Chapitre 33

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Demain, j'attaque un nouveau boulot, alors je vous envoie ce chapitre aujourd'hui !

Enjoy 🤍✨

***

Cette salope m'a laissé de l'avance. Son humanité perverse n'a pas tant disparu que cela, et elle est parvenue à retenir sa part bestiale pour me faire gagner un peu de temps. Rien de sympathique à cela, car la bête en elle sera d'autant plus prête à me prendre en chasse. Alors, je cours, tentant de retrouver le chemin. J'ai toujours été persuadée que se perdre en forêt était bon pour les films, mais n'avait rien en commun avec la vraie vie. Dans une société où la nature s'est fait dévorer par l'avidité des grandes villes, je pensais que les bois étaient tous balisés, coupés en ligne droite, assez éclaircie pour apercevoir la plaine même au plus profond de la forêt. Sauf que nous sommes au cœur du domaine de Daegan, et que celui-ci n'exploite pas la nature afin de respecter le territoire des Nymphes et des Sirènes.

Aussi, même en plein jour, la lumière du soleil est en grande partie masquée par les arbres centenaires, tandis que l'ensemble des bosquets forment des barrières naturelles m'empêchant de voir au loin. Si je suis tentée d'appeler à l'aide dans un premier temps, je me mords les lèvres et poursuis mon chemin, cherchant plutôt une rivière pour me jeter dedans. Avec un peu de chance, l'odorat d'un Lycanthrope n'est pas plus développé que celui d'un chien, et me permettra d'attendre les secours tout en restant en vie. Car ils vont venir.

Je sais que je n'ai pas besoin de les appeler pour qu'Ismaël soit déjà à ma recherche, me traquant avec la même facilité qu'Ingrid. Je ne me leurre pas. Les poumons en feu, les pieds ensanglantés, je cours à perdre haleine tout en sachant que seule ma peur guide mes pas. En vérité, je me suis déjà fait attraper. La piste sanguinolente que je laisse derrière moi est trop visible pour les sens ultradéveloppés de la bête me pourchassant.

Me cacher reviendrait à du suicide, tant mon cœur bat trop fort dans la poitrine. Ingrid doit probablement m'entendre à plus de cent lieues de distance. Non, ma seule option est l'eau. Celle-ci pourrait masquer mon odeur et mes bruits, et me ferait gagner quelques précieuses minutes. Le Loch Ness est ma seule sortie, d'autant que les Lycanthropes sont de très mauvais nageurs. Celui que je suis parvenue à battre dans les Bas-fonds doit encore flotter dans les caniveaux à l'heure où nous sommes.

Je dévale la pente, tentant de suivre mon instinct pour m'approcher du lac. Un long hurlement retentit dans mon dos, et me glace tout entier lorsque je comprends que le prédateur n'est plus très loin. Redoublant d'efforts, transpirant abondamment, je cours pour ma vie, jusqu'à ce que j'entraperçoive une lueur dans la pénombre. Me glissant entre les fourrés, je rampe sous les épines pour atteindre l'orée des bois, les écorchures me laissent insensible. Une branche frappe mon visage, mais cela ne me ralentit pas, et fouette mon sang pour me donner l'impulsion nécessaire.

Je bondis hors de la forêt et le vent m'accueille, plus fort que d'habitude. Et pour cause ! Le léger promontoire me présente le lac dans toute sa splendeur, à plus de quinze mètres en dessous de moi. M'arrêtant devant la falaise, j'ose un regard vers le bas et le vertige me prend, m'empêchant de faire un pas. Cette peur m'est fatale. Alors que j'amorce un mouvement de retrait, une patte m'attrape la cheville et me projette en arrière, à plus de dix mètres d'Ingrid. L'impact contre la roche me coupe le souffle, tandis que d'énormes douleurs jaillissent dans mon dos.

Je n'ai pas le temps de me relever qu'une immense masse me tombe dessus. L'odeur putride en provenance de sa gueule n'est rien lorsque sa bave glisse sur mon visage, en vagues brûlantes et nauséabondes. Ses griffes se plantent dans mon flanc et je pousse un cri de souffrance pure. Elle ne se contente pas de me lacérer mais me laboure l'estomac, mes hurlements la galvanisant dans son œuvre. Sous la douleur, des points noirs viennent obscurcir ma vision et me libèrent en partie du martyre que je suis en train de vivre. Comme durant mes combats acharnés pour survivre, mon épiderme devient hermétique au supplice et à la torture, et je réussis à projeter mon bras suffisamment fort pour taper contre son oreille.

L'enfer est un paradis, TOME 1 : La Peine des RêvesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant