IX. SHOSIKI - PART II

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Shenzo était sur la route du retour vers Khonkiri. La session plénière ne l'avait satisfait qu'à moitié et un sentiment d'échec restait dans sa gorge. Il se souvenait d'une session où le village de Khonkiri venait d'être découvert et que la Grande Prêtresse, dans son rêve d'expansion, l'avait sommer de s'y rendre au plus rapide afin d'en prendre possession. Au début, il avait été fier qu'elle lui ait confié une telle mission. L'organisation Shenshutsu comprenait dix membres, dix élus des Dieux et des Cieux et chacun avait un rôle à jouer. Certains restent encore en sommeil du fait qu'il n'y a pas, à leur connaissance, dix villages à manipuler pour créer un seul ensemble et Shenzo faisait parti des rares à qui on avait attribué une tâche et un village. Ganao s'occupait d'Omewu depuis longtemps et deux autres membres s'occupaient du reste. Entre temps, avant le début de sa mission, un des membres avait même déserté du jour au lendemain et personne n'avait eu de nouvelles. Tous supposaient que le dixième et dernier membre était simplement décédé dans la nature et ils ne s'en étaient pas plus occupés que ça.

Plus il avançait vers Khonkiri la première fois et plus la fierté d'avoir été élu pour cette tâche disparaissait. En chemin, il avait pensé à différents plans pour conquérir ce village dont il ne connaissait rien. Rien de leur coutume, rien de leur organisation, rien de leur fonctionnement. À un moment, il voulut même faire demi-tour et retrouver la Grande Prêtresse pour lui demander de l'aide quitte à obtenir une aide armée grâce à Ganao, mais il se ravisa bien vite sachant qu'il aurait été déshonorant pour lui de faire cela. Un élu était élu pour faire et non pas pour déléguer et nul sait si par cet acte, il aurait été envoyé là où sont les oiseaux afin de disparaître purement et simplement de la surface du monde. Il s'était donc résolu à continuer sa marche vers Khonkiri et petit à petit, se décida à improviser.

Une nuit, il arriva à bon port et les gardes d'entrée l'avait repéré. Il s'était immédiatement soumis à leurs ordres et leur avait dit qu'il avait été un envoyé afin de prévenir leur "Chef" d'une menace qui planait au-dessus d'eux. Se présentant ainsi comme quelqu'un, qui "sait", les gardes s'étaient regardé longuement et l'avaient pris pour un sorcier. Discrètement, les portes s'étaient ouvertes et il fut amené vers l'Okyu en prenant soin de ne pas passer par les ruelles encore animées durant la nuit comme celle de la taverne où se retrouvait chaque soir des Exploiteurs avide de se faire plaisir et d'émettre des critiques en tout genre.

Cette nuit-là, il fit la connaissance du Chef Suprême, Nahiro Khonkiri. Shenzo s'était employé à utiliser les bons mots. Ceux qui convainquent, mais qui ne disent pas grand chose. Il espérait que cela fonctionnerait et que le dirigeant ne suspecterait pas une intention qu'il souhaitait cacher. Par ce jeu d'équilibriste, il avait réussi à capter son attention et s'était vu invité à rester la nuit dans une chambre vide et poussiéreuse qui n'avait plus servi depuis plusieurs jours. Il restait néanmoins sur ses gardes ne sachant pas s'il s'agissait d'une mesure préventive et d'un piège ou si la première phase de son objectif venait d'être atteinte. La nuit qu'il passa fut calme et aucun bruit ne vint le perturber.

Le lendemain matin, comme pour remercier les Dieux et les Cieux, il s'était enfermé dans sa nouvelle chambre à l'aide d'une chaise qu'il avait bloquée sous la poignée. Il sortit une bougie qu'il alluma puis il répandit des cendres afin de former un cercle avec des lignes qui se croisent à l'intérieur. Il avait retiré son pendentif qu'il posa soigneusement au milieu puis récita quelques mots. Une fois cela fait, chose qui le rassurait profondément, il resta attentif aux bruits extérieur. Il ne souhaitait pas se montrer au grand jour et préférait attendre que le dirigeant l'appelait. Quelques heures passèrent quand ce fut enfin le cas. Un garde frappa à la porte et le somma de le suivre jusqu'à la salle du trône ou siégeait Nahiro.

Des jours durant, le quotidien fut le même. Il restait caché dans sa chambre et attendait que le dirigeant l'appelle. Une fois devant lui, des heures de discussions passaient très vite entre les deux. Il trouva ce dirigeant intéressant de par sa manière de voir les choses et de ce qu'il souhaitait pour son village. Il lui avait fait une leçon d'histoire d'une façon passionnée lui racontant ce qu'il savait sur les débuts de son village, des Premiers Hommes jusqu'à son père puis de l'héritage que lui avait laissé ce dernier. Ce jour-là, il comprit que Khonkiri était l'un des villages décrit dans les écrits comme l'un des villages fondateurs de la civilisation humaine. Les Premiers Hommes avaient fondé cet endroit et il s'en retrouva honoré d'en être l'élu pour cette mission. Il se promit intérieurement de leur faire honneur en menant à bien le projet pensé par la Grande Prêtresse. Le jour suivant, il se décida enfin à ne plus être observateur, mais à devenir un acteur à part entière. Il gardait au fond de lui cette crainte de se voir décapiter sur-le-champ, alors à chaque fois, il choisissait soigneusement ses mots. Au détour d'une conversation sur comment le régent voyait l'avenir de son village, il n'avait pas hésité à lui suggérer l'idée d'y trouver une matière première rare mais essentielle au développement de son village. Les défenses de mammouth. Dans les écrits, ces animaux sont décrits comme des bête sacrées et que chaque partie de leur corps apporte un bien-fait, des tripes à la peau. Son idée à lui était de se focaliser sur cette matière première afin de pouvoir la travailler pour lui et son organisation, mais il avait vendu le projet au régent en expliquant qu'avec cette matière, il pourrait alors inventer une nouvelle arme courbée, mais avec des fils de toiles d'araignées qui se rejoignaient de haut en bas afin de permettre de lancer des projectiles et ainsi éviter le combat au corps-à-corps. Nahiro fut conquis par l'idée qu'il puisse être reconnu comme étant le Chef Suprême ayant inventé une arme révolutionnaire. Lui, se disait qu'en suggérant une idée nouvelle, il obtiendrait les faveurs de Nahiro.

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