Chapitre 34

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- Satine !

Je rouvre les yeux sitôt le départ du Djinn et me rends compte que Daegan se tient à quelques pas du lit, tout en me fixant sévèrement.

- Ne t'endors pas, m'ordonne-t-il sur un ton tranchant.

Bien que j'aie conscience qu'il ne fait que veiller sur moi, je ne suis pas d'humeur à me laisser commander par un mâle trop secret pour révéler ce qu'il tait à mon sujet. L'écoulement de la transfusion est en train de me rendre dingue, les bandages d'Irène dégagent une forte odeur me piquant la gorge et j'ai froid. Un cocktail dangereux lorsqu'on connaît mon caractère, qui ne va pas en s'améliorant alors que la fatigue me prend.

- Pourquoi ? marmonné-je en refermant déjà les paupières, j'ai sommeil...

- Si tu t'assoupis, je ne suis pas sûr de pouvoir te réveiller.

Sa phrase retient suffisamment mon attention pour que mes yeux s'entrouvrent à nouveau. Je fais alors face à Daegan, bien trop proche de moi. Avec des gestes empreints de lenteurs, il repousse la couverture jusqu'à ma taille, dévoilant ma poitrine et les blessures s'amoncelant le long de mon épiderme. Je frissonne sous le poids de son regard, alors que ses yeux balaient mon corps dans une longue inspection. Lorsqu'il dépose deux doigts à quelques centimètres de mon flanc meurtri, le curieux bourdonnement l'entourant glisse sur ma peau, sans me provoquer la moindre douleur. Ce phénomène est étrange, dérangeant, mais supportable. Et cela semble le fasciner.

- Tant de choses s'éclairent... chuchote-t-il davantage pour lui-même que pour moi.

- Comme quoi ?

Mon intervention le sort de son observation, et il retire sa main en croisant mon regard.

- Le fait que tu ne sois pas morte lorsque je t'ai téléporté loin des serviteurs de Sullivan.

Nous n'en avons jamais reparlé tous les deux, mais il est vrai que les chances que je survive aussi longtemps à sa puissance étaient faibles. Et il l'a pourtant tenté.

- Vous avez risqué de perdre cette précieuse prophétie, ce jour-là, noté-je alors qu'il rabat la couverture sur moi.

- Tiens donc ? Tu reconnais enfin en faire partie ?

Je détourne quelques instants ma tête, mais sais qu'il a marqué tous les points. Il n'en a manqué aucun, et il est temps que je l'admette.

- Disons que vous avancez de solides arguments. Reste que vous auriez pu me tuer.

- J'avais la certitude que tu ne courais aucun risque.

- Et vous écoutez souvent votre instinct, dans ces moments-là ? demandé-je, plus interrogative qu'en colère.

- Généralement, oui.

Il se recule, fait un geste de la main et s'installe dans un fauteuil qui n'était pas là, il y a un instant. Les mains jointes devant lui, les chevilles croisées, il me fixe avec une lueur dangereuse au fond de ses prunelles dorénavant d'un doré bestial. S'il voulait me faire peur, il ne pourrait pas mieux s'y prendre, surtout après la traque que je viens de vivre. Sachant pourtant qu'il ne me souhaite pas le moindre mal, et qu'il ne s'agit ici que d'une attitude normale pour lui, je m'éclaircis la voix, cherchant un sujet de conversation pouvant détourner son attention. Cela ne manque pas, même si entamer une discussion avec lui me retourne l'estomac. Je n'ai jamais été seule à seule avec lui. Il y a toujours eu au moins Ismaël pour faire tampon entre ma jeunesse explosive et... Daegan.

- J'avais parlé d'une douche, tenté-je, pleine d'espoirs.

- Tu pourras quitter le lit lorsque tu n'auras plus besoin de perfusion.

L'enfer est un paradis, TOME 1 : La Peine des RêvesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant