Chapitre 37

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-        Concentre-toi.

Fronçant le nez face à la réprimande, je prends pourtant une longue inspiration en tentant de me caler sur le rythme de Daegan. Cela fait une semaine que je passe mes journées en compagnie de mon tortionnaire et de Calixte, qui observe paresseusement nos activités, affalé sur le lit. Il a retrouvé sa place depuis quelques jours et paraît enchanté de la situation. Pour ma part, je n'ai pas la chance de pouvoir me prélasser sur le matelas.

Assise en tailleur sur le sol froid de la chambre, je scrute le maître de ces lieux, attendant un signe de sa part. Lorsqu'il hoche la tête, je pousse contre les parois de mon crâne, libérant ce qui m'entoure et le laissant accéder à ma puissance. Seulement, il n'a pas fait un pas dans ma boîte crânienne que les murs psychiques la protégeant se referment brutalement et l'éjecte aisément de là.

-        Oups, grimacé-je en ouvrant un œil.

Le regard que me renvoie Daegan est clair, mais il l'appuie d'une remarque cinglante, comme il semble maintenant en avoir l'habitude en ma présence.

-        Ce que tu fais est d'une incroyable impolitesse.

-        Je ne l'ai pas fait exprès, ronchonné-je en me trémoussant exagérément. Ne pouvons-nous pas faire une pause ? Je suis fatiguée, j'ai mal au postérieur et au crâne.

-        À ce stade, c'est moi qui devrais me plaindre de maux de tête.

Sachant que je ne l'ai pas vraiment blessé en refermant sans le vouloir mon esprit, je me contente de changer de position en soupirant.

-        Ça ne fonctionne pas, râlé-je de plus belle. Sept jours que vous vous acharnez et regardez où nous en sommes !

-        Ouvrir ses barrières psychiques à un autre esprit est un exercice ardu, qui ne s'obtient pas en un tour de main. Certains mettent plusieurs années avant de trouver le bon chemin.

-        Mais nous n'avons pas plusieurs années, si je comprends bien ?

-        Non, en effet.

Face à mon regard plein de questions, il se relève et se détourne de moi pour s'en aller raviver le feu de l'énorme cheminée. J'en profite pour soulager mes membres et me redresse à mon tour, avant de boitiller jusqu'au lit. Là, Calixte s'étire en m'observant approcher, la queue pendant dans le vide. Je m'assois en retenant un juron, et passe une main sur mon flanc, là où les griffes d'Ingrid ont réduit en charpie tout ce qu'elles ont pu trouver sur leur chemin.

Dorénavant, l'épais pansement, qu'Irène est venue me changer ce matin même, masque un large morceau de peau en train de cicatriser. Mon épaule anciennement démise est elle aussi en cours de guérison, comme pour le reste de mon organisme. Sans savoir comment, je continue de voler la force d'Ismaël au travers de Daegan, afin de me permettre de recouvrer mon énergie beaucoup plus rapidement qu'avant.

Cependant, je ne suis clairement pas encore rétabli. Et les séances de Daegan tirent sur l'ensemble de mes muscles, me laissant la plupart du temps en nage et au bord de l'évanouissement. Calixte, comme convenu, m'aide à passer des nuits sans rêve. Si j'ai été surprise de son efficacité, dans un premier temps, les explications d'Abby m'ont permis d'y voir plus clair.

Apparemment, les Métamorphes sont sensibles aux psychiques des autres et peuvent impacter nos songes. Calixte, pour une raison m'échappant toujours, semble avoir jeté son dévolu sur moi, et ne quitte plus que rarement cette pièce. Comme je n'ai pas encore l'autorisation de sortir de cette maudite salle, je suis plutôt heureuse d'avoir le Métamorphe en tant que compagnon de chambré. D'autant qu'il est loin d'être difficile. Passant ma main sur son épaisse fourrure, je m'accorde cinq minutes de plaisir avant de retirer mes doigts, sachant Calixte particulièrement mal à l'aise avec les contacts physiques. L'once gronde légèrement et pose l'une de ses énormes pattes non loin de moi, toutes griffes dehors.

L'enfer est un paradis, TOME 1 : La Peine des RêvesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant