WAKUSEI

III. NOUVELLE VOIE - PART II

NOUVELLE VOIE PART II

Naru usa de son entraînement pour repérer d'où provenait le son. Il prit soin de marquer tout au long de sa marche des branches cassées, des marques sur les arbres afin de pouvoir plus facilement revenir à son point de départ. Plus il avança, plus le bruit se faisait de plus en plus fort, mais à certains moments son talent de traque fut mis à mal. Il entendait tantôt le son sur sa droite, tantôt sur sa gauche. La cible était-elle en mouvement ? Pourtant, ces bruits lui donnaient la vague impression qu'il s'agissait de bruits de plaintes, des bruits de souffrance. Au bout d'un moment, il n'avait toujours rien trouvé. Agacé, il décida d'appliquer l'un des conseils de Yahiro. Il s'installa au pied d'un arbre, les jambes croisées et ferma les yeux afin de mettre toute sa concentration dans la localisation du bruit. Au bout de quelques minutes, il se releva après l'avoir entendu de nouveau quelques fois. Il dévala alors une pente dans la forêt qui l'emmena en contre-bas d'un léger cours d'eau. Le léger bruit ruisselant le perturba et il eut de nouveau la sensation d'avoir perdu ce bruit. Son instinct lui indiquait néanmoins qu'il en était beaucoup plus proche qu'au départ. En longeant le cours d'eau, le bruit redevenait de plus en plus fort. Enfin, il trouva.

Allongé sur le côté, près de l'eau et visiblement souffrant, Naru fut émerveillé. Face à lui, un animal de petite taille au pelage blanc avec des liserés de gris haletait. L'animal avait des petites oreilles pointues, de petites moustaches et était doté de quatre pattes dont le bout présentait des griffes acérées. Il possédait également une queue qui battait le sol de droite à gauche. Naru ne connaissait pas cet animal mais il sut tout de suite qu'il pouvait s'en approcher sans crainte. Il ne voyait pas là une cible ou une proie pour son repas, mais comme une âme a qui il devait de l'aide. Il s'approcha de lui et commença à caresser son doux pelage. L'animal ne criait plus, mais un son régulier et rauque se faisait entendre. Comme s'il appréciait cette attention. Il décida de le prendre avec lui dans ses bras. L'animal geignait un peu.

Arrivé dans sa nouvelle demeure qu'il réussit à retrouver grâce aux traces laissées, Naru s'attela a rallumer le feu qui s'était éteint il y a peu. L'animal était allongé près de celui-ci et la chaleur semblait lui faire du bien. Après avoir cuit quelques restes de chevron, Naru lui en donna quelques morceaux qu'il engloutit en quelques instants à peine. Elle le remercia par un geste d'affection en frottant sa tête contre ses jambes.

Une nouvelle semaine venait de s'écouler. Le souvenir du jugement et de l'exil commençait à devenir lointain bien que Naru y accordait au minimum une minute de son temps chaque jour pour y repenser. Ayant désormais accepté son sort, il regardait désormais vers l'avant. Parfois, il était pris d'une nostalgie profonde lorsqu'il pensait à ce qu'il avait perdu. Les discussions avec Yahiro, les jeux avec Akhe ou encore les moments privilégiés avec Jasme... Il se rendit compte que celle-ci lui manquait plus que n'importe qui et que l'importance de ces moments lui tenait beaucoup plus à cœur qu'il ne le croyait. Son odeur, ses gestes, son regard. Parfois, la nuit, il passait des heures à regarder le ciel et à demander sans cesse pourquoi. Pourquoi cet exil ? Pourquoi lui ? Qu'est-ce qu'il avait bien pu faire pour mériter d'être séparé de ce qu'il affectionnait le plus ? Si le temps l'aidait à accepter son sort, il avait du mal à voir ce qu'il y gagnait concrètement dans cette histoire. La vie certes, mais lorsqu'on vous dépossède de tout ce que vous avez, à quoi bon ?

Heureusement que son petit compagnon était là. Depuis une semaine, il ne l'avait plus quitté. Naru ne sut jamais de quoi souffrais l'animal mais celui-ci s'était remis sur ses pattes en quelques jours à peine. Désormais, il marchait, courrait, jouait. Parfois, lorsque Naru dormait, il venait le réveiller afin de réclamer des caresses pour ensuite s'endormir au creux de son bras. Naru l'appelait sans cesse "la bête". Au bout de quelques jours, il décida de lui donner un nom : Rhaya.

Rhaya s'avérait être un excellent compagnon de chasse pour lui. À deux et dans une symbiose inexplicable, l'animal repérait les proies pendant que Naru terminait le travail. De quelques rations en une chasse, il en ramenait désormais le double et commençait à se doter d'un stock conséquent. Avant de s'endormir, il se dit d'ailleurs que ce serait une bonne idée que d'agrandir la maison pour pouvoir stocker tout le surplus.

