1. C'est quoi mon problème ?

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Avachi sur mon canapé, je fixe la page blanche de mon traitement de texte depuis... un certain temps. Depuis minuit je crois. Il me reste deux jours pour écrire ce truc. Mais j'ai beau me concentrer, rien ne vient. Mes idées partent dans tous les sens. Et en aucun cas dans le sens nécessaire à ce foutu article de merde : écrire sur le plus guimauve des sujets, la traditionnelle fête de l'amour entre homme et femme. La consécration romantique (et commerciale) d'une relation exclusive et forcément mensongère. Alors que moi je ... Non Derek. Ne laisse pas encore une fois tes idées partir dans cette direction.

OK. Penser à ÇA, je n'ai pas le droit. Je dois au contraire m'extasier sur les hommes romantiques qui font rêver les femmes et vivre leur espoir de connaître LA relation. Je dois écrire sur des rencards au resto avec des roses rouges (sans épines) et des chandelles éclairant gentiment le visage aimé. Et ça serait encore mieux si je casais un beau cadeau enrubanné, une boite de chocolat ou... un bijou de prix avec des petits cœurs proclamant un "amour toujours". Mais je peux pas. Pas en ce moment. J'évite de grogner de désespoir encore une fois et me frotte ma barbe naissante, presque aussi piquante qu'un cactus. Bien joué Derek, incapable de bosser et négligé en plus. Agacé, je sens poindre une migraine ! C'est la cerise sur le gâteau.

Le curseur clignote sans fin après le titre "Saint-Valentin" quand la sonnerie de la porte de mon appartement retentit deux brèves fois. Je regarde l'heure. 7H30. Ponctuel. Je souris malgré mon stress. J'entends quelques raclements contre ma porte. Puis quelques jurons inintelligibles. Il râle encore car il ne trouve pas le trou de la serrure. Comme toujours.

— Putain Derek, quand vas-tu changer cette foutue serrure ?

Jamais, mec, j'aime trop t'entendre grogner derrière ma porte.

La clé cliquette enfin. Je ne tourne même pas la tête. Morgan, mon voisin et meilleur ami entre avec l'aisance qui le caractérise.

— Elle est pourrie ta serrure. Je pensais que tu la changerais après ta mésaventure de la semaine dernière.

— Bonjour Morgan. Merci, oui je vais bien.

Je lui réponds sarcastiquement en retenant mon sourire mais sans lever les yeux de mon écran.

Il me fait du bien. On se dispute souvent pour des conneries mais depuis cinq ans qu'on se connaît, il a toujours été là pour me sortir de mes galères. Et réciproquement. La dernière en date, lorsque j'étais coincé chez moi, la porte ne voulant plus s'ouvrir, n'est qu'un détail.

— Salut mec, tu n'es pas prêt pour notre footing ?

— Bien sûr que si, regarde- moi.

Je pose enfin mon portable sur la table basse et étend les bras pour lui faire admirer ma tenue : pantalon jogging noir et tee-shirt informe gris. Je traîne ainsi sur le canapé depuis hier soir, j'ai quasiment pas dormi, je ne suis pas rasé. En bref, j'ai l'allure d'un clochard et je n'ai pas besoin de regarder mon ami pour savoir que quelle que soit la couleur de sa tenue de sport, il sera ... parfait. Morgan c'est le genre de type à qui tout va. Il a une élégance innée très agaçante pour les autres mecs. Je lui jette un coup d'œil furtif. Jogging et sweat noir à capuche. Tennis vert fluo. Voila. Même en tenue de sport il est... parfait. Il est légèrement plus grand que moi mais nettement moins massif. Une fille dans un bar nous a dit un soir qu'on formait le duo improbable d'un grizzly et d'un jaguar. Devinez qui est le grizzly ? Je le regarde quelques secondes. Elle a pas tort : une silhouette finement musclée, une virilité exultant de tous ses pores, une barbe de trois jours soignée et une tignasse dont les mèches folles aux reflets mordorés n'ont pas vu le coiffeur depuis deux mois. Les filles raffolent de lui et il le sait ce qui rajoute à son succès. Les filles adorent penser qu'elle réussiront à le dompter.

Je ravale mon soupir intérieur et reporte mon regard sur mon Mac et ma page blanche mais j'ai parfaitement conscience de ses déplacements. Il se dirige vers mon frigo et sort une bouteille d'eau. Il s'approche de moi en l'ouvrant. Il me suffit d'un bref coup d'œil pour comprendre qu'il est attentif à mon humeur.

— Derek ? C'est quoi le problème ? Si tu veux annuler l'entraînement, on se colle devant un match ou on va déjeuner au Erin's Coffee ...

– Non, c'est pas ça, le coupé-je. Ça me fera du bien de sortir et de courir un peu. Au contraire.

Il se laisse tomber juste à côté de moi, penche la tête sur le côté en m'examinant attentivement. Le canapé s'est avachi sous son poids et un parfum de gel douche masquant son parfum naturel m'envahit. Mal à l'aise, je tente d'éviter son regard gris invasif et me concentre sur autre chose... sa main. Elle porte la bouteille à sa bouche et il avale une gorgée de liquide frais. Je fixe ses lèvres fines et dures, sa mâchoire carrée, ombrée de poils fauves. Il a une petite coupure juste dans l'angle du maxillaire. Un souvenir d'une dispute musclée avec un cousin, il y a longtemps, m'a-t-il expliqué. Cette imperfection curieuse dans ce visage digne d'une publicité me perturbe. J'ai envie de... Il déglutit et le lent mouvement de sa pomme d'Adam me ramène au temps présent.

A moins que ce ne soit ses paroles.

— Derek ? Que se passe-t-il ? Tu vas bien ?

Non.

Mais je ne vais pas lui dire ça. Déjà qu'il me regarde bizarrement. Je me lève précipitamment, posant un peu trop brutalement mon portable sur la table.

— Ça va. Je suis juste fatigué. Je passe à la salle de bain cinq minutes et on y va. Doit y avoir du café dans la cuisine, sers-toi.

En fronçant comiquement les sourcils, il lève vers moi sa bouteille d'eau, celle qui vient de toucher ses lèvres, comme me dire "déjà fait !". Je sais que je réagis bizarrement aujourd'hui. Mon ami s'enfonce plus profondément dans mon canapé, étendant ses bras sur le dossier. Son sweat moulant détaille à la perfection ses biceps qui se contractent. Je soupire et me frotte les yeux pour échapper à cette vision. C'est quoi mon problème ? Je dois devenir fou.

Lorsqu'il pose ses baskets sur la table basse devant lui, je ne résiste pas et je les vire d'un geste rapide.

— Prends tes aises, fais comme chez toi, mais pas de ça chez moi, tu le sais. C'est dégueulasse.

— Compris, m'man.

Un petit sourire narquois soulève le coin gauche de sa lèvre supérieure et révèle sa putain de fossette qui fait craquer les filles.

Et puis merde.

Je lui tourne le dos et m'enfuis lâchement dans la salle de bain.

Le problème c'est qu'elle me fait craquer aussi depuis peu. La Saint Valentin, c'est dans deux jours et je n'ai aucune envie d'une valentine. 

ooOooOoo

Note de l'auteure : 

A l'origine ce devait être un OS, publié hors concours pour le DEA n°6 "St Valentin". Mais... ce n'est pas moi qui dirige mes personnages donc ce sera une courte histoire que je publie avec un peu d'appréhension car je m'aventure dans un domaine qui n'est pas le mien.

Avertissement : Vous l'aurez compris à la lecture de ce chapitre, nous nous orientons vers une romance MM. 

N'hésitez pas à commenter ou à liker, j'avoue avoir besoin d'encouragements plus que d'ordinaire sur cette histoire.

𝙹𝚞𝚜𝚝 𝙻𝚘𝚟𝚎 | BxBOù les histoires vivent. Découvrez maintenant