Chapitre 9

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Mon réveil sonne aux alentours de midi, mais je reste au lit une heure de plus, rechignant à abandonner la quiétude de ma chambre pour le monde bruyant et effrayant du dehors. Je finis par m'y résoudre, pourtant, avec en tête une liste importante de choses à faire. Une douche plus tard, je fouille les placards, en reste d'un biscuit ou d'une conserve. Trouvant mon bonheur dans une boîte datant de l'an passé, je l'ouvre en observant la cuisine d'un œil plus critique que d'habitude. Les pubs tournant dans le téléviseur sont unanimes : être riche a du bon. Juste pour l'électroménager. Je tuerais pour un réfrigérateur, ou même pour un portable, qui permet d'appeler sans avoir besoin de chercher une cabine téléphonique.

J'ai eu une conversation, avec Adèle, sur l'intérêt de posséder un téléphone à la maison. Elle a eu le dernier mot, en me rappelant que nous ne passons pas suffisamment de temps dans l'appartement. De toute manière, cela m'étonnerait fort qu'une ligne soit installée dans les quartiers de mon espèce. Parfois, je me demande ce qu'O'Neill fiche ici. Il pourrait se trouver le même job, du côté des secteurs riches et prospères. Adèle a déjà supposé une fois qu'il était peut-être recherché par les siens. Étant donné que les Fées sont toutes reliées les unes aux autres, j'ai quelques doutes. Mais après tout, le Glamour peut peut-être avoir un usage dont je n'ai pas encore entendu parler. Ce n'est pas comme si j'y connaissais grand-chose, de toute manière...

- Adèle ? fais-je, percevant un bruit dans le couloir.

Après un instant à attendre, je me glisse hors de la cuisine, mais ne retrouve pas mon Ombre. Elle m'a dit que rester ici lui volait beaucoup d'énergies. Visiblement, les deux heures passées à discuter de ma première soirée au Sanctuaire lui ont coûté plus qu'elle ne m'a raconté. Soupirant, je ramasse la lettre du garagiste, avant de me décider à sortir pour l'appeler. Le trajet jusqu'à la première cabine téléphonique ne me prend que quelques minutes, malgré la forte circulation, normale en ce début d'après-midi. Le garagiste, un Gobelin roublard connaissant Adèle depuis notre arrivée à Londres, répond immédiatement et me conte sans tarder l'épreuve que nous lui avons fait vivre, en ramenant la voiture au garage. D'après lui, l'engin était dans un si mauvais état qu'il lui a fallu faire appel à tous ses employés pour le remettre sur ses quatre roues. Je l'écoute parler, comptant les pièces dans ma poche, et faisant attention au temps imparti. Personne n'attend derrière moi, mais je coupe soudainement le Gobelin.

- Écoutez, Murphy. Je ne doute pas que vous connaissez votre métier, mais...

- Mais vous vous méfiez des Gobelins.

Son ton laconique ne me permet pas de savoir s'il est agacé par cette vérité ou non. Me maudissant de ne pas avoir fait l'effort de me rendre sur place, je me mords la joue avant de reprendre.

- Je sais juste que cette voiture ne m'est plus d'aucune utilité. Je souhaiterais donc la vendre, et ce, assez rapidement, pour m'éviter des frais supplémentaires.

Je perçois quelque chose de son côté, mais trop loin pour en comprendre la signification.

- Dans ce cas, je peux vous proposer de la racheter. Les gars l'aiment bien, votre vieille machine.

Il m'annonce le prix, et nous restons quelques minutes au téléphone, le temps d'arriver à une entente entre les deux parties. Je sens que j'y perds au change, mais les Gobelins sont de véritables charlatans et j'aurais pu m'en tirer à moins bon compte. Alors que je suis sur le point de raccrocher, après avoir mis la totalité de mes pièces de la machine, Murphy me retient.

- Juste une dernière chose...

- Oui ?

- Je suis loin d'être bête, et ma cliente m'a assez parlé de sa situation pour savoir qu'elle vous appréciait.

L'enfer est un paradis, TOME 1 : La Peine des RêvesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant