V. SAYONARA - PART III

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V. SAYONARA - PART III


Le sorcier alluma un à un les énormes coupoles. Un énorme brasier s'éleva aux quatre coins vers les Cieux. Dans son habit de sorcier, une longue robe violette et un bâton de bois à la main, Yahiro ferma les yeux. Le silence était de marbre et seul, s'entendait le crépitement des flammes émanant des coupoles répartis sur les quatre coins de l'estrade. La cérémonie allait débuter. Quelques instants plus tôt, les disciples du O teire avait ramené des cases, les quatre corps pour les disposer un par un sur chacune des tables-autels qui leur étaient réservés. Tout le village était présent. Les familles des défunts étaient au premier rang devant, prêt à intervenir lorsque ce serait leur tour. Sur la droite de l'estrade, une tribune avait été montée de toute pièce pour y accueillir la famille Khonkiri. Tous avaient répondu présent. Nahiro Khonkiri, sa femme Sayana, leurs deux fils, Sakuse et Notaru ainsi que la vieille mère silencieuse Ome. Juste derrière les familles, légèrement espacés, se trouvaient tous les villageois. Sur la gauche de l'estrade, parfaitement alignés en rang, se trouvaient les disciples du O teire dont faisaient partis Akhe et Jasme. Ils portaient tous leurs robes blanches avec l'inscription "O teire" dans leur dos. Dans le fond de l'assemblée, les Chasseurs étaient présents en tenues. Karu étant au devant de sa deuxième ligne, les Maîtres, suivis enfin des Disciples. Les villageois baissaient la tête dans l'attente des premiers mots prononcés par le sorcier :

- Chers Villageois ! Chers Chasseurs, Chers Disciples. Chère Famille Khonkiri. S'élança à plein poumon Yahiro en regardant la tribune dynastique, Nous voici réunis ce soir sous les yeux des Dieux et des Cieux afin d'accompagner quatre des nôtres auprès d'eux. Ces quatre âmes charitables ont péri au prix de leur vie pour le bien de tout le village, pour le bien commun. Ces hommes courageux ont mis en avant leur savoir-faire, leurs éducations, leurs valeurs dans l'objectif de la mission qui a été donné par notre Chef Suprême.

Yahiro regarda Nahiro Khonkiri qui lui envoya un sourire en retour. Le sorcier se souvenait aisément en prononçant ces paroles, qu'il n'avait suggéré d'aucune manière d'aller tuer de pauvres bêtes sacrées pour extraire des défenses. S'il n'avait pas toute la sagesse acquise d'une vie, il serait déjà en train d'accuser Nahiro Khonkiri et de le tenir pour responsable de la mort de quatre vies.

- Ces quatre hommes sont jeunes. Bien trop jeunes pour rejoindre les Dieux et les Cieux, mais il en est désormais ainsi. Ils les ont appelés auprès d'eux afin qu'ils puissent revenir sous une autre forme, meilleure encore que la précédente, meilleure encore que celle qui a été façonnée grâce à leurs parents, grâce à vous, mais aussi grâce à vous Chasseurs, grâce a ce village. Ils ont donné du leur pour nous. Nous leur devons de donner pour eux. Je vous invite à tous vous concentrer, à recentrer vos énergies pour les aider à s'élever parmi ceux qui nous ont élevés.

Sur ces mots, Yahiro se mit dos à la foule. Il marcha lentement pour atteindre un petit bureau qui avait été monté sur l'estrade où était entreposé plusieurs fioles uniquement réservés au Sorcier. Il posa son bâton de bois sur le bureau et prit une fiole entre ses mains. À l'intérieur, une matière blanche et poudreuse s'y trouvait. Il déboucha la fiole, et, un à un, il déversa une pincée sur chacun des corps. Un gong avait été également installé au fond de l'estrade où un disciple s'y tenait debout. Yahiro lui fit un signe en hochant la tête et le disciple se mit à frapper le gong avec un bâton de bois. Le son lourd et grave résonnait dans tout le village désormais silencieux. Une fois, cela fait, Yahiro se rapprocha du premier cadavre. Il prononça des paroles incantatoires en touchant les yeux et en les refermant tout doucement. Tour à tour, gong par gong, Yahiro répéta le même geste pour chacune des victimes. Il s'empara ensuite d'une nouvelle fiole, mais cette fois-ci d'une poudre de couleur violette qu'il répandit sur tout le corps, de la tête aux pieds. Chaque action faisant résonner le gong perpétuel. Le temps que le son s'évapore dans la nature, un autre résonnait dans la foulée. Arrivé au cadavre de Koko, Yahiro répéta mécaniquement le même geste et les mêmes paroles à la perfection, mais une pensée autre se joigna aux gestes cérémoniels. À travers Koko, c'était Naru qu'il voyait. Et si ça avait été lui à la place ? Et si les autres hommes l'avaient assassiné lui à la place ? Yahiro s'avoua ignorant. Il ne savait pas comment il aurait réagi à l'idée de faire la cérémonie pour l'un de ses trois enfants recueillis dans leur jeunesse. Bien sûr, il savait qu'il aurait su gérer les gestes maintes et maintes fois répétés pour ce type de circonstances, mais il ne savait pas quels sentiments humains aurait pu l'envahir à un moment similaire. Les Dieux et les Cieux l'avaient prévenu ; on ne sait jamais à l'avance comment réagir face à une situation vécue bien qu'on se l'imagine à plusieurs reprises. Cela lui fit rappeler ces autres hommes d'ailleurs. Pratiquaient-ils la même chose pour leurs morts ?

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