Chapitre 22

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Bien évidemment, je me réveille en hurlant à pleins poumons. Posant une main tremblante sur ma bouche, j'allume en sentant des larmes couler le long de mes joues et le moindre de mes membres vibrer. Des mèches de mes cheveux sont collées sur mon front et le reste est plaqué contre mon dos trempé, me prouvant que mes terreurs nocturnes m'ont attrapé dans leurs griffes plus de temps que je le pensais.

Poussant un profond soupir, je me laisse tomber en arrière et observe un moment le plafond, jusqu'à ce que mon cœur retrouve un tempo plus lent. Fatalement, des images me reviennent de mon horrible cauchemar, me ramenant dans une salle de torture moyenâgeuse, avec Gabriel en antagoniste principale, officiant en tant que bourreau. Le reste est un entremêlement de son et d'odeurs, me rappelant que l'Archange n'était pas le seul à me faire souffrir, ce soir. Heureusement, mes terreurs nocturnes, à l'instar de mirages, finissent par se fragmenter et disparaître au loin, me préservant de la folie.

-        Ce n'était qu'un mauvais rêve, assuré-je avant de me lever.

Après tout, il est normal que j'en fasse plus que d'habitude. Mes derniers jours ne se résument pas à une petite balade champêtre, mais plutôt à une aventure en eaux troubles. Ravalant d'ultimes frissons, je file sous la douche, où l'eau chaude parvient à dissiper mes dernières inquiétudes. Parmi tout ce que m'a raconté Ismaël, il semblerait que son histoire de murs enchantés soit une réalité. Dans le cas contraire, mes hurlements auraient dû ameuter une bonne partie des résidents du Sanctuaire. Il y a au moins cela de positif, pensé-je amèrement.

Après m'être vêtue d'un jean un peu trop serré et d'un pull en laine trop ample, je m'assois sur le lit, attendant bien sagement qu'Ismaël vienne me chercher pour le petit-déjeuner. Repas dont je me passerais bien, car d'autres affaires m'appellent. En tête de liste, questionner un maximum de personnes sous les ordres de Daegan. L'heure tourne, et dimanche soir, il me faudra choisir entre ma liberté et ce contrat me liant à lui. Suis-je prête à la perdre pour la sécurité ? Suis-je condamnée à fuir ma vie entière pour garantir ma sûreté ?

Le nombre de questions gravitant dans mon crâne me donne le vertige et me donne brusquement envie de bouger. Tant pis pour le Djinn et l'interdiction de Daegan de ne pas me déplacer seule dans les couloirs. La main sur la poignée, je frissonne en imaginant retomber sur Gabriel ou Barthélemy, avant de cloisonner ce genre de pensées dans les profondeurs de mon esprit. La peur n'a jamais dicté ma vie, et ce n'est pas près de commencer maintenant.

Poussant la porte, j'ose un coup d'œil rapide et, une fois les lieux sécurisés, je me glisse à l'extérieur en refermant silencieusement les battants dans mon dos. Essayer de me souvenir du chemin me menant au bar est impossible, alors je longe les corridors au hasard, me laissant petit à petit happer par les scènes de combats, visible sur les différents tableaux et tapisseries. Du moins, jusqu'à ce qu'une porte s'ouvre brusquement devant moi. Je parviens à la bloquer au dernier moment, et mon poignet émet un léger craquement inquiétant. Ravalant un grondement de bête sauvage, je ramène mon membre blessé contre moi, tandis qu'une voix résonne à quelques pas.

-        Ça va ?

Je relève les yeux pour croiser des prunelles d'un bleu profond, rappelant les abysses marins.

-        Je suis Isaac, se présente-t-il en me souriant. Le Maritin.

Le Djinn de l'eau, donc.

-        Non, ça ne va pas, grogné-je pour toute réponse.

-        Désolé, je ne t'avais pas entendu...

Cela me semble peu probable, mais il ne me permet pas de le contredire.

L'enfer est un paradis, TOME 1 : La Peine des RêvesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant