Nouveau papa

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 Mon nouveau papa parlait avec un fort accent Martiniquais, toujours en Français mais jamais avec trop de débit. Son côté traînant n'enlevait rien au fait qu'il fusse un être curieux et vif. En 1991, l'homme avait déjà 30 ans. Le moment était encore à la découverte pour ma part. C'était la première fois de toute ma vie que je dormais si loin de ma famille maternelle parmi des gens que je venais à peine de rencontrer. Si l'adoption ressemblait à quelque chose il faut croire que c'était bien cela. Sans à priori ou prémisses je n'avais pas eu le temps d'y penser, aucune idée pour un début de réflexion. C'était le type de moment T; où toutes les forces immatérielles et spirituelles se retiraient pour laisser la matière brute s'exprimer après l'avoir façonné. J'étais un enfant inspiré et déjà observateur mais pour le coup je n'avais aucune piste: comment combler tout ce temps passé si loin d'un pan de mon histoire? Dans les temps à venir; Je comprendrais qu'il y avait eu un vide et qu'il y avait là quelque chose à construire, un travail énorme. Enorme comme quoi? Comme une vâche, comme un bus, comme une baleine à bosse ou comme une comète qui vous tombe dessus? L'univers ne me révélait en rien l'ampleur de la tâche. Désormais, je vivais en France dans une autre vie qu'avait choisi ma mère entre quatre murs pour essayer de nous tirer de cette île, comme si elle n'était qu'une impasse macabre. Pour l'instant c'était un grand écart et je saisissais seulement la misère dans laquelle elle m'avait embarqué. Je savais que je n'y pouvais rien changer, à part à soudainement être projeté dans l'âge de conscience. Pourquoi ne m'avait-elle jamais parlé de mon père, pourquoi mon père était-il un étranger? Et lui, avait-il seulement demandé pour moi et que méritait-il maintenant? Qu'allait-il faire ou ne pas faire qui influe sur ma destinée? Méritais-je une destinée influencer par lui, un inconnu? A cet âge les questions étaient sous-jacentes, rien d'aussi public bien sûr! J'allais où on m'acceptait en pensant qu'on pouvait grandir et se forger ainsi; en observant les adultes qui se présentaient à moi. A l'époque, mis à part mes papis, personne ne savait rien de la paternité même pas mon père qui la découvrait à l'instant sous son nez. Ma mère l'avait définitivement évincé et rendu inutile et lui n'avait guère insisté (jusqu'à preuve du contraire).

 Plus tard, elle avait reconstitué la paternité par le biais de Graine-de-mort qui m'avait proposé de choisir entre l'appeler par son prénom ou papa. C'est moi qui avait choisi de l'appeler papa pour encore une fois être respectueux et pour ne pas le rendre plus violent. Ça avait fonctionné, il était resté au même niveau de brutalité et d'inculture que je lui reprochait. Ce dernier s'était fait une vraie idée du père qui devait absolument être muffle alors que son père à lui l'avait moins été que sa mère. Il avait pris des coups gratuits dans tous les sens de la ceinture et il devait reproduire cette même éducation peu efficace pour moi. Ma seule grosse bêtise c'était de faire pipi au lit. Les coups de ceinture chaque matin parfois jusqu'au sang devaient m'aider à me retenir. Le remède ne marcha pas avant l'âge de 12 ou 13ans, toutefois je pris des coups jusqu'à 15 ans environ, l'âge où on tue le père, presque littéralement.

Dans mon nouveau foyer pseudo-Amazonien, sans surprise j'avais fait pipi au lit. C'était les voisins et les coqs qui chantaient dans la campagne qui m'avaient réveillé au matin. Je n'osais pas me lever jusqu'à ce que la flaque s'évapore, ventilateur sur puissance 4 aidant. Je me rendormis de force sur la serviette de bain ce qui régla l'affaire, A mon levé vers 7 heures, tout était quasiment sec selon moi. J'enlevais mon pyjama me précipitai à la douche avant de saisir mes habits du jour au fond de mon sac à dos en espérant que tout passe inaperçu. Personne ne fit de remarque.

A sept ans, je commençais à savoir ce que je voulais. C'est pendant ces vacances de 1991 que je commençais à dessiner des avions sous tous les angles. Mon papy, bien que je n'eusse eu aucune idée de ce concept était mon premier mentor, peut-être le seul car personne ne me voyait déjà grand sauf lui qui voyait:

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