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Trois pièces d'or tintèrent sur la table dans le silence de la boutique. Andreaz ne dit rien mais, même à quelques pas de lui, Armel pu l'entendre prendre une grande inspiration pour se forcer à rester calme. Puis d'une voix froide il articula lentement quelques mots en une langue qu'Armel ne comprit pas.

Il y a maintenant plus d'une semaine qu'Andreaz et Armel avaient franchi la frontière.
Avant ça le vampire avait soulevé Armel devant le grand mur de pierre. Quand le jeune homme avait trébuché, incapable de tenir sur des jambes qu'il n'avait pas utilisé depuis des jours, Andreaz avait glissé un bras sous ses genoux et un autre dans son dos et l'avait porté en silence.
Il avait marché dans les rues de la ville sans un regard pour Armel, immobile dans ses bras, et était entré dans une taverne tranquille.
Il n'avait pas non plus adressé la parole au tenancier et avait déposé le corps frêle d'Armel sur les draps sombres de l'une chambre dont la cheminée avait déjà été allumée.

Il l'avait observé en silence pendant longtemps puis avait retiré sa cape et se bottes. Armel était resté silencieux mais s'était redressé sur ses coudes pour observer le vampire.

Une nouvelle épée pendait à sa ceinture. Andreaz n'avait jamais eu d'épée comme celle-la.
Alors Armel l'avait dévisagé en silence, les sourcils froncés, et le vampire avait finit par se retourner vers lui.

Debout à quelques mètres du lit, seulement vêtu d'une chemise de lin et d'un pantalon clair, Andreaz lui avait rendu son regard, impassible.
Puis il s'était approché d'Armel et s'était agenouillé devant lui.

Sans un mot il avait retiré ses chaussures, défaisant chaque boucle des longues bottes malgré le fait qu'il n'aime pas le faire. Puis il avait sortit des gants de ses poches et les avait enfilés sans un regard pour Armel. Il lui avait retiré ses habits en silence, ne lui laissant que sa chemise et un fin pantalon, puis l'avait de nouveau soulevé dans ses bras.

Armel était resté silencieux, observant chacun des mouvements d'Andreaz sans jamais les entraver.
Quand le vampire s'était agenouillé près de la cheminée pour y déposer le jeune homme, Armel avait serré ses bras doucement autour de sa nuque.
Andreaz avait retiré un gant et posé ses doigts froids contre le fin tissu, pressant quelques secondes à peine le torse d'Armel e contre le sien avant de s'écarter.

Armel s'était réveillé enroulé dans les draps. Il s'était levé lentement, avait tenu les murs pour s'aider à marcher puis s'était habillé, lentement aussi.

Il était ensuite descendu et avait rejoint Andreaz qui, comme il s'en doutait, lisait, assis à une table. C'était une lettre cette fois.
Le vampire ne l'avait pas salué. Mais il avait imperceptiblement tourné le document vers Armel, bien que le jeune homme ne sache pas lire cette langue.

Andreaz avait finit par soupirer et Armel avait froncé les sourcils
Andreaz n'avais pas soupiré depuis des mois.

"On s'en va"

Le vampire s'était levé, avait laissé la lettre sur la table et s'en était allé sans un seul regard pour Armel.

Après quoi, Andreaz avait jeté des pièces d'or sur le comptoir et un homme avait apporté de nombreux plat à Armel.
Puis ils avaient prit la route.
Andreaz s'était procuré une seconde monture et Armel s'était hissé sur la selle en grimaçant, ses muscles encore douloureux des quelques jours passés immobile contre le mur d'enceinte de l'ancien palais.

Andreaz n'avait pas parlé de tout le voyage. Armel non plus.
Mais Armel n'avait pas parlé depuis des mois.

Quand la nuit avait commencé à tomber, Armel avait arrêté son cheval au milieu du sentier pavé et Andreaz en avait fait de même. Ses yeux noirs avaient longuement fixés les iris bleus de l'autre homme avant qu'il ne tende sa main vers les rênes de la seconde monture.
Armel les lui avait donnés et s'était hissé sur le cheval du vampire.

Andreaz avait alors de nouveau talonné sa monture et guidé les deux étalons, Armel s'endormant lentement entre ses bras.

Cela faisait maintenant trois jours qu'Andreaz les guidait de ville en ville. Les habitants les devisageaient dans la rue. Devisageaient leurs chevaux, leurs lourdes capes sombres et l'épée au fourreau d'argent d'Andreaz.

Armel avait rabattu sa capuche depuis longtemps déjà, la portant bas sur son visage pour cacher ses yeux.
Dans le pays d'où vient Andreaz, les habitants n'aiment pas les yeux bleus, il l'avait rapidement comprit. "Bleu" était d'ailleurs l'un des seuls mots qu'il avait réussi à apprendre de cette langue.

Andreaz n'était pas bon précepteur, il ne lui parlait que dans leur langue.

"On s'en va"

Armel sursauta et tourna son regard vers le vampire. Un poing serré sur le comptoir devant trois pièces d'or, Andreaz le regardait avec fureur. Armel n'avait pas peur. La colère de l'homme n'était pas dirigée contre lui mais contre le marchant.
Armel avait depuis longtemps comprit qu'Andreaz cherchait à gagner de l'argent. L'argent de ce pays était différent de celui dans lequel il avait vécu jusqu'à présent et le vampire n'en n'avait que peu.

Alors Armel s'approcha du comptoir, le visage baissé pour cacher ses yeux à la vue du gros homme barbu. Il ouvrit doucement un pan de sa cape pour un sortir un bracelet en or délicat sertie de fines pierres bleues.

Le bruit que fit le bijoux contre le bois ne rompit le silence que pour un instant. Pendant près d'une minute le marchand ne dit rien puis il tendit la main vers le bracelet.
Celle gantée de noir d'Andreaz fut plus vive et il agrippa son poignet pour l'immobilliser.

Après un échange emplit de colère de la part des deux hommes, le marchand déposa une bonne quantité de pièces d'or et récupéra le bracelet.
Armel en compta vingt-sept, trente en comptant celles qu'Andreaz avait obtenu auparavant.

Alors Armel les recupera toutes, la tête toujours baissée, et fit demi-tour. Il marcha d'un pas vif vers la sortie, serrant contre lui les pans de sa cape et détacha les chevaux. Il monta rapidement sur sa selle, jetant un regard reprobateur au vampire pour sa lanteur et fit faire demi-tour à sa monture.

Une fois sûr qu'Andreaz était en selle il se mit à galoper dans la longue rue.

Il finit par par s'arrêter près d'un immense bâtiment de pierre et de bois entouré de nombreux arbres et parterres de fleurs et fit tourner son cheval vers celui d'Andreaz.

"À qui tu as volé ce bracelet ?"

Armel ne répondit pas mais passa une main dans ses boucles marron, retirant sa capuche au passage, avec un rictus.

"Au marchand." devina Andreaz en fermant les yeux, un sourire gagnant lentement ses lèvres "Tu as vendu au marchand son propre bracelet."

Un petit ricanements fut sa seule réponse et le bruit de pièces s'entrechoquant dans une bourse fut le seul avertissement pour Andreaz qui rouvrit les yeux à temps pour attraper ce qu'Armel lui avait envoyé.

Il la sous-pesa, puis ses yeux quittèrent sa main pour remonter sur le corps droit d'Armel sur sa monture.
Le jeune homme aux boucles châtain le regardait, pour la première fois depuis plusieurs mois avec des yeux espiègles.

Andreaz le fixa sans un mot, son propre sourire figé tandis qu'il gravait cette image dans son esprit puis il fit demi tour, invitant, d'un mouvement de tête, Armel à le suivre dans le dédale de rues pavés .

Armel & Andreaz : Le Nouveau MondeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant