Portant les deux boites de pizzas, chicken fajita pour moi et hawaïenne pour Derek, comme d'ordinaire, je choisis de monter chez nous par les escaliers. Je ne cherche pas à gagner du temps mais cela me permet de revêtir mon armure invisible de protection anti-Derek. J'esquisse un petit sourire moqueur de dérision. Voici la façade de Morgan, beau mec hyper sexy, la trentaine, célibataire endurci et séducteur invétéré de jeunes dames pour maintenir les apparences. L'autre Morgan, celui qui craque totalement pour un homme, et pas n'importe lequel, doit rester caché.
Séduire et baiser de temps en temps me procure un plaisir basique qui me rassure. Je suis un homme, je peux être un homme comme les autres. Sauf que je n'éprouve ni sentiments, ni passion. Sauf que le désir, le plaisir restent des mécanismes biologiques purs, uniquement dus aux hormones et aux endorphines. Je prends mon pied de façon régulière, une à deux fois par mois, pour consolider la façade, pour entretenir la machine. Pour ne pas être seul. Pas super efficace d'ailleurs ma méthode! J'aurais mieux fait de prendre ce putain d'ascenseur : mes pensées n'auraient pas eu le temps de prendre ce tour pathétique.
J'arrive enfin sur notre palier et vérifie dans le miroir du hall mon apparence. Je sais que mon jean me va bien et j'adore la chemise blanche que m'a offert Derek pour mon anniversaire. Je la porte ouverte, laissant mon tee-shirt moulant apparent. Je lis dans mon regard que j'ai envie de lui plaire. C'est pas nouveau. Mais c'est interdit. J'hésite à peine une seconde devant la porte. Deux sonneries brèves et je rentre. Certain de le trouver encore devant son PC. Quand il bosse, on ne peut plus l'arrêter. Gagné.
— Le repas est prêt, annoncé-je en rejoignant l'espace cuisine.
— Humm. Oui.
Il n'a pas levé la tête de son travail. Je peux le contempler tranquillement sans qu'il ne s'en aperçoive. Alors je ne vais pas me priver. Croisant les coudes sur le comptoir séparant cuisine et salon, je m'adonne sans scrupules à mon occupation favorite. Assis à la place que j'occupais avant de sortir, il travaille avec son ordinateur placé sur un coussin sur ses genoux. Il a remonté les manches longues de son tee-shirt blanc et j'admire le début du tatouage qui recouvre le haut de son bras. Ces symboles traditionnels maoris sont splendides sur lui. Je lui avais présenté mon tatoueur et je l'ai accompagné pendant les trois mois nécessaires pour parfaire l'ensemble qu'il voulait. J'essaie d'ôter de ma mémoire le tatouage complet tel qu'il me l'a montré une fois achevé. Dans sa chambre, il avait ôté son tee-shirt et j'avais admiré l'œuvre qui recouvrait le côté gauche de sa poitrine et une partie de son dos. Encore un moment où mes nerfs avaient été mis à rude épreuve. Derek pianote à toute allure la tête baissée. Je sais qu'il aura des crampes dans la nuque tout à l'heure et malgré l'envie que j'aurai de l'aider à décontracter ses muscles tendus, je ne le proposerai pas. Soigner sa main, la poser sur ma cuisse, toucher ses doigts, c'est déjà trop pour mon self-control. Soudain il relève la tête et fixe le mur. Mes craintes qu'il ne me surprenne en pleine admiration sont vaines : il n'est toujours pas parmi nous. Il doit écouter le déroulement de son histoire dans son cerveau débordant d'idées. Ce type est brillant et il n'en a même pas conscience. J'admire son intelligence et apprécie à sa juste valeur ce qu'il a apporté à mon entreprise. Deux secondes plus tard, les cliquetis du clavier reprennent. Je décide de m'amuser un peu. Ou pas.
— Derek, je meurs d'envie de t'embrasser.
— Mmmh. OK.
Je souris doucement.
— Je suis amoureux de toi depuis le jour de notre rencontre.
— Tu as raison. C'est une bonne idée.
Je manque d'exploser de rire et poursuis.
— J'ai réservé deux billets d'avion pour Las Vegas. On s'y marie demain.
VOUS LISEZ
𝙹𝚞𝚜𝚝 𝙻𝚘𝚟𝚎 | BxB
RomanceDerek est un jeune divorcé d'une trentaine d'années. Il a une vie tranquille : un boulot agréable et des sorties nocturnes avec son meilleur ami, Morgan, qui rendent sa vie facile et sans attaches. Mais un soir, il commence à comprendre que ses dési...