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Il avait faim. Et soif. Et froid.
Mais Andreaz lui avait promis de revenir alors il attendrai encore.

Il l'avait déjà fait ; Il le referai.
Même s'il ne savait plus réellement pourquoi il le faisait.

Une pièce tinta devant ses chevilles croisées et Armel releva la tête. Trois gardes passèrent devant lui, l'un d'eux raccrochant sa bourse à sa ceinture sans un seul regard pour lui.
Armel prit la pièce entre ses doigts et la tourna plusieurs fois. Elle était fausse.

Il ferma les yeux et bascula la tête contre l'immense mur de pierre dans son dos.
Andreaz avait promis qu'il reviendrai et Armel avait confiance en Andreaz, même si cela faisait déjà plusieurs jours que le vampire était partis.

Ses mains froides avaient prises de force celles, chaudes, d'Armel et les avaient posées sur une une lourde cape doublée de fourrure. Puis il lui avait dit de l'attendre, de ne pas bouger d'ici alors Armel avait enfilé la cape et s'était assis contre le mur d'enceinte de l'ancien palais. Il avait rabattu la capuche sur son visage sans un mot en fixant le vampire.

Andreaz avait posé un pied sur l'étrier du cheval qu'il avait mené par les rênes jusqu'ici puis s'était retourné vers Armel. Ses yeux sombres et vides d'émotion avaient fixé ceux d'Armel avant de descendre le long de son cou.

Sans un mot il était monté sur le cheval, avait ajusté sa propre cape pour ne pas qu'elle le gêne et avait fait tourner la monture sur elle-même.

Le cheval avait piaffé et le corps d'Andreaz avait suivit le mouvement sans jamais que son visage ne montre aucune émotion, ses yeux noirs plongés dans ceux, bleus, d'Armel.
Puis il avait talonné sa monture et avait tourné le dos au palais.

Désormais Armel avait faim. Et soif. Et froid.
Il ne savait plus pourquoi il était là, ne savait plus ce qu'il attendait.

Parfois il posait ses doigts pâles et gelés sur sa gorge comme le faisait Andreaz et fermait les yeux à la sensation désagréable mais familière.

Il ne savait plus pourquoi il était là.
Il ne savait plus depuis combien de temps il était prostré ici, au pied de cet immense mur de pierre, dans le froid de l'hiver.
Mais il avait maintenant l'habitude d'entendre les rires gras des gardes ivres et la musique émanant de la maison close un peu plus loin dans la rue. Il avait l'habitude d'entendre le bruit des sabots sur les pavés, celui des pièces qui tintent devant ses jambes croisées.

Quand il rouvrit les yeux, la nuit était tombée. Amenant avec elle la vie d'une rue remplie de bars, de maisons de jeux et de bordels aux vitres recouvertes de lourds rideaux pourpres.

"Tu pourrait être joli si tu n'étais pas aussi sale"

Armel ferma les yeux. Cet homme n'était pas le premier à lui faire la remarque.
Andreaz lui avait faite aussi. La première fois qu'ils s'étaient rencontrés.
Armel avait été couvert de cirage et d'huile, ses boucles châtain collant à son front à cause de la sueur et il avait levé les yeux vers le jeune homme, à bout de souffle.

Andreaz s'était tenu devant lui, droit dans ses bottes de cuir, ses deux mains enfoncées dans les poches de son pantalon impecable. Ses yeux noirs alors déjà dénués d'expression avaient sondés ceux d'Armel en silence puis un homme aux longs cheveux avait attrapé son poignet pour le forcer à le suivre.

Mais aujourd'hui ça n'était pas Andreaz qui se tenait devant lui.

"Laisse-le, il ne sait sûrement pas tenir debout"

Le rire gras de plusieurs hommes se mêlèrent à celui de l'homme qui venait de faire la remarque et Armel expira doucement. Immobile, ses mains glacées accrochées à ses chevilles nues, le crâne contre la pierre froide il décida de garder le silence.
Mais son manque de réaction ne fut pas suffisant et les hommes se mirent à s'approcher en continuant de ricaner. Celui qui avait parlé en premier s'accroupit devant lui, Armel le devina sans peine au son du tissu froissé.

"Il n'aura pas besoin de tenir debout quand je le prendrai sur un lit"

Malgré lui, Armel grimaça. C'était discret, juste un froncement de sourcils, mais l'homme était trop près pour que cela lui échappe.

"Oh allez, tu verras, ça va te plaire"

L'odeur de l'alcool s'echoua sur les lèvres sèches d'Armel et cette fois il grimaça franchement.
La main ferme de l'homme se referma sur l'un de ses poignets trop fin et il se sentit tiré vers le haut.

Un instant seulement. Car celui d'après, la poigne ferme se desserait et son poignait retombait sur sa cuisse. Un bruit étouffé suivit plusieurs jurons et Armel ferma un peu plus les paupières.

Après quelques secondes de silence seulement troublé par les sons venant de la porte ouverte de la taverne, le bruit d'un corps s'effondrant au sol le fit sursauter. Il y eut un froissement de tissu et quelqu'un s'accroupit en face de lui, là où l'homme ivre avait dû se trouver auparavant.

Deux doigts froids se posèrent sous son menton et les lèvres d'Armel s'etirèrent en un sourire. Il rouvrit doucement les paupières et, dans la nuit sombre seulement illuminée par quelques torches ça et là, deux yeux sombres le fixèrent.

"Tu as froid. " 

Armel & Andreaz : Le Nouveau MondeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant