V. SAYONARA

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Les disciples du O teire, secondés par des gardes du Okyu, s'affairaient a monter l'estrade pour la cérémonie. Aujourd'hui est le jour des adieux aux quatre victimes de l'expédition 436 qui a abouti à l'exil de Naru. Cette cérémonie risque d'être émouvante du fait de la particularité de l'un à avoir été assassiné par un membre de son propre village. Comme la coutume l'exige, deux énormes poteaux sont dressés de part et d'autre avec un troisième poteau liant les deux à l'horizontal, l'immense estrade trônant en son milieu. Quatre énormes coupoles ornaient les quatre coins de l'estrade pour y accueillir les feux des Dieux et des Cieux. Par la suite, quatre autels en bois vont y être dressés afin de pouvoir y donner le dernier geste du rite funéraire de Khonkiri. Les corps reposent encore actuellement quelques heures dans des cases créées pour cela au O teire, où chaque famille est libre d'y siéger et de se recueillir avec le défunt. La cérémonie sera présidée par le sorcier du village. Tout du long de celle-ci, il récitera des incantations afin d'aider les défunts à bien rejoindre le Koete. Chaque famille pourra intervenir afin de l'accompagner dans son voyage astral. La cérémonie aura lieu ce soir afin que chacun puisse y assister.


Kintaro se réveilla dans sa chambre-case de Maître, la tête engourdie. Enfiler les chopes la veille ne l'a pas aidé à avoir un réveil en douceur. Il mit plusieurs minutes afin de se motiver à se lever pour commencer sa journée. Lentement, les souvenirs de la veille lui reviennent ainsi que l'enjeu qui est désormais devenu le sien. Celui de diriger une Unité à lui tout seul. Il avait été surpris d'être convoqué par Karu pour lui confier cette si grande responsabilité. Pour lui, d'autres Maîtres étaient tout autant légitimes à prendre ce poste, comme Senji, qui est plus ancien que lui, mais l'échec de la dernière mission a du peser dans la balance. Pourtant, lui aussi en avait fait parti de cet échec. Il repensa alors au bout de papier trouvé par terre après le départ d'Akhe. Ce papier n'avait rien d'anodin et un mauvais pressentiment envahi Kintaro. Yahiro, un usurpateur ? Il n'en croyait pas un mot, mais selon lui, cela dénotait clairement une menace qui pouvait actuellement planer sur le village. Comme si, depuis le début de l'ordre de l'Expédition, un vent avait tourné et que chaque événement se superposait désormais à l'autre. Jusqu'où ? Il se leva enfin et se dit qu'il irait voir Karu après s'être réveillé. Il commença par une séance de méditation profonde afin d'évacuer sa gueule de bois et recentrer toute son énergie pour aborder dans de meilleures conditions la journée qui s'annonce. Une fois sa longue séance d'une heure terminée, il s'habilla, ajusta ses cheveux en épis et en pagaille avant de remettre son bandeau sur sa moitié de visage. En le remettant, il se remémora son parcours. Ce bandeau représentait un symbole fort pour lui. Il représente son père, Chasseur lui aussi et mort dans des circonstances troublantes. L'on raconte dans le village que le père de Kintaro, Yaraomaru serait mort face à une porte et que, n'ayant pas respecté les Dieux et les Cieux, ces derniers, par une divine punition, l'aurait foudroyé sur place et sur le champ. Kintaro avait depuis longtemps dépassé cette question pour ne se concentrer que sur lui et son avenir. Il n'avait jamais voulu élucider ce mystère, préférant penser qu'il s'agissait tout naturellement de l'heure de son paternel, et ce, qu'importe les conditions. Comme Koko d'ailleurs.. cela devait être son heure.

Il sortit de sa chambre-case pour aller se restaurer dans la salle prévu à cet effet du Hanto. On était déjà à la mi-journée et en ce jour si spécial, il n'y avait pas d'entraînement, mais un banquet florissant pour remplir les panses et panser les plaies. Kintaro ne se priva pas pour se servir différents morceaux de viande. Du cerglon, du laupin, des morceaux de chonk. Il agrémenta le tout avec quelques légumes verts cultivés au village. Le tout, avec une boisson euphorisante - une de plus se dit-il - mais néanmoins sans culpabilité. Il était encore dans l'octave de sa promotion. Il s'installa à une table et commença à manger. Il fut bientôt rejoint par Ume.

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