Chapitre 2 Partie 1

97 10 38
                                    


An 2882, à Nelmas, quelques temps après l'attaque près de Letariv.


Sylvia avait quitté le village à cheval. La monture la plus commune à Karianis était le kalewon, mais certaines personnes avaient les moyens de s'acheter des chevaux. La majorité de ceux en possédant faisaient partie de la garde, qui elle, avait également en sa possession des transports magnétiques.

Reid était déçu de ne pas pouvoir accompagner Sylvia. Il espérait qu'elle serait rapidement de retour. D'un côté, il voulait passer le plus de temps possible en sa compagnie ; de l'autre, il voulait en savoir plus sur ce qui se tramait à la frontière. Et Sylvia allait bientôt être la personne de Nelmas la plus au fait de toute l'affaire.

En attendant, il avait décidé d'occuper son esprit en prenant de l'avance sur certaines commandes. Comme ils voulaient vendre leurs produits, le plus frais possible, il ne pouvait pas trop s'y prendre en avance ; la majorité des fruits et des légumes se consommaient dans les jours qui suivaient. À moins de les préparer pour une conservation à plus longue durée. Reid et son père ne vendaient que de la marchandise fraiche, par contre, un de leur client était propriétaire d'une conserverie.

Quelques produits, en revanche, étaient à faire sécher avant d'être rassemblés en bottes. Ça, il pouvait s'en occuper. C'était un travail manuel très répétitif, et malheureusement, cela ne l'aida pas du tout à oublier tous les événements de la matinée. Il décida alors qu'une fois ce travail terminé, il désherberait le champs de dorans. Le doran était une racine comestible de couleur rougeâtre. La parcelle sur laquelle Reid et son père en faisait pousser, était envahie de mauvaises herbes cette saison. Cela empêchait les légumes de pousser correctement.

Toute la matinée, Reid rumina. Il ne pouvait s'empêcher de penser à l'attaque du matin, et à Sylvia qui s'entretenait, trop proche du lieu où celle-ci s'était déroulée, avec un fou de la gâchette qui commandait tout un régiments de brutes.

Reid détestait vraiment les armes et les personnes qui en portaient. Il ne pouvait pas s'en empêcher. Pour lui, une personne de ce genre était forcément dangereuse et déficiente intellectuellement. Il se demandait ce qui pouvait pousser des personnes à décider de consacrer leur vie au combat, au lieu de travailler la terre et nourrir la population. Son opinion à ce sujet le faisait souvent passer pour un garçon naïf auprès des habitants de Nelmas.

Pour Reid, c'était les autres qui étaient naïfs. Il avait une idée de ce que cela devait faire de tenir une arme entre ses mains. L'impression de pouvoir et de force que cela pouvait procurer. Le simple fait de s'en servir face à une autre personne, obligeait presque à oublier que cet adversaire était, justement, une personne. Avec tout ce que cela impliquait ; un être humain fait de chair et d'os, de sensations et de sentiments, de peur et de la volonté de survivre à tout prix. Ce n'était pas anodin. Dans ce genre de situation, chaque personne est un adversaire, un ennemi. Chaque personne veut vivre, quelque soit le côté dans lequel on se trouve.

Reid était peut-être jeune, mais il avait vu la guerre de près. De plus près que la majorité des habitants de Karianis. Ses souvenirs sont brouillés parce qu'il n'était qu'un tout petit garçon à cette époque. Il a perdu sa mère à cause de la guerre. Il a vu des humains oublier que les personnes qu'ils tuaient en étaient aussi, tout autant qu'eux. Il les a vu se transformer en machines aux émotions très sélectives. C'était la condition pour survivre. C'était une période de ''moi'' ou ''eux''. Tout le monde était un ''moi'', l'instinct de survie primait sur tout, absolument tout. Mais tout le monde était aussi, en même temps, un ''eux'', face à ces gens qui veulent survivre autant que vous.

Elysians : L'Héritage des ÉtoilesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant