VIII. VERSUS - PART II.

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La suite de la journée restait étrange pour Jasme. Elle découvrait un monde nouveau, une prison dorée qu'elle n'aurait jamais imaginé cotoyer. Elle rencontra tour à tour, Sayana et Ome qui lui fit un bon accueil, bien qu'elle ressentie que Sayana n'était pas foncièrement heureuse de l'idée qu'avait eu son mari. Elle sentait qu'elle n'avait rien contre elle, mais qu'elle en avait après la décision sans sommation de Nahiro. Elle était en réalité vexée qu'il ne l'ait pas consultée, qu'il ne lui ait pas posé la question pour avoir son avis. Elle sait pertinemment qu'une femme régente à Khonkiri n'a pas son mot à dire et que son poids est léger dans ses décisions, mais elle espérait qu'après toutes ces années, elle aurait au moins gagnée la confiance de son homme pour pouvoir à minima échanger et l'aider à éclaircir ses pensées. Au lieu de ça, il préférait écouter les murmures des ombres. Jasme se contentait d'observer tout cela sans oser dire un mot plus haut que l'autre.

Le mariage de Sakuse et de Jasme avait été annoncé en grande pompe à travers tout le village. Un mariage dynastique, cela n'arrivait pas tous les quatre matins et cette nouvelle permit à la population d'oublier un peu l'onde de choc de la révélation de Yahiro. Tous ne parlaient plus que de ça et tous avaient hâte de pouvoir y assister sur la place centrale. Les jours qui précédaient le mariage, Jasme préféra rester discrète et ne répondait que quand on lui parlait. C'est ainsi qu'elle vécut plusieurs repas de famille où le silence était d'or, montrant sous une forme criante les frictions qui pouvaient exister dans la famille Khonkiri. Sayana ne digérait pas et ne parlait plus à Nahiro. Sakuse avait la mine ferme pendant que la vieille mère Ome se complaisait dans son éternel silence. Parfois, pour alimenter l'instant, Nahiro posait des questions en tout genre à Jasme. Il lui demandait comment était son quotidien au O teire, si la bâtisse était utile au village, quelles techniques étaient élaborées. Elle prit ça comme un interrogatoire malsain et à chacune des questions sortait de sa bouche une réponse évasive, pensant que si le Chef Suprême s'intéressait à toutes ces choses-là maintenant, il n'avait qu'à y passer quelques heures là-bas. Dans le fond, elle le suspectait de l'interroger pour le conforter dans sa décision de s'en être pris au sorcier du village, comme s'il cherchait la moindre faute, le moindre écart qui lui permettait de justifier davantage le traitement qu'il apportait à cette situation. Cependant, aucun secret ne sortait de sa bouche qui pouvait discréditer le sorcier. Au contraire, elle s'amusait à répondre toujours positivement, quitte à enjoliver certains événements moins reluisants de manière à ne pas satisfaire la curiosité sadique du Chef Suprême.

La nuit, Jasme ne dormait pas ou peu. En tout cas, pas aussi bien que quand elle était au O teire. Elle dormait désormais dans le grand lit avec Sakuse mais elle constata rapidement qu'il avait joint ses paroles à ses actes. Il ne faisait que simplement se coucher à côté d'elle et s'endormait rapidement sans jamais vouloir la toucher ou la forcer à quoi que ce soit. Aucun lien d'amour n'existait entre eux et il ne tentait d'aucune façon d'en créer un, chacun restant profondément marqué par décision prise en haut-lieu et qu'ils n'acceptaient pas au plus profond de leur âme. Elle restait alors pendant des heures les yeux ouverts à réfléchir. Parfois, elle repensait à sa vie depuis sa naissance. Elle repensait a des moments bien particuliers passés au O teire ou encore à ces instants de franche camaraderie avec ce qu'elle appelait "son trio". Quand elle partait trop loin dans ses souvenirs et que cela la rendait nostalgique, une petite voix venait interrompre son flot incessant de pensées pour lui susurrer de laisser aller ce qui était et d'avoir désormais confiance en ce qui sera. Elle se mettait alors à réfléchir à la suite. Elle allait devenir une femme mariée, condamnée à vivre en ces murs. Elle élaborait alors des plans pour ne pas moisir intérieurement en se demandant comment elle ferait pour méditer, comment elle ferait pour s'entraîner et s'aguerrir au savoir du O teire ou encore, comment allait-elle faire pour s'entretenir avec les Dieux et les Cieux. Quand elle ne s'imagina pas des pensées noires, elle pensait à Nahiro en tentant de se mettre à sa place pour comprendre la logique de ses actions. Elle se demanda ce qui pouvait le motiver à tout cela. Avant l'expédition 436, tout était si calme et paisible. Les exploiteurs cultivaient simplement la terre, les élèves étudiaient au Corps Éducatif, les Chasseurs ramenaient des vivres, les disciples du O teire devenaient de meilleurs soigneurs. L'expédition 436 ne devait être qu'une formalité. Depuis, elle avait perdu un ami devenu exilé, un autre l'avait quitté pour un autre Corps, son maître en était réduit à n'être qu'un prisonnier et elle, allait devenir une femme emprisonnée dans le pouvoir. En si peu de temps, tout avait basculé et elle se demanda ce qu'elle avait bien pu faire pour que tous ces événements s'entremêlent les uns après les autres pour arriver aujourd'hui à une situation compliquée. Était-ce le fruit du hasard ? La volonté des Dieux et des Cieux ? Quelqu'un, avait-il fomenté tout cela ? Non, c'était impossible qu'un esprit humain puisse prévoir à ce point-là les actions d'autrui.

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