Epilogue

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Il était une fois...

La Damnée court, poursuivie par les siens et par ses ennemis. Elle court dans la nuit, tirant au bout de son bras la raison de son exil. Elle pleure, cette petite, elle pleure de terreur. Les bois sont traîtres, et apparaissent de nulle part leurs adversaires. Ou n'est-ce que des ombres indolores ? La Déchue attrape l'enfant pour la prendre dans les bras et repart de plus belle, ventre à terre. Que ses ailes lui manquent ! Elle aussi pleure, mais de colère. La rage l'anime, et les rires derrière elles font redoubler cette haine. Elle se bat, elle se défend et elle fait couler le sang. Ses adversaires perdent, mais juste pour un temps. Ils les retrouvent plus loin, à l'est, et la traque reprend.

L'Ange n'est plus, alors que ses foulées la rapprochent de plus en plus de son dernier voyage. Le souffle court, elle s'arrête à un angle de rue, avant de s'enfoncer dans une allée, menant au clocher. Tenant durement entre ses mains son précieux paquet, elle hésite, sur le seuil de la petite chapelle. Sa respiration s'apaise, mais les doutes demeurent. Un instant, elle tente de faire venir ses ailes, n'importe lesquelles. Qu'elles soient noires ou blanches, peu lui importante dorénavant. Seulement... rien ne se produit. Alors, elle passe le pas de la bâtisse, vide de monde. Remontant le couloir principal, elle sait qu'elle n'a pas beaucoup de temps, et que sa vie est déjà prise.

Laissant son paquetage sur un banc intact, elle repousse une poutre écrasée sur l'autel, avant de tomber à genoux. Ses forces l'abandonnent, et elle comprend qu'elle ne pourra pas tenir plus longtemps.  Joignant les mains avec ferveur, les mots glissent hors de sa bouche comme si elle n'avait jamais cessé de les prononcer. Pourtant, cela fait près de quarante ans que les prières ne font plus partie de son quotidien.

-        Que ton nom soit sanctifié et que m'apparaisse la vérité, murmure-t-elle entre ses lèvres asséchées. Que ta voix vienne m'apporter la salvation cherchée et que ta miséricorde me soit accordée...

Ses murmures deviennent des supplices, alors que le temps s'écoule, trop rapidement. La petite s'agite, dans son dos, mais elle n'y prête pas la moindre attention, toute tournée vers ses prières. Et elles finissent par être entendues lorsque jaillit une puissante lumière, venant brutalement éclairer la vieille chapelle à moitié écroulée. La Déchue se relève vivement, sa main s'emparant déjà de son épée. Mais quand le visage qu'elle espérait tant voir se matérialise, l'arme chute dans une cacophonie de bruits métalliques, alors que ses genoux la lâchent, et qu'elle tombe face à celui qui fut son ami.

-        Pourquoi m'as-tu invoqué ?

Sa voix est décharnée, comme le veut Sa volonté. Cependant, elle perçoit sa chaleur et relève la tête pour croiser les yeux de l'univers.

-        Mon ambition est de retrouver mes ailes.

L'Archange appelé touche terre et la lumière disparaît petit à petit. Jusqu'à ce que la lune soit la seule source de luminosité, il ne prononce pas un mot. Son regard oscille entre la Damnée et l'intrigante petite se trouvant un peu plus loin, cachée derrière un banc.

-        N'ai pas peur, jeune Créature, déclare-t-il doucement, en tendant la main vers elle. Je ne te veux pas le moindre mal.

Il s'attend à ce que la Déchue réplique, la protège et l'empêche de le rejoindre. Elle n'en fait rien, prouvant combien ses forces d'antan ne sont plus. La petite avance prudemment, les yeux écarquillés, sur deux billes sombres et l'Archange sourit. Pourtant, il n'a pas cœur à rire. Lorsqu'une petite main touche la sienne, il ressent la noirceur habitant ce minuscule être et fronce les sourcils dans un excès de colère surprenant. Immédiatement, la petite piaille et vient se réfugier derrière sa mère. Ravalant un coup de sang illégitime entre pareils murs, l'Archange croise les mains derrière son dos et retourne devant la Damnée, toujours à genoux.

L'enfer est un paradis, TOME 1 : La Peine des RêvesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant