Cette dernière reprit la parole et je sentis dans sa voix qu'elle était prête.