L'enfer est un paradis, TOME 1 : La Peine des Rêves

Chapitre 23

Malgré l'affluence, je parviens à discuter longuement avec le Djinn, appréciant ses remarques sur le monde et sur ce qu'il nomme sa famille. Lorsqu'il quitte le comptoir, la bouteille est vide et je grimace en calculant combien ce petit chantage va me coûter. Cependant, j'ai pu glaner quelques informations, me permettant d'y voir plus clair. Abby m'a rejointe depuis un moment, et la conversation va bon train entre nous. Je suis assez surprise de me découvrir des points communs avec une Goule vieille de plusieurs centaines d'années, même si sa bonne humeur contagieuse me fait presque oublier son statut de mort-vivant.

L'après-midi touche à sa fin lorsque l'Archange Raphaël passe le pas de l'Arcade pour venir me saluer. Qu'il fasse ce détour uniquement dans le but d'échanger quelques banalités avec moi me chamboule assez pour manquer l'arrivée de Daegan au Sanctuaire. Quand l'Archange disparaît à l'étage, le patron de ces lieux, jusque-là un peu en retrait, s'avance dans ma direction. Le souffle subitement court, je le regarde approcher, notant au passage qu'il ne porte plus ses costumes, mais un jogging et un pull. Ça ne modifie en rien l'aura inquiétante l'entourant, mais ça le rend moins... immortel. Un peu moins impressionnant. Et tout ce qui se camoufle représente un danger à mes yeux. Je suis bien placée pour le savoir.

-        Que souhaitait Raphaël ? me demande-t-il en me fixant de ses prunelles dérangeantes.

-        Rien de bien important. Je peux faire quelque chose ?

-        Abby sait ce que je veux.

Il fait un signe à la Goule, qui vient immédiatement lui apporter un verre empli d'une liqueur que je ne reconnais pas de visu.

-        Voilà, patron ! s'exclame-t-elle joyeusement, avant de repartir en coup de vent.

Je profite de cette brève distraction pour m'en retourner à mon occupation première, à savoir le rangement d'une caisse. Pourtant, je sens le regard de Daegan sur moi, et une question me brûle la langue, me détournant quelque peu de ma tâche. Bien évidemment, une personne ne met pas longtemps à s'en apercevoir.

-        Pose ta question.

Je ne cherche pas à comprendre comment il a pu déduire précisément le sens de mon trouble, et pose mes mains sur le comptoir en face de lui. Je croise, un bref instant, ses yeux absolument démentiels, puis dévie la tête pour ne pas m'oublier au passage.

-        Pourquoi avez-vous des Archanges et des Démons à votre service ?

-        Ah.

Il tourne son verre entre ses larges paumes sans cesser de me fixer, avant de reprendre, son accent volant entre les phrases.

-        J'ai un marché avec Dieu et Lucifer. Un ancien pacte nous liant tous les trois, qui me permet, dans la mesure du possible, de bénéficier de deux de leurs meilleurs sujets. En échange, il y a une chose dont je dois m'acquitter, pour respecter ma part... Comme tu t'en doutes, c'est une information que je désire également garder pour moi.

-        Et Ismaël.

-        Et Ismaël, me confirme-t-il.

Je ne suis pas surprise qu'il ne me dévoile pas la raison de ce pacte, bien que cela pose question. Cependant, sachant que je n'apprendrais probablement jamais l'origine de ce marché, je n'insiste pas et m'en retourne à mon travail. Enfin... Je pensais pouvoir y retourner.

-        As-tu réfléchi à ma proposition ? me demande-t-il brusquement en croisant les mains sur le comptoir.

-        Je n'ai pas encore de réponse à vous apporter, répliqué-je posément.