Chapitre 3 Partie 2

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An 2883. Six mois après le début de la guerre civile d'Obériande.


Par l'esprit, elle l'avait à nouveau amené dans cette pièce blanche. Reid ne lui laissa pas le temps de débuter cette conversation, il voulait éviter de se laisser embobiner ; cette femme était une manipulatrice née. Le jeune homme préférait directement lui poser la question :

-Bien. Ce sera quoi, cette fois ?

Elle lui sourit.

-Tu ne perds pas de temps, remarqua-t-elle surprise.

Reid ne fit aucun effort pour retenir le soupir qui lui échappa. Cela faisait plusieurs mois qu'il la connaissait maintenant ; elle ne lui faisait plus peur. En tout cas plus autant qu'avant. Il restait tout de même sur ses gardes ; malgré tout, elle était sans aucun doute l'un des êtres les plus dangereux qu'il puisse exister.

-Il y a bien une chose que je voudrais, reprit-elle. Mais pour l'instant, ni toi ni moi ne serions capables de nous en emparer.

Le jeune homme la fixa curieusement ; il avait du mal à comprendre où elle voulait en venir. Ce qui, en réalité, n'était ni nouveau ni surprenant. Souvent, ce qu'elle lui disait n'avait que très peu de sens, voir aucun pour lui.

-Est-ce qu'il serait possible d'en venir aux faits ? Demanda-t-il, déjà exaspéré. Vous voulez quoi, au juste ?

La femme en noir laissa échapper un éclat de rire.

-Ah Reid ! Toujours aussi direct. Détends-toi, et ne te mets pas dans tous tes états.

-Oui, eh bien ; la journée a été longue.

L'elysienne sembla reprendre contenance. Elle s'éclaircit la voix et s'expliqua.

-Tu me connais assez maintenant pour savoir que tu me dois un service après que je t'ai apporté mon aide. Même si tu ne m'as rien demandé, ajouta-t-elle. Je t'aide si je le veux, quand je le veux.

Il avait bien compris entre-temps que tout cela ne relevait quasiment que d'un jeu pour elle. Elle était extrêmement puissante, et il avait bien de la chance de l'avoir plutôt de son côté. Même s'il ne savait pas pourquoi.

-Il se trouve que je suis à la recherche d'un objet qui m'appartient.

Jusqu'à présent, ce qu'elle lui demandait n'avait été que de la laisser accéder à sa mémoire pour glaner des informations sur des lieux ou des événements ayant eu lieu sur Obériande. C'était assez désagréable de savoir qu'elle pouvait absolument tout voir ; même ses secrets les plus inavouables. Mais il n'avait pas le choix. Il y avait de grandes probabilités qu'elle décide simplement d'aller harceler un autre elysien pour obtenir ce qu'elle voulait. Un elysien qui, probablement aurait été trop jeune et n'aurait même pas encore été conscient de sa différence. Cela pouvait être n'importe qui. Il acceptait alors ce qu'elle lui demandait. En échange, elle lui apportait son aide quand et si elle le voulait bien.

Reid grimaça. Il y avait fort à parier que quelque soit l'objet qui lui appartienne, il ne pouvait se trouver dans la mémoire d'un simple fermier.

-Sur ce coup là, je ne suis pas certain de pouvoir vous être utile.

-C'est bien pour ça que je t'ai dit, il n'y a même pas une minute, que pour l'instant ni moi ni toi ne pourrions nous en emparer.

-Et donc ? Que voulez-vous que je fasse ?

-Je connais, globalement, la localisation de cet objet. S'il n'a pas été déplacé, entre-temps. Mais je ne peux pas m'y rendre. C'est toi qui vas devoir y aller.

Reid la regarda avec de grands yeux ronds.

Elle profita de son incrédulité pour lui donner une précision qui devrait le rassurer.

-Ne t'inquiète pas ; tu n'auras pas à quitter ta planète ; normalement, cet objet se trouve encore sur Obériande. D'ailleurs, c'est une des raisons pour laquelle tu peux m'être utile, en ce moment.

Il avait l'impression qu'elle parlait de lui comme s'il s'agissait d'un simple outil.

-Où est cet objet, alors ? Et de quoi s'agit-il, exactement ?

-Ce dont-il s'agit ? Ça, je ne peux pas encore te le révéler.

Ou plutôt, elle ne voulait pas, se dit le jeune homme. Il commençait réellement à perdre patience ; elle le faisait miroiter pour son propre plaisir ; elle était de plus en plus insupportable. Et elle en avait totalement conscience, ce qui ne faisait que l'amuser un peu plus.

-Tu vas devoir t'infiltrer dans le palais royal d'Adalgon.


Reid n'eut pas le temps de réagir ; elle rompit la communication. Tout devint noir.

Il fut brusquement projeté hors du rêve à travers lequel leur échange avait eu lieu ; ce qui, par la même occasion, le réveilla. Elle ne lui avait même pas laissé le temps d'être choqué, sans parler du fait de digérer l'information. Le palais royal d'Adalgon ! Évidemment, parce qu'il n'avait rien d'autre à faire que de traverser la planète et risquer sa vie en parcourant le palais royal sans se faire voir, en supposant qu'il réussisse déjà à s'y infiltrer. Les probabilités de réussite étaient si minces qu'il pourrait tout autant se présenter directement au roi pour lui dire :

« Bonjour, il va falloir que je vous pique quelque chose pour une extra-terrestre, c'est rien, ne faites pas attention à moi ! ».

Adalgon ; c'était une mission impossible. Mais avait-il réellement le choix ? Dans tous les cas, si lui ne le faisait pas, elle trouverait quelqu'un d'autre à manipuler, et il perdrait le semblant de contrôle qu'il pouvait avoir sur elle.


Kal remua légèrement dans son sommeil. D'ici quelques temps, il allait devoir laisser son jeune amant afin d'accomplir son devoir de commandant de la garde. De son côté, Reid allait pouvoir en profiter pour s'entraîner. Cela lui permettrait par la même occasion de se défouler, et de libérer toute la tension accumulée ces dernières heures. Il avait commencé ces entraînements quelques temps après avoir rencontré Kal. Au départ, il y avait été réticent ; il avait beaucoup de travail à la ferme, et ne pouvait pas laisser son père tout gérer seul. Pourtant, Tritz lui-même, lui avait assuré qu'il préférerait le voir prendre part à cette activité ; il voulait que son fils apprenne au moins à se défendre. A l'origine, il s'agissait de cours de défense donnés par l'un des gardes, Todrin. Ce dernier était l'un des membres les plus âgés de la garde, mais également l'un des plus expérimenté.

Alors que le jeune homme progressait, Kal prit la relève, et lui enseigna des techniques plus complexes. La majorité des autres personnes venues s'entraîner continuaient avec Todrin. Entre temps, la guerre avait commencé, la garde de Karianis toute entière y était engagée, ainsi que les habitants du pays décidés à protéger leur terres. Ils formaient la Résistance. Dont une bonne partie était actuellement basée à Nelmas.

Reid soupira, avant tout, il allait devoir parler de la discussion qu'il venait d'avoir avec l'elysienne à Kal. Ils allaient devoir décider ce qu'ils pouvaient faire ensuite. Aller à Adalgon était impossible en ces temps. S'infiltrer dans le palais royal relevait du miracle. Et pour couronner le tout, elle ne lui révélerait, sans doute, la nature de l'objet, qu'une fois sur place. Si seulement, les choses pouvaient être aussi simples qu'il se l'était imaginé avec ironie ; demander directement au roi de le laisser lui prendre. Le comble étant que Keder n'avait pas levé le petit doigt quand à ce qui se tramait entre Karianis et Merildis. Alors de là à espérer qu'il offrirait un objet, qui était sûrement de très grande valeur, à un jeune inconnu de moins de vingt ans ; il y avait tout un monde.

Reid devait se rendre à l'évidence ; il allait devoir voler le Roi des rois. Quelque part, au fond de lui-même, il se dit « Bien fait !».

Elysians : L'Héritage des ÉtoilesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant