Chapitre 3

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Une semaine plus tard

-        Arrête de te prendre pour ma mère ! marmonné-je en gardant la tête rivée obstinément vers la télé.

-        Tu peux me regarder quand je te parle au moins !?

Avec un énorme soupir, je détache les yeux de ma série et les plante dans ceux, furieux, de ma sœur... qui est accessoirement devenue ma mère de substitution. Les mains sur les hanches, elle me fixe, à la fois consternée et agacée.

-        Tu vas te laisser aller jusqu'à quand comme ça ?

Je hausse un sourcil, feignant la surprise avec brio. Je sais pourtant parfaitement ce qu'elle me reproche. Il est trois heures de l'après-midi, nous sommes jeudi... et je suis toujours en pyjama. Mes cheveux en bataille masquent en partie mon visage sale, j'ai un paquet de biscuits à côté de moi et je ne me suis pas douchée depuis... un moment. Et pour rajouter une couche au tableau, je me suis fait renvoyer il y a deux jours de mon boulot.

Mon patron m'a appelée pour me présenter ses condoléances puis, sans passer par d'autres détours, il m'a annoncé que je devais remplacer une collègue. C'est là que j'ai commencé à être grossière. Il n'a pas apprécié, ma lettre de renvoi a suivi. Je suis donc au chômage, pratiquement sans le sou, avec un loyer astronomique à payer. Les joies d'habiter les bords de la Tamise et d'être humain... Et si l'on rajoute l'Ombre squattant mon appartement, on arrive à une équation totalement... normale.

-        Que veux-tu que je fasse ? grogné-je en enfournant un énième biscuit dans ma bouche.

-        Je ne sais pas, moi ! s'exclame-t-elle en retour avant de soupirer. Trouve un boulot, va faire un tour dans la salle de bain, nettoie l'appart !

Je fais la moue et provoque un nouveau soupir de la part de ma sœur.

-        Je sais que c'est difficile, mais fais un effort. Même un tout petit. Te changer serait déjà énorme. Je ne te demande pas encore de ranger ma chambre, même s'il va bien falloir s'y mettre un jour...

Je me renfrogne davantage et elle s'en aperçoit sans mal. Une semaine que son corps est passé sous les chalumeaux du croquemort, et elle souhaite déjà voir ses affaires dans des cartons.

-        Je sais que ma présence n'aide pas, reprend-elle plus doucement. Mais il va bien falloir sauter le pas. Range ma chambre et trouve-toi un autre colocataire pour payer le loyer.

-        Personne ne pourra te remplacer.

-        Grand Dieu...

Je lève les yeux au ciel à l'énoncé de Dieu, n'ayant jamais pu blairer ce côté-là d'Adèle. Ses croyances m'ont toujours filé le bourdon. Quelques années après le Silence Noir, des Anges ont commencé à rallier les églises, les temples et les synagogues. Le moindre site sacré encore debout a été emplumé par des hommes ailés, bien décidés à répandre la bonne parole. Et la vérité. Dieu existe. Dieu est unique. Et Dieu a plusieurs noms. Allah, Buddha, Jéhovah... ne forment qu'un seul être. Non pas celui ayant créé l'homme, mais la première forme bipède. Celle s'étant par la suite fragmentée en de multiples espèces terriennes, toutes plus différentes les unes que les autres.

Puis l'Homme a pris l'ascendant sur les autres créatures. Les Anges et les Démons, enfants du ciel, ont aidé à mettre fin au conflit planétaire et occupent, depuis, une place importante dans la société humaine. Les guerres de religion ont été résolues en un tour de main. De plusieurs dizaines de mouvements religieux, très peu ont subsisté face à la Vérité des Anges. Adèle a complètement adhéré aux paroles de ces volailles. Pour ma part... j'arborais le moindre sermon que j'ai pu entendre en sa compagnie, et je ne vais pas commencer maintenant.

L'enfer est un paradis, TOME 1 : La Peine des RêvesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant