La rue principale de Trinité était bien achalandée; Certains faisaient le déplacement depuis les communes voisines pour profiter du front de mer et des commerces qui bien que moins nombreux n'avaient rien à envier à ceux de la capitale (enfin... "Du chef lieu" comme nous l'imposait le jargon administratif). Depuis la caserne de la crique on accédait au marché couvert en six minutes à pieds mais en ce jour Francia savait déjà ce qu'elle venait y chercher, pas le temps de flâner. Pas nécessaire de courir non plus. En sortant elle imposa un rythme de petite femme d'affaire des Antilles qui fut immédiatement interrompu par la rencontre avec une bête curieuse posée au beau milieu de l'escalier:
-Tiens tiens! Elle a dû se perdre? C'est la première fois que j'en vois une ici et de si près. Observa Francia en se baissant pour y voir clair,
Le vol des chauves-souris au dessus des têtes étaient une chose courante, en revanche c'était rare d'en voir une à nos pieds, c'était même une vision.
-Et moi donc... Je crois que c'est la première fois que j'en vois une en plein jour. Elles ne préfèrent pas être la tête en bas d'habitude? Etudiai-je le sujet,
-Je suppose... Et puis elles vivent dans des grottes, ou parfois sous les toitures. En tout cas la bête est laide! S'interloqua Francia,
-Oh je ne trouve pas, c'est comme un petit rat mais avec des ailes, c'est mignon mais je n'y toucherai pas, ça doit mordre!
-C'est bien ce que je dis. Il ne faudrait pas choper la rage ou je ne sais quoi... Bon allons, elle trouvera bien son chemin! Conclut Francia amusée en sautant la marche par dessus l'animal pour continuer sa journée.
Nous nous arrêtâmes au tabac où elle acheta des timbres puis en sortant elle jeta quelques courriers dans une boîte aux lettres jaune. La mer qu'on entendait moins que la circulation et les badauds n'était visible qu'entre deux vieilles cases séparées par un canal. Côté mer les cases créoles et bâtiments qu'on voyait de la rue n'étaient séparées de l'Atlantique que par un muret érodé qui résistait tant bien que mal aux embruns. Quelques impasses piétonnes qui aspiraient l'air iodé de la mer vers la rue menaient à cette vue du littoral.
L'instant d'après, la halle du marché nous accueillit. On y trouvait de tout pour faire une bonne cuisine locale. La criée du jour composée de quelques mérous à points bleus mariés à quelques rougets et poissons perroquets auraient fait un magnifique court-bouillon. Les épices variées auraient parfumés les riz et boudins. Cependant rien de cela ne symbolisait vraiment Trinité qui était la capitale d'un plat national, l'un de ces plats qu'on devait absolument manger avec les doigts. C'était ici même qu'une fois par an sur les étales on préparait le délicieux met sur des feuilles de banane qu'on étirait sur le plus de longueur possible. La tradition faisait d'ailleurs les gros titres. Pour autant, nombre de Martiniquais ignoraient tout du goût de cette nourriture. Je tentais de lorgner à gauche et à droite pour voir si une étale en préparait.
-Francia! Interpelai-je ma belle-mère,
-Oui? Répondit-elle en allongeant le mot,
-Tu penses qu'on va trouver du trempage?
-Ah ça, je ne sais pas. Dedans il y a un peu de tout, mais c'est mieux avec des oursins blancs et ce n'est pas la saison. Dit-elle avec assurance sans vouloir totalement me décevoir,
-Alors c'est quand?
-Ah, c'est plus vers les mois d'Octobre-Novembre je crois.
-Et toi tu aimes bien ça? Interrogeai-je comme si j'allais pouvoir en deviner le goût par ses réponses,
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Frégate
AdventureUne fois la bougie de l'insouciance soufflée sur le gâteau de la vie, devient-on adulte d'un coup d'un seul? Il y a t-il en chaque adulte un enfant trop vite sevré. Ouanacaéra sous l'ère néo-coloniale, après la réussite du programme de créolité cult...