An 2882. Un an plus tôt, à Nelmas.
Lorsque Reid descendit prendre son petit déjeuner ce matin, son père était déjà parti pour la ville. Il ne serait pas de retour avant le lendemain. Avec un peu de chance, Tritz pourrait négocier avec un pilote de transport magnétique pour l'emmener lui et son chargement jusqu'à Adalgon.
Dans la campagne, les personnes possédant un moyen de transport de ce type étaient rares. Seules les grandes compagnies ou l'armée en détenaient, étant donné qu'il fallait être très riche pour pouvoir s'en payer. Les autres habitants se déplaçaient, s'ils en avaient les moyens à dos de Kalewon ou à cheval.
Le jeune homme se prépara rapidement de quoi manger, avant de quitter le chalet aux abords du village. Il se dirigea directement vers la place centrale. Prendre ce chemin alors que les images et les émotions dues à son rêve ne l'avaient pas encore tout à fait quitté, lui donnait une drôle de sensation.
Les rêves, en général, s'estompaient vite. Mais celui-là restait gravé dans sa mémoire. Ce n'était pas que les images et les sons. Il avait également senti des odeurs et des textures, ou du moins, il en avait eu l'impression.
Comme dans son rêve, le village était plongé dans une sorte de pénombre, et cela ne fit qu'amplifier le mal être de Reid. Heureusement, sa logique reprit le dessus. "Évidemment qu'il fait encore sombre, se dit-il, puisque le soleil ne s'est pas encore entièrement levé". Il s'efforçait encore de différencier rêve et réalité. Ce cauchemar avait été beaucoup trop intense pour qu'il réussisse à l'ignorer aussi rapidement. Au moins, dans la réalité, les personnes qu'il voyait étaient bien vivantes. Les charrettes des premières récoltes de la journée rentraient déjà des champs ; celles-ci seraient chargées dans un transport magnétique qui passait quotidiennement, en début de matinée à Nelmas. Ces produits étaient ceux que Karianis exporte dans les autres pays du globe.
Reid avait demandé à son père pourquoi il ne partait justement pas avec ce transport, mais Tritz lui avait répondu qu'il avait peur que leurs produits soient confondus avec ceux des autres maraîchers de la région. Les produits que Tritz voulait vendre ce jour-là étaient spécialement destinés au marché d'Adalgon ; ils y avaient leurs clients, et certains leur avaient fait des commandes bien spécifiques.
Alors qu'il atteignit la place centrale du village, il se rendit compte qu'une agitation inhabituelle y régnait. Toute une file de charrettes, tirées par des kalewons, encombrait le passage des rues qui partaient du centre. Les producteurs étaient tous engagés dans de vives discussions les uns avec les autres, quand ils n'essayaient pas de calmer les robustes bêtes au sombre pelage bleuté, qui visiblement s'impatientaient elles aussi.
Il n'y avait aucune trace du long transport qui trônait, habituellement à cette heure-là, au centre du village. Normalement, c'est à ce moment de la journée que le transport était en train d'être chargé ; Reid aidait souvent au chargement, s'il n'était pas affairé sur d'autres récoltes dans les champs.
Comme il était seul, il arrivait facilement à se faufiler jusqu'au bout de la file, et atteindre le centre ; à cet endroit-là, les premiers arrivés faisaient part de leur mécontentement à celle qui dirigeait le village ; Jill Layl.
Derrière la plate-forme centrale, un dôme d'un mètre de diamètre, fait de veralsium transparent et encastré dans le sol, projetait les actualités holographiques. C'était le seul objet de ce type dans le village, et leur seule source d'informations quotidiennes, provenant de la capitale planétaire : Adalgon.
Sylvia était là, et comme beaucoup d'autres villageois, regardait avec attention les informations du jour. En s'approchant, Reid put entendre la voix synthétique du commentateur ; il était question d'une attaque de convois de marchandises au niveau d'une des frontières entre deux pays d'Obériande.
« Nous ne connaissons à ce jour, ni les responsables, ni la raison de l'attaque. Le ministre de la défense de Karianis a demandé à ce que des mesures d'urgence soient immédiatement mises en place. Il s'est également entretenu, par communicateur holographique, avec Mme Maar ; ministre et cheffe du clan Ksakar de Merildis. Une entrevue est d'ailleurs prévue sur place entre Monsieur Dovinian, Madame Maar et le chef de Letariv, Hando Ren. »
Letariv était une ville de Karianis, située à une vingtaine de kilomètres à peine de Nelmas. Le transport qu'ils attendaient tous devait probablement faire partie de ce convoi. C'était en tout cas ce que commençaient à se dire les villageois sur la place centrale de Nelmas. À ce moment, Reid était soulagé de penser que son père était finalement parti depuis longtemps, et dans l'autre direction.
Sylvia fit le tour du dôme projecteur pour rejoindre Reid. Elle affichait un petit sourire tendu. Tout le monde l'était. Mais rien n'était certain ; depuis quelques temps, les transports magnétiques marchands se faisaient souvent attaquer par une bande de bandits que les autorités n'étaient pas encore parvenues à arrêter. En fait, personne n'avait réussi à les approcher, ou à identifier l'un des membres ; ils étaient extrêmement rapides, organisés, et efficaces.
Mais l'attaque de ce matin était différente. Elle ciblait plusieurs convois à la fois, ce qui n'était encore jamais arrivé avant. La bande inarrêtable n'attaquait qu'un transport à la fois, et contrairement à cette fois, ils ne détruisaient pas les véhicules. Ils volaient simplement ce qu'il y avait à l'intérieur. Les conducteurs étaient souvent retrouvés attachés et inconscients, mais jamais blessés. Durant la dernière attaque ; les véhicules avaient littéralement explosés. Des images des restes des véhicules calcinés leurs étaient retransmises. Les commentaires précisaient qu'il n'y avait aucun survivants.
« Le régiment d'élite de la garde karianie s'est déployé dans la zone afin de la sécuriser. Le commandant de la garde karianie nous a également précisé qu'il n'est pas à exclure qu'une nouvelle attaque ait rapidement lieu »ajoutait la voix synthétique.
Toutes les personnes présentes sur la place se tendirent. La dernière annonce était ce qu'il y avait de plus inquiétant. Ce n'était peut-être pas un simple raid de bandits. Ce pouvait aussi être un acte terroriste. Mais qui ferait ça ? Et pourquoi ? Karianis n'avait pas subi d'attaques majeures depuis la Guerre des Tungs, face aux ragens.
-La journée commence bien, fit ironiquement Sylvia.
Reid expira ; il ne s'était pas rendu compte qu'il avait retenu son souffle jusqu'à ce qu'elle soit arrivée.
-Ça va peut-être devenir habituel, si ça continue comme ça, dit-il avec amertume.
Sylvia s'approcha encore de lui jusqu'à lui toucher l'épaule ; il ouvrit ses bras, et la jeune fille se pressa contre lui. Sa tête blonde se nicha au creux de son cou, frôlant les pointes des cheveux noirs mi-longs de Reid.
-Bonjour, murmura-t-elle doucement.
-Bonjour, lui répondit-il après avoir apposé un baiser sur sa tempe.
Une demi-heure plus tard, ils durent se séparer : Sylvia ne pouvait pas rester avec Reid ce matin, comme ils l'avaient prévu. Jill avait demandé à ce que sa fille se rende à Letariv rencontrer le commandant de la garde d'élite. Ils avaient appris qu'une patrouille supplémentaire allait également être déployée aux alentour de Nelmas.
-Je pourrais aller avec, avait proposé Reid.
-J'aurais aimé qu'on puisse rester ensemble plus longtemps, répondit la jeune fille, mais tu détestes tout ce qui se rapproche de près ou de loin à l'armée, et je préférerais éviter un incident ... diplomatique.
-''Diplomatique'', c'est juste la garde armée de Karianis ; au pire, je risque juste de m'énerver en voyant des brutes se pavaner avec leurs flingues.
-Ouais, c'est ce que je disais ; reste ici, Reid.
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Elysians : L'Héritage des Étoiles
FantasyLes elysiens sont craints et rejetés. Leur différence pousse à la méfiance, voire à la haine. D'ailleurs, ne ressemblent-ils pas à ces envahisseurs venus d'autres mondes ? Reid, lui, est devenu ce qu'il redoutait par-dessus tout ; un guerrier, un as...