Le lendemain, Naru et Rhaya se réveillèrent en même temps. Déterminé par son idée de la veille, il prit un morceau de viande qu'il partagea avec elle pour son premier repas. Naru n'en était pas certain, mais il avait constaté une absence d'excroissance entre ses pattes arrières ce qui lui permis de déduire instinctivement que Rhaya était une femelle. Peut-être un jour le saura t'il vraiment ? Cela ne le dérangea nullement, mais il se demanda si un jour, elle allait l'abandonner pour fonder sa propre famille avec son propre mâle. Une pensée fugace de lui et Jasme lui traversa l'esprit. Il l'enleva aussi rapidement qu'elle était venue. Il s'était dit qu'y penser ne lui occasionnerait que du mal et il avait choisi la voie du déni pour se concentrer uniquement sur un avenir à construire, bien qu'il ne le voyait toujours pas d'une façon très claire. Une nouvelle journée constructive passa où Naru, accompagné de Rhaya, toujours, avait été chercher des branches d'arbres suffisamment solides et des feuilles afin d'agrandir sa maison. Après quelques heures de travail, il disposait désormais d'un espace de stockage et il avait même fabriqué une porte, ce qui manquait cruellement depuis le début. Le vent s'étant levé plus fréquemment qu'à l'accoutumée, cela en devenait indispensable. Rhaya semblait apprécier cette idée, elle qui venait sans cesse se blottir contre lui à cause du souffle venteux.

De cette journée, Naru avait en plus fait une découverte. Il avait trouvé sur son chemin la plante qu'ils cultivaient à Khonkiri, celle qu'Ume fumait régulièrement. Il en récolta une qu'il fit sécher près du feu et qu'il entoura autour d'une feuille d'arbre qu'il ne connaissait pas, mais qui lui paraissait lisse et parfaite à l'emploi au lieu de la traditionnelle feuille de maïs. Il s'était dit qu'il en fumerait une dès qu'il jugerait l'occasion opportune. Ce soir-là, justement, une pleine lune sur les deux astres ornaient le ciel éclaircissant tout le paysage dans la nuit noire. Il en profita pour sortir dehors où aucun bruit ne se faisait entendre hormis quelque sifflement et bruits d'oiseaux lointains. Il s'installa assis en tailleur face à l'astre et à la montagne. Il prit sa plante artisanale qu'il alluma avec le feu puis il inhala pour ensuite recracher la fumée. "Quelle sensation agréable !" Se dit-il. Il continua d'inhaler bouffée d'air après bouffée d'air puis il se perdit dans ses pensées. Il se demanda ce qu'il se passait à Khonkiri à l'heure actuelle. Yahiro qui était un féru des cieux était-il en train d'admirer la pleine lune lui aussi ? Akhe, avait-il choisi de s'aveugler en allant passer son temps à la taverne ? Jasme... Que faisait-elle ? Pensait-elle à lui ? Les villageois, parlaient-ils encore de Naru, l'exilé ? Avaient-ils préparé une nouvelle expédition ? Savaient-ils qui étaient les hommes en rouge ? Naru se secoua la tête. Trop de questions auquel il n'avait de toute manière pas la réponse. Il continua durant de longues minutes d'inhaler encore et encore pendant qu'il réfléchissait. Il s'accorda une dernière fois le droit de penser à Jasme. Comme un symbole, la nature lui répondit. Au loin, dans le ciel et juste au-dessus de la montagne, un bref scintillement était apparu.

VII. LE LIVRE DES DIEUX ET DES CIEUX.

ANIMAL-TOTEM : Chacun a son propre animal-totem. Il représente une synergie et une connexion bien particulière octroyant une connaissance et un pouvoir bien plus grand qu'un simple humain aveuglé. Les hommes se ressemblent tous physiquement à quelques détails près, comme les cheveux, la forme du visage, les yeux, mais ils sont tous dotés d'un corps, d'une tête, de deux jambes, d'un esprit. Là où diffère deux êtres humains se trouve dans la manière de réagir face à des événements vécus ou à des habitudes de vie dépendant de leur caractère. Par exemple, un humain dont l'animal-totem serait le chagron aura plutôt tendance à dormir plus souvent que les autres. Un autre dont l'animal-totem serait l'anglon n'aura pas physiquement d'ailes, ni de griffe acérée, mais ses mots le seront. Un animal-totem est un miroir intérieur de soi et bien souvent dans une vie, la connexion entre l'humain et cet animal sera unique comparé à un autre. Les Dieux sont d'ailleurs beaucoup représentées sous la forme animale. Il incombe à chaque être humain de trouver son animal-totem. Le trouver, c'est faire un pas vers la sagesse. Le trouver, c'est comprendre que tout est lié.