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Il n'y avait pas de vent sur le toit au dessus du troisième étage et Armel se laissa doucement tomber en arrière sur les tuiles sombres, savourant la douceur de la nuit.
Andreaz, lui, resta assis, le menton posé sur ses bras entourant ses genoux.
Armel fixa son dos, pensif.

Andreaz n'avait pas changé. Il était resté exactement le même homme à qui Armel avait tourné le dos il a plusieurs mois de cela, dans cette ruelle sombre. Seule sa tenue était différente, plus raffinée, plus jolie.
Armel sourit doucement ; Le bleu nuit était la couleur qui allait le mieux à Andreaz.

"Tu es tatoué."

Armel haussa les épaules et croisa ses doigts sous sa nuque. Certes.

"Et toi tu ne l'es pas."

C'était d'ailleurs un détail qui avait grandement surprit Armel quand il s'en était rendu compte. Andreaz était le frère d'Aziraph, le second maître de l'une des branches des Zaroa. Armel ne voyait aucune raison valable pour laquelle son visage était toujours dénué de lignes noires.

"Tu as un accent."

"Je n'ai pas eu de précepteur."

Les épaules d'Andreaz se contractèrent.
Armel sourit en coin.

Andreaz le lui avait promis, un soir au début de l'hiver, dans l'une de ces nombreuses tavernes dans lesquelles ils avaient dormi. Il lui avait promis qu'une fois dans la capitale il offrirait un précepteur à Armel pour lui apprendre sa langue.
Là aussi il avait échoué.

Armel ne voulait pas être méchant avec le vampire mais il ne pouvait s'empêcher de répondre de cette manière. Il lui en voulait tellement.

Andreaz garda le silence après ça. Armel pouvait sentir sa nervosité, il pouvait lire toutes les émotions qu'Andreaz ressentais dans chaque détail de sa position, à la manière dont il respirait et de ne plus le faire parfois.
La douleur, la tristesse, la colère, le regret et une haine profonde qui fit frissonner Armel sur les tuiles sombres.
Andreaz se retourna net, ses yeux noirs fixant les iris bleus d'Armel et la bouche entre-ouverte, prêt à dire quelque chose.

"Je n'ai pas froid."

Le vampire referma la bouche.
Il reprit sa position initiale et enfonça cette fois sa tête dans ses bras.
Armel poussa un profond soupir et se redressa, s'asseyant en tailleurs sur les briques, son épaule contre celle d'Andreaz.
Les muscles du vampire se contractèrent.

Armel ne dit rien, fixant pensivement les toits de la ville dans le silence de la nuit. Andreaz avait peur mais Armel ne savait pas de quoi.
Avait-il peur de lui-même ou avait-il peur d'Armel ?

"Je suis désolé."

Armel hocha la tête sans répondre. Il savait.
Mais il aurait aimé qu'Andreaz ne le soit pas.

Armel était la seule personne qui avait été capable de faire éprouver des sentiments à Andreaz depuis que son oncle lui avait brisé la nuque. Il aurait aimé ne lui faire ressentir que des sentiments positifs.
Même si pour cela il avait dû enfermer au fond de lui-même tous ceux qui étaient négatifs durant de longs mois.

Il avait détesté ça.
Il ne s'en n'était pas rendu compte immédiatement mais à chaque fois qu'Andreaz l'avait fait s'asseoir quelque part et lui avait tourné le dos sans un mot il avait mordu sa langue un peu plus fort.
La surprise sur le visage du vampire quand il avait vu Armel sur le cheval d'Isania avait fait du bien à Armel. Il avait aimé prendre Andreaz au dépourvu et ne plus lui obéir.

Il avait aimé faire un choix et attraper la main d'Isania pour s'échapper de cette vie qu'Andreaz lui donnait.

"Je n'ai pas mordu Sifaa."

Armel ne répondit rien. Il s'était posé la question au début.
Andreaz avait-il mordu Sifaa malgré ses valeurs tout en sachant qu'il allait voir Armel quelques instants plus tard ou Sifaa avait-il juste fomenté un plan idiot pour blesser Armel sans raison apparente ?
Mais cette question avait agacé Armel alors il s'était efforcé de l'oublier, bien malgré les tentatives évidentes de Sifaa pour la lui rappeler chaque seconde qui passait.

"Je m'en fiche."

Andreaz poussa un profond soupir.

"Bien sûr que tu t'en fiches."

Son ton abattu fit froncer les sourcils à Armel.
Alors lâcha l'une de ses chevilles qu'il tenait et la leva. Ses doigts glissèrent doucement sur l'épaule du vampire, par dessus sa chemise bleue foncé puis sur sa nuque.
Armel appuya doucement la paume de sa main chaude contre la peau froide d'Andreaz sans dire un mot.

Les épaules d'Andreaz se contractèrent de nouveau. Il était attentif à chaque micro-mouvement et il y avait tant de doutes et d'appréhension dans le cœur du vampire qu'Armel pouvait le sentir rien qu'en le touchant.
Puis les muscles d'Andreaz se délièrent lentement.

La main d'Armel se refroidissait sur la peau du vampire mais il ne dit rien et ne la retira pas. La sensation était familière. Il ne pouvait pas dire qu'il l'aimait mais elle lui faisait du bien.
Il n'existait plus rien autour de lui qui le rattachait à son ancienne vie, à l'ancien lui.
Plus rien d'autre que la froideur mortelle d'Andreaz.

Et puis le vampire releva la tête de ses bras. Il les décroisa et se retourna vers Armel sans un mot.
Ses gestes étaient lents et doux ; Familiers.
Il attrapa doucement les chevilles d'Armel et les décroisa puis s'agenouilla entre elles, ses yeux noirs a quelques centimètres des deux iris bleus.

Armel se laissa faire en silence et soutient le regard d'Andreaz avec patience.

Les doigts froids du vampire glissèrent sur son front, là où l'une des mèches s'était échappée de sa tresse, et la repoussèrent tendrement. Ils continuèrent leurs chemin sur sa pommette et sa joue gauche, retraçant délicatement les arabesques noires les unes après les autres puis passèrent sous son menton.

Armel le laissa redresser son visage en fermant les yeux.
Ce simple geste le fit frissonner et il entre ouvrit les lèvres pour expirer lentement.
Ce n'était que maintenant, le vampire a genoux face à lui et ses doigts froids sous son menton qu'il se rendait compte à quel point il lui avait manqué.

Et puis les lèvres froide d'Andreaz se posèrent sur les siennes et un long frisson remonta le long de la colonne vertébrale d'Armel.
Andreaz s'écarta instantanément et Armel rouvrit les yeux.

Un sourire étira doucement ses lèvres et il tendit sa main encore brûlante vers la joue du vampire puis sur sa nuque pour l'attirer à lui.

"J'aime le froid."

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⏰ Dernière mise à jour : Mar 02, 2021 ⏰

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Armel & Andreaz : Le Nouveau MondeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant