L'enfer est un paradis, TOME 1 : La Peine des Rêves

Chapitre 19

Lorsque j'entre dans la pièce, je retrouve l'ambiance particulièrement calme de la salle de réunion, si ce n'est qu'il n'y a plus qu'une personne, assise en bout de table. Daegan ne lève même pas les yeux à notre entrée, et reste concentré sur le dossier qu'il feuillette lentement.

-        Assieds-toi, m'ordonne-t-il d'une voix égale.

Voyant Ismaël refermer les portes derrière lui, je prends conscience qu'il va rester avec nous. Un brusque soulagement m'envahit, et je pars m'asseoir, à deux fauteuils à la gauche de mon employeur. Ismaël en fait de même, à sa droite. Le cinquième membre du Pentacle finit par refermer son dossier, lisser sa chemise du bout des doigts avant de se reculer dans son siège et croiser mon regard. Je détourne la tête la première et sens plus que je ne le vois un sourire s'étirer sur ses lèvres.

-        J'ai fait des recherches sur toi, Satine Walker, m'annonce-t-il sans préambule. J'ai été plutôt surpris par ce que j'ai trouvé.

Je me tends presque immédiatement, sachant que mon passé va me revenir brusquement à la figure. L'Archange m'avait rassuré en m'indiquant qu'il ne répéterait que les grandes lignes de ma vie auprès de Daegan. Mais peut-être que certains détails ont été révélés, sans que je ne puisse rien y faire.

-        Les informations données par Raphaël m'ont donné l'envie d'aller plus loin, aussi ai-je envoyé quelques-unes de mes oreilles dans Londres, et plus précisément dans les Bas-fonds.

Forcément. Il fallait que nous parlions des Bas-fonds. J'observe Daegan à la dérobée et son visage ne m'apprend rien, pas plus que son ton calme et neutre de toute expression. Le tout me glace le sang et j'entends mon cœur battre sourdement dans ma poitrine. Du moins, jusqu'à ce qu'Ismaël se mette à rire, et me fasse sursauter.

-        Daegan, tu ne devrais pas faire cette tête-là... La demoiselle a bien assez peur comme ça.

L'interpellé cligne enfin des yeux et le fixe quelques minutes, me permettant de prendre une profonde inspiration.

-        Tu n'as pas menti à Raphaël. Tu as effectivement vécu quatre ans dans les Bas-fonds, à te battre chaque soir pour gagner le droit de vivre à Londres.

Je hoche la tête, tandis que les deux mâles me dévisagent, l'un toujours aussi impénétrable, l'autre, assez impressionné. Du moins, j'aime le penser.

-        Comment as-tu fait ? me questionne Daegan, attendant visiblement une vraie réponse.

-        Je... J'ai tout fait pour gagner, expliqué-je en renflouant ma peur au plus loin de moi. Chaque soir, je pensais à tout ce que j'avais à perdre si j'échouais. Il faut croire que c'était une motivation suffisante.

Je ne suis pas sûre qu'il soit satisfait de ma réponse, mais il change de sujet, ne me permettant pas de l'apprendre.

-        Satine, crois-tu au destin ?

Ses yeux se plantent dans les miens et je déglutis, mal à l'aise. Non. Terrifiée. Pourtant, je parviens à lui répondre, sans trembler. À cet instant, l'orage de ses prunelles s'est lié à un ciel sombre, sans la moindre lumière.

-        Non.

-        Il existe une ancienne, une antique prophétie touchant notre monde, m'explique posément Daegan, en glissant ses doigts sur la surface lisse de la table. Elle fut écrite en un dialecte ancien, puis retranscrit dans une langue aujourd'hui morte, et l'on a perdu sa première version. Bien que certainement inexacte, la prophétie est développée en ces quelques mots :

Deux hybrides de grande naissance,

Acceptant un lien qui les unit.

Deux solitaires vivant dans l'ignorance